Le film "Hors-la-loi" de Rachid Bouchareb sur la guerre d’Algérie sort ce mercredi en France, alors que la polémique suscitée à Cannes n’est toujours pas retombée. France 24 a rencontré l’un des acteurs du film, Roschdy Zem.
Après avoir suscité la polémique lors de sa projection au festival de Cannes, le film "Hors-la-loi" du Franco-Algérien Rachid Bouchareb sort dans les salles hexagonales ce mercredi et ne manque pas de faire débat à nouveau. Ce long-métrage narre le destin de trois frères algériens, de la fin des années 1930 à l'indépendance de l'Algérie, en 1962. Et aborde en filigrane la question des responsabilités dans les atrocités de la guerre d’Algérie.
Projection tendue dans la cité phocéenne
Lundi, à Marseille, une projection a tourné à l’affrontement : les "anti-Bouchareb" opposés aux "pro-Bouchareb". Les premiers, parmi lesquels quelques élus du Front national, dénoncent un film "anti-français" qui n’aurait pas dû bénéficier, selon eux, des 100 000 euros de subventions de la région Paca. Les seconds, membres du Parti des indigènes de la République, défendent un film "anti-colonialiste". La séance de projection du film a finalement eu lieu.
"De mon point de vue, il y a des blessures qui ne sont pas complètement cicatrisées - des deux côtés, d’ailleurs", explique Roschdy Zem, l’un des acteurs emblématiques du film. "Cette indépendance a été obtenue dans la violence. C’est une guerre qui a été perdue par les Français, mais à contre-cœur. La pilule n’est pas encore passée…"
L'acteur, né en France de parents marocains, aime à penser que le film va aider à cicatriser les blessures. "Tous les témoignages sont bons à entendre. Si on nous empêche de faire des films, cela ne cicatrisera jamais, estime Roschdy Zem. Et même pire, la blessure va s’infecter. C’est un film qui permet le débat, qui ouvre la discussion, mais certainement pas le conflit."
L’équipe du film "Hors-la-loi" se trouve face à une ambigüité : prendre part aux débats que suscitent le film et assurer qu’il ne s’agit bien que d’une fiction, qui n’a pas valeur de documentaire. "Les documentaires sont là pour répondre aux questions de manière précise, renchérit Roschdy Zem. 'Hors-la-loi' est un film populaire, avec tout ce que cela implique. Il y a là tous les ingrédients de la tragédie grecque, selon la recette des grands films noirs, de Melville à Coppola. On est avant tout dans le divertissement. Si cela débouche sur un débat, tant mieux !"
itEn Algérie - où il sortira le 30 septembre -, le film a été bien accueilli, affirme Rachid Bouchareb, interviewé par l’AFP. "Tous ces gens qui m'ont raconté leur vie de militant et leurs souvenirs, ils les ont vus à l'écran. Ils en pleuraient. Et puis on n'avait jamais fait de film sur la Fédération de France - ou la 7e Wilaya - du FLN France métropolitaine." Rachid Bouchareb oppose la réaction positive algérienne à celle, méfiante en France, où "les gens ont parlé d'un film qu'ils n'avaient pas vu". Pour lui, ce long-métrage est d’abord "un film sur l'injustice".
Un soupçon de plagiat
Mais le film est également sous le feu des projecteurs judiciaires. Farid Afiri et Philippe Roques sont les auteurs d'un scénario intitulé "Sparring Partners" et assurent avoir envoyé leur synopsis à Jean Bréhat, producteur de "Hors-la-loi", en 2006 et 2007. Ils remarquent plusieurs similitudes entre leur synopsis et le film, et réclament 750 000 euros chacun ainsi que l'interdiction du film.
L'audience se tiendra le 12 octobre au tribunal de Paris. Joint par l'AFP, Jean Bréhat se dit tout à fait serein : "Tous les gros films sont attaqués (...) parce qu'il y a beaucoup d'argent à la clé..." Rachid Bouchareb renchérit et s'interroge : "Ce sujet dérange-t-il tellement pour qu'il y ait cette accumulation de choses qui tentent de nuire au film ?"