
, envoyée spéciale à Perpignan – Une New-Yorkaise, Andrea Star Reese, a passé des années à faire connaissance avec des sans-abri dans un quartier de Harlem. Elle en tire son premier photoreportage, "The Urban Cave", qui fait sensation au festival Visa pour l’Image.
A Perpignan, au festival Visa pour l’Image, tout le monde ne parle que d’elle. De son tour de force. De son enthousiasme. Et de sa simplicité. Ce petit bout de femme n’a pourtant pas fait un reportage au bout du monde dans une zone de conflits, mais en bas de chez elle, à New York, parmi les SDF qui se cachent dans des tunnels ou des boîtes en carton. Andrea Star Reese a beau avoir 58 ans, elle se dit encore étudiante en photojournalisme et avoir commencé ce reportage « à l’école » – elle travaillait dans la danse et la vidéo auparavant et a tourné incidemment des images du World Trade Center, le 11 septembre 2001, ce qui l’a propulsée dans le journalisme.
Andrea avait entendu dire qu’il y avait des habitants dans les égouts et les méandres du métro de l’ouest de Harlem. Elle commence alors par descendre régulièrement sous terre, pour chercher une trace de vie. Quelques indices : une valise laissée là, des cartons empilés... Puis, un mégot de cigarette encore chaud la met sur une piste sérieuse. La femme lance alors un appel dans le vide : "Je suis venue faire des photos, si je vous dérange, faites-le moi comprendre. Je reviens demain." Le jour suivant, un couple est assis près de là et l’attend. La femme, 42 ans, est enceinte jusqu’au cou.
Quand le bébé voit le jour, Lisa et son compagnon Chuck demandent à Andrea Star Reese de les photographier - ils veulent marquer l’événement - et la confiance naît. Cela fait maintenant trois ans que la photographe s’est liée d’amitié avec eux, en descendant les voir plusieurs fois par semaine, parfois quotidiennement. Elle suit les affres et les accomplissements de leur existence : au mieux, c’est trouver des câbles en métal dans des décharges pour les revendre pour Chuck, ou se faire embaucher par un restaurant pour nettoyer la cuisine au petit matin pour Lisa. Dans les moments de désespoir et de besoin urgent de drogue, toutes les autres activités pour avoir de l’argent facile et rapidement sont possibles – des relations sexuelles tarifées, parfois, en dernier recours.
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© {{ scope.credits }}"Country" et "Snow White"
Autre couple, toujours à Harlem, Country et Snow White, le black qui fait la loi dans la "communauté" des sans-abri de Harlem, et sa compagne, Snow White, à la peau blanche comme le lait. Pour se doucher, elle se rend dans l'appartement d'un homme qu'elle connaît et laisse la porte de la salle de bain ouverte pour que son hôte puisse se rincer l’œil. C'est "en échange de la douche", explique Snow White, qui propose à Reeves de la suivre. Ailleurs, elle essuie des coups durant une rixe et supplie la photographe de publier ce cliché-là. Pour que cela se sache.
Puis un jour, Country et Snow White oublient la présence du reporter et se laissent saisir dans leur nudité, enlacés et pensifs. Les corps sont magnifiques.
Que ce soit auprès de ces couples, ou aux côtés de Willy Colon, un homme qui vit de jour comme de nuit dans une boîte en carton, la reporter new-yorkaise prend le temps de poser son regard sur ces vies d’angoisses, de paranoïa et de drogue. Elle s’inquiète de l'avenir de Chuck et de Lisa, expulsés depuis peu de leur tunnel. Elle évite de donner le lieu exact de leurs rencontres "pour ne pas que la police les traque". Tellement impliquée dans son sujet, qu’à chaque occasion qu'elle a de raconter son histoire, elle semble le faire pour la première fois. D’ailleurs, Andrea Star Reeves ne se sent pas vraiment les forces de changer de sujet de reportage avant un long moment. Elle a tout son temps : la presse du monde entier ne fait que la découvrir...
Pour voir la totalité des photos : www.andreastarreese.com