Le président du comité républicain, Michael Steele, qui incarnait le renouveau du parti, fait face à de nombreux appels à la démission après une succession de faux-pas. Il a notamment insinué que le conflit en Afghanistan avait été le choix d'Obama.
"Il est temps d’opérer un changement radical et nous allons le faire", déclarait Michael Steele en janvier 2009, en acceptant sa nomination à la présidence du comité national du Parti républicain.
À cette époque, l’homme charismatique et impétueux de 52 ans, premier afro-américain à diriger le parti conservateur, semble parfaitement incarner la volonté républicaine de tourner la page de l’ère Bush. Avec ses apparitions fréquentes à la télévision et son goût prononcé pour l’argot, Steele était perçu comme un sauveur, incarnant la droite moderne apte à rivaliser avec un Parti démocrate revitalisé par l’arrivée de Barack Obama.
Un an et demi plus tard, Steele ne jouit plus de la même aura. Ses gaffes répétées ont eu raison de sa popularité. Depuis la dernière en date, où Steele a insinué que l’Afghanistan était "une guerre choisie par Obama", les appels à sa démission se multiplient.
Steele, par ses faux-pas très médiatisés, a sapé les efforts républicains en vue de former une opposition unie. L’élection de Steele à la tête du comité républicain ressemble désormais davantage à une expérience ratée qu’à un tournant dans l’histoire du parti.
Une boulette sur la guerre en Afghanistan
La goutte d’eau qui a fait déborder le vase : une analyse très personnelle du conflit en Afghanistan. Lors d’une collecte de fonds du parti dans le Connecticut le 1er juillet, Steele s’est un peu emballé. "Gardez encore une fois à l’esprit que cette guerre, c’est un choix d’Obama. Ce n’était pas une guerre que les Etats-Unis ont activement cherché à mener ou dans laquelle ils voulaient s’engager", a-t-il déclaré, alors qu’il était filmé - une vidéo a ensuite été postée sur Internet.
"Le président essayait de faire le malin en nous servant un discours qui diabolisait [la guerre en] Irak et en assurant que l’Afghanistan représentait la vraie bataille, poursuit-il. Et bien, s’il connaît si bien l’Histoire, pourquoi n’a-t-il pas compris que la seule chose à ne pas faire, c’est justement de s’engager dans une guerre terrestre en Afghanistan ?"
À droite comme à gauche, des réactions indignées ont fusé. Les démocrates ont judicieusement fait remarquer que la guerre en Afghanistan n’avait pas été déclenchée par Obama mais par George W. Bush en 2001. Les conservateurs, eux, ont peu apprécié cette critique implicite au soutien républicain aux opérations en Afghanistan.
Michael Steele a beau avoir fait machine arrière dans un communiqué, le mal était fait. Des conservateurs influents, comme le journaliste William Kristol ou la stratège Liz Cheney (fille de Dick Cheney, ancien vice-président), réclament sa tête. Le sénateur John McCain, considéré comme le leader républicain de facto, a déclaré au cours d’une interview télévisée que "M. Steele se trouve à un moment où il doit décider s’il peut toujours mener le parti républicain".
Franc-parler et remontrances
Steele avait pourtant abordé son nouveau rôle avec enthousiasme. Il s’est attaché à rendre le parti plus séduisant pour les jeunes et les minorités, deux populations qui ont largement voté pour Obama en 2007. La stratégie de Steele était de donner une image plus "sexy", plus "cool" au parti, réputé pour n’être composé que d’hommes blancs et âgés. Son objectif : attirer tout le monde, "même les nains manchots" a-t-il cru nécessaire de préciser. Une approche applaudie par nombre de personnalités de droite, dont Sarah Palin et l’ancien président de la Chambre des représentants Newt Gingrich.
Le franc-parler de Steele a fait froncer les sourcils très tôt. Quelques mois seulement après son élection à la présidence du parti, il a comparé les républicains à des alcooliques en cure de désintoxication en leur suggérant un "programme en 12 étapes". Un peu plus tard, il a qualifié de "médiocre" une émission de radio très populaire animée par le conservateur Rush Limbaugh. Ces deux remarques lui ont valu de vives remontrances de l’intérieur du parti. D’autant plus qu’il a également promis de déloger tous les sénateurs républicains qui avaient voté en faveur du plan de relance d’Obama.
Ces derniers mois, Steele a encore aggravé son cas en gérant de façon controversée l’argent de son parti. En décembre 2009, il a été critiqué pour exiger une rémunération astronomique pour ses discours - jusqu’à 20 000 dollars auxquels s’ajoutent des billets d’avion en première classe et des réservations dans des hôtels de luxe. En mars, des rapports ont révélé que le comité national avait dépensé près de 2 000 dollars dans un night-club, pour une soirée à thème SM en Californie.
Maillon faible
Les cadres du parti ont affirmé que Steele n’était pas au courant de ces dépenses. Mais ces révélations ont distillé le doute sur sa capacité à diriger le parti. "Steele est un long festival de gaffes", déclare Darrel West, directeur des études politiques à la Brookings Institution à Washington. "Tout ce qu’il réussit, c’est faire parler de lui dans les journaux d’une façon défavorable. Quand l’opinion publique est de votre côté, la distraction n’est pas excusable."
Si la "distraction" de Steele a franchi un nouveau palier avec sa dernière remarque, sa démission n’est pas acquise : pour qu’il se retire, les deux-tiers des membres du comité national doivent voter contre lui.
Pourtant, l’impression générale est claire : à quelques mois des élections de mi-mandat en novembre, son style flashy et ses déclarations surprenantes ne sont désormais plus considérées comme un atout pour le parti. La rhétorique de Steele, ses origines modestes, ses positions conservatrices et sa volonté de faire bouger les républicains semblaient pourtant former une combinaison gagnante pour unir et remodeler le partii.
Mais désormais l’homme n’est plus qu’un maillon faible au milieu des différentes factions de droite qui, certes, ont beaucoup gagné en popularité en s’opposant à Obama, mais qui ne semblent pas s’entendre sur grand-chose d’autre.