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L'"Oncle Boonmee" du Thaïlandais Weerasethakul ensorcelle la Croisette

, envoyé spécial à Cannes – "Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures" est un film thaïlandais lent et dérangeant sur un vieil homme, son gorille de fils, une femme-fantôme, une princesse et un poisson aux pouvoirs surnaturels... De quoi séduire Tim Burton ?

Alors que le Festival de Cannes touche à sa fin, les conversations dans les salles de presse bondées, les terrasses de café et même les files d’attente pour les toilettes portent toutes sur les pronostics de la Palme d’Or, dimanche. Parmi les favoris : "Another Year" de Mike Leigh, "Des Hommes et des Dieux" de Xavier Beauvois, et "Poetry" de Lee Chang-dong.

Mais les paris ne sont pas finis. Un film étonnant a fait son entrée dans la compétition, vendredi : “Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures", du Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul. Ce réalisateur est aussi bien connu pour son nom imprononçable que pour ses films énigmatiques et luxuriants. Son film en compétition porte un nom amusant, et, tout comme son précédent opus présenté à Cannes en 2004 ("Tropical Malady", prix du jury), il embarque le spectateur dans un monde débordant d’imagination et de drôleries.

Sans tambour ni trompette

Oncle Boonmee agrémente son propos sur l’amour, la perte et la spiritualité, d’une bonne dose de surnaturel façon David Lynch, confinant au film d’horreur et de science-fiction. La trame met en scène un vieil homme - oncle Boonmee,donc - qui souffre des reins et se met au vert. Quelques personnes de sa famille et un jeune Laotien prennent soin de lui. Boonmee reçoit la visite de sa femme décédée et de son fils, réincarné en gorille aux yeux rouges. Dans l’univers singulier du cinéaste Weerasethakul, ces apparitions se produisent sans tambour ni trompette, et se fondent très bien dans le paysage.

Durant le reste du film, tout ce petit monde se met en route vers une caverne, où Boonmee est né dans une vie antérieure, et où il aimerait passer ses derniers jours. En cours de chemin, le réalisateur fait une halte d’une beauté surprenante pour raconter l’histoire d’une princesse et d’un poisson aux pouvoirs extraordinaires.

C’est un film lent, étrange, aux interprétations multiples et ouvertes. Contrairement à Jean-Luc Godard et son indéchiffrable "Film Socialisme", Apichatpong Weerasethakul invite le spectateur dans son monde. Des fantômes surgissent d’un coin de l’écran, des silhouettes bizarres émergent de la forêt dense et sombre, et toutes sortes de créatures animales et humaines échangent avec nonchalance des propos sarcastiques.

Au final, le film vous jette un sort et ses images inoubliables s’agrippent à votre mémoire. Sûrement que le président du jury Tim Burton sera sensible à la poésie et à la mystique, à la fois menaçante et nourrissante, d’"Oncle Boonmee".