Une troisième enquête préliminaire a été ouverte, vendredi, par le parquet de Nanterre sur le contenu des écoutes clandestines réalisées chez Liliane Bettencourt. Ces enregistrements évoquent d'éventuels blanchiments de fraude fiscale en Suisse.
REUTERS - Une troisième enquête préliminaire de police a été ouverte vendredi pour "blanchiment de fraude fiscale" dans le dossier visant la fortune de Liliane Bettencourt, héritière de L'Oréal.
Le porte-parole du parquet de Nanterre a annoncé cette procédure alors que la police financière effectuait des perquisitions au domicile et à la société de Patrice de Maistre, le gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, troisième fortune française avec 17 milliards d'euros.
Les recherches à son domicile parisien se sont achevées en fin de matinée et celles à la société Clymène en fin d'après-midi, à Neuilly.
La nouvelle enquête visera notamment les pratiques d'évasion fiscale, notamment en Suisse, évoquées par Patrice de Maistre dans les enregistrements clandestins de Liliane Bettencourt réalisés en 2009 et 2010 par un employé.
Le gestionnaire de fortune a été mis en cause par l'ancienne comptable de l'héritière de L'Oréal, Claire Thibout, dans des dépositions réitérées, dont la teneur est confirmée par le parquet de Nanterre (Hauts-de-Seine).
Il lui aurait demandé en 2007 de retirer 50.000 euros en espèces pour la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy et aurait complété cette somme par un retrait de 100.000 euros en Suisse pour les remettre à Eric Woerth, actuel ministre du Travail et à l'époque trésorier de la campagne.
Patrice de Maistre nie ces allégations. Confrontées par la police jeudi, les deux personnes sont restées sur leur position.
Dans les enregistrements des conversations de Liliane Bettencourt publiés dans la presse et remis à la justice, Patrice de Maistre parle des comptes en Suisse. Leur existence a été confirmée et ils recelaient près de 80 millions d'euros.
Patrice de Maistre parle aussi de transférer les avoirs suisses vers Singapour ou l'Uruguay. Apparaît aussi l'existence de l'île d'Arros aux Seychelles, acquise un temps par Liliane Bettencourt via le Liechtenstein.
L'embauche de Florence Woerth
Par ailleurs, Patrice de Maistre dit avoir embauché Florence Woerth à la demande de son mari fin 2007, en expliquant le 23 avril 2010 à Liliane Bettencourt: "J'avoue que quand je l'ai fait, son mari était ministre. Il m'a demandé de le faire. Je l'ai fait pour lui faire plaisir".
Eric Woerth, qui a remis la Légion d'honneur à Patrice de Maistre début 2008, a annoncé le 21 juin le départ de son épouse de la société Clymène.
Philippe Courroye, procureur de Nanterre, mène désormais trois enquêtes préliminaires, une portant sur les enregistrements pour "violation de la vie privée" et une seconde sur les allégations de versement d'enveloppes d'argent à des hommes politiques.
L'avocat de Claire Thibout, Me Antoine Gillot, les syndicats de magistrats, le Parti socialiste et des personnalités comme l'ex-Premier ministre Dominique de Villepin demandent la désignation d'un juge d'instruction indépendant par son statut.
Ils estiment que Philippe Courroye ne peut agir impartialement du fait du lien entre le parquet et le ministère et des liens d'amitié du procureur avec Nicolas Sarkozy.
Mais le parquet ne l'envisage pas à ce stade.
"L'enquête se déroule avec diligence et rigueur. Il n'y aucune raison technique et juridique à ce stade d'ouvrir une information judiciaire", a dit le porte-parole du procureur.
Dans sa dernière déposition jeudi à la police, Claire Thibout a confirmé qu'elle était chargée de retirer de fortes sommes en espèces destinées à des hommes politiques, sans avoir vu directement les remises de fonds, a rapporté le parquet.
Chantal Trovel, ancienne secrétaire particulière d'André Bettencourt, le mari décédé de l'héritière de L'Oréal, a confirmé ce point aux policiers jeudi lors d'un interrogatoire, a dit à Reuters Me Antoine Gillot, qui est aussi son avocat.
"Elle a confirmé que des enveloppes d'argent étaient remises à des hommes politiques et que tout le monde le savait dans la maison Bettencourt", a dit l'avocat.
Une dirigeante de la BNP a par ailleurs contesté devant les policiers avoir tenu une conversation rapportée sur l'épisode de 2007 par Claire Thibout, qui affirme avoir parlé à la banquière d'une remise d'argent, a-t-il ajouté.