
La dissidente birmane, symbole de la lutte pour la démocratie en Birmanie, a été libérée après plus de sept ans consécutifs de résidence surveillée. La communauté internationale exige la libération des 2 000 autres prisonniers politiques birmans.
Scène de liesse dans la rue de l’Université, à Rangoun, ce samedi. Des dizaines de partisans de l’opposante birmane Aung San Suu Kyi, 65 ans, ont bravé l’importante présence policière déployée à proximité de la résidence de la dissidente pour saluer la libération de cette dernière, après plus de sept ans consécutifs de résidence surveillée. Quelques minutes auparavant, les autorités avaient commencé à retirer les barrières qui quadrillaient les environs de sa maison. Selon Reuters, la dissidente a rencontré son avocat et un médecin avant de se présenter à la foule.
"Nous devons travailler ensemble, à l'unisson", a-t-elle ensuite lancé à ses sympathisants, sous les applaudissements, avant de leur donner rendez-vous pour un nouveau discours dimanche au siège Ligue nationale pour la démocratie (LND), son parti dissous avec lequel elle a mené tout son combat politique.
itPrix Nobel de la paix 1991, celle que ses concitoyens surnomment "la Dame de Rangoun" a passé 15 des 21 dernières années privée de liberté, dans les geôles du régime ou assignée à résidence. Fervente défenseuse de la démocratie et des droits de l’Homme en Birmanie, elle est devenue la bête noire du chef de la junte, le généralissime Than Shwe, au point qu’il aurait interdit de prononcer le nom de l’opposante en sa présence.
Cette remise en liberté intervient une semaine après la tenue des premières élections organisées dans le pays depuis plus de 20 ans. Un scrutin qualifié de "mascarade" par l’Occident et les membres de la LND. Sous la pression des militaires, le parti d’opposition a d’ailleurs été dissous à la veille des élections. À l’issue de ce scrutin controversé, les militaires ont remporté une large majorité des sièges de l’Assemblée.
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© {{ scope.credits }}Quant à la libération de Suu Kyi, "beaucoup d’experts disent qu’il s’agit moins d’un pas vers la démocratisation du pays que de la dernière étape vers la consolidation du pouvoir des militaires, affirme Cyril Payen, correspondant de FRANCE 24 en Asie du Sud-Est. On ne peut pas s’attendre à des lendemains qui chantent en Birmanie."
Les conditions de sa libération demeurent floues
Pour l’heure, on ignore encore les modalités de la remise en liberté de la populaire dissidente. Un responsable birman affirme que la junte n'a imposé aucune condition à sa libération. Mais selon des sources diplomatiques à Rangoun, Aung San Suu Kyi aurait dans un premier temps refusé des conditions posées par la junte en échange de sa libération. "La junte a l'habitude de demander aux opposants de signer une lettre de renoncement à la vie politique", rappelle Pauline Victor, journaliste pour FRANCE 24 à Rangoun.
La semaine dernière, Aung San Suu Kyi avait fait savoir, par la voix de ses avocats, qu’elle refuserait toute liberté sous condition. "Elle est avant tout une dirigeante politique, rappelle Marie Bettini, porte-parole de l’association parisienne Info-Birmanie, sur l’antenne de FRANCE 24. Sans liberté de parole et de mouvement, elle pourrait faire très peu pour la démocratisation de son pays."
Pour la spécialiste, la libération d’Aung San Suu Kyi s’inscrit dans la "stratégie de la junte, consistant à donner l’illusion d’une démocratisation pour que la communauté internationale relâche les pressions sur le pays".
Appels à libérer les autres prisonniers politiques
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Dans le monde entier, la nouvelle a été accueillie avec soulagement. Dans un communiqué, le président français, Nicolas Sarkozy, s’est réjoui que "Mme Aung San Suu Kyi retrouve aujourd'hui une liberté dont elle n'aurait jamais due être privée". Mais le numéro un français met en garde les autorités birmanes contre "toute entrave à la liberté de mouvement et d'expression" de la dissidente, estimant que cela "constituerait un nouveau déni inacceptable de ses droits". Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, espère quant à lui une "vraie libération" après une "fausse élection".
Cette remise en liberté aurait "dû être faite depuis longtemps", a souligné pour sa part le Premier ministre britannique, David Cameron. "Aung San Suu Kyi est une inspiration pour nous tous qui croyons à la liberté d'expression, à la démocratie et aux droits de l'Homme", insiste le leader conservateur, qui exige également la libération des "2 100 autres prisonniers politiques" birmans.
Même son de cloche à Berlin, où la chancelière allemande, Angela Merkel, a appelé "à libérer les plus de 2 000 autres prisonniers politiques". De Tokyo, le président des États-Unis, Barack Obama, a salué la libération de son "héroïne" avant de réclamer, lui aussi, un geste en faveur des autres démocrates birmans embastillés. Ban Ki-moon, secrétaire général de l'ONU, a également appelé la junte à libérer tous ses prisonniers politiques.
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