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Le changement est arrivé au parc du National Mall

envoyée spéciale à Washington – Notre reporter Leela Jacinto est à Washington pour couvrir l'investiture du 44e président des États-Unis, Barack Obama. Lisez son carnet de route et vivez l'accueil que Washington réserve au nouveau chef de l'État.

Lisez la suite du carnet de route de Leela Jacinto : "Voyage dans l'univers artistique d'Obama"

La foule réunie au Washington Monument se fait silencieuse, alors qu’une voix annonce cérémonieusement au son des trompettes : "Mesdames et messieurs, le vice-président élu des Etats-Unis".

Quelques minutes plus tôt, un gigantesque pique-nique était organisé autour du Washington Monument. Des milliers de personnes qui n’ont pu se rendre au Lincoln Memorial, où se tenaient les célébrations, s’étaient rassemblés là spontanément.

Soudainement, la foule s’agite. "Mesdames et messieurs, le président élu des Etats-Unis", annonce-t-on. Sur l’écran géant apparaît alors Barack Obama accompagné de sa femme Michelle.

Hypnotisées, les personnes se précipitent vers l’écran. "Je crois qu’il m’a fait un signe !" lance un jeune adolescent, alors qu’Obama sourit et salue la foule à l’écran. Oh, la petite Sasha est là", s’exclame une femme d’un certain âge, dont la voix rappelle celle d’une grand-mère fière de montrer des photos de famille.

Et lorsque l’hymne nationale est entonné, l’atmosphère devient électrique. Des larmes coulent sur quelques joues. Debout, bien droit devant le Washington Monument, Jeff, un retraité de la Marine de 44 ans, dit toute son admiration de l’événement.

"Je me sens autant patriote que le jour où je me suis engagé", déclare-t-il. Affilié au parti républicain, il refuse de dire pour qui il a voté lors de l’élection présidentielle. Mais il est un "fan du processus démocratique, j’ai foi dans ce système".

Assis sur un petit muret qui longe le Washington Monument, Matt Jacobson, 75 ans, affirme que sa foi dans son pays n’a jamais été aussi grande. "Je suis très fier des Américains, déclare-t-il. Je n’aurai jamais cru cela possible il y a quelques années."

Il se souvient de son enfance en Caroline de Nord où, comme partout dans le Sud, régnait la ségrégation. Je me souviens de l’époque où il y avait des toilettes et des fontaines à eau réservées aux personnes de couleurs. Il y avait même des entrées différentes pour le cinéma, se rappelle-t-il. Ce qui se passe, c’est le changement. Le changement est arrivé en Amérique."

Sur la scène, Jon Bon Jovi et Bettye LaVette chantent : "It’s been a long, long time coming", une interprétation soul de la chanson de Sam Cooke "A change is going to come."

Mais certains comme Peter Keseljevic, qui se tient non loin du monument, ne sont pas très heureux du changement survenu. Il brandit une pancarte sur laquelle on peut lire, "Nous voulons le changement avec Jésus, et non pas avec Obama". Accompagné d’une troupe hétéroclite de fans assidus de Jésus, Keseljevic n’apprécie guère que le futur président "défende le péché de l’homosexualité".

Et pour Keseljevic, d’origine norvégienne, ce qui est un péché en Amérique, l’est également pour le reste du monde. "Les Etats-Unis sont les leaders du monde. Ce qui se passe en Amérique fait ensuite le tour du monde, dit-il. Les Etats-Unis doivent suivre les préceptes de la Bible et cesser de pécher par avidité."

Cet électricien d’Oslo est si révolté par cette perspective, qu’il est entré en contact, via Internet, avec un groupe de prêcheurs de rue et s’est acheté un billet pour Washington.

Et dans le froid glacial, Keseljevic s’en prend un groupe d’étudiants noirs. L’un deux hurle d’une voix stridente : "Mon père est pasteur et il dit qu’il faut haïr le péché mais aimer le pécheur !"

Quoi qu’il en soit, la majorité de la foule est rassemblée pour passer un bon moment et partager une page de l’Histoire qui est en train de s’écrire.

Bryant Farland, un avocat de 38 ans, est venu avec sa femme, sa belle-mère et ses trois jeunes enfants. Tous agitent gaiement des drapeaux à l’effigie d’Obama. "Je veux que mes enfants vivent ce moment, déclare le père de famille. C’est historique."

Farland confie que Gillian-An, sa fille de 7 ans, est toute excitée à l’idée qu’Obama prête serment au lendemain du Martin Luther King Day. "Deux de mes enfants sont adoptés, ils sont d’origine cambodgienne, explique-t-il. Le fait que l’investiture d’Obama tombe le lendemain du Martin Luther King Day est, en quelque sorte, la réalisation de ce pourquoi le Dr King a œuvré, que nos enfants soient acceptés et puissent exceller dans ce monde.