La chancelière allemande Angela Merkel a plaidé jeudi pour une taxation des transactions financières. A la suite de quoi les Bourses mondiales et l'euro ont subi une nouvelle chute.
AFP - Les Bourses mondiales et l'euro ont connu jeudi une nouvelle rechute en raison des tiraillements dans la zone euro provoqués par le cavalier seul de l'Allemagne, en dépit d'une accalmie de courte durée dans la matinée.
La décision surprise et unilatérale de l'Allemagne d'interdire les ventes à découvert sur certains produits financiers, conjuguée aux propos alarmistes tenus par la chancelière allemande Angela Merkel avaient déjà levé un vent de panique mercredi sur les marchés.
Les Bourses européennes avaient pourtant ouvert en hausse jeudi, consolidant même leurs gains dans les premiers échanges. Mais l'inquiétude relative au manque de cohésion affiché par des dirigeants de la zone euro a finalement repris le dessus, selon des opérateurs.
Après avoir perdu 3% ou 4% après l'ouverture, dans le rouge, de Wall Street, les places européennes ont cependant réduit leurs pertes à la clôture: Francfort a cédé 2,02%, Paris 2,25% et Londres 1,65%. La Bourse de Madrid a terminé la séance sur un recul de 1,13%.
Au soir d'une journée de grève générale et de manifestations contre le plan d'austérité du gouvernement grec, la Bourse d'Athènes a également fini en forte baisse, de 3,32%, un plus bas depuis plus d'un an.
Suivant la tendance sur les autres places mondiales, le RTS, la principale place boursière moscovite, a perdu 5,5%.
Vers 16H00 GMT, le Dow Jones cédait 2,11% et le Nasdaq 2,67%.
L'Asie avait donné le ton de la journée, Tokyo clôturant en baisse de 1,54%.
L'Allemagne, poids-lourd de la zone euro, a semé le trouble en décidant d'interdire, jusqu'en mars 2011, les ventes à découvert à nu sur les emprunts d'Etat de la zone euro, sur certains CDS (credit default swaps, des couvertures contre le risque de faillite d'un pays ou d'une entreprise) et sur dix actions du secteur financier outre-Rhin.
Les ventes dites "à découvert" permettent à des opérateurs de marchés boursiers de vendre des titres qu'ils ne possèdent pas encore, avec l'espoir de les racheter à un moindre prix. Plusieurs fois suspendu sur les grandes Bourses mondiales, ce type de transactions a souvent été montré du doigt depuis le début de la crise financière.
Avec cette interdiction, l'Allemagne entend plus précisément enrayer les mouvements spéculatifs mis en évidence par la crise de la dette grecque. Mais, en faisant cavalier seul, Berlin a avant tout inquiété des marchés excessivement nerveux depuis près de deux semaines. Le patron de l'Eurogroupe, le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker s'est étonné jeudi de cet unilatéralisme allemand, contribuant à la cacophonie européenne.
"Une fois de plus, on assiste à un manque de discours coordonné de la part de l'Eurogroupe. Or, dans la période actuelle, ce n'est pas bon", avait relevé mercredi soir Franklin Pichard, directeur de Barclays Bourse.
L'opérateur de la Bourse de Francfort, Deutsche Börse, s'est désolidarisé de cette décision. "Une interdiction des ventes à découvert peut dégrader la qualité du marché et accroître le coût des liquidités", a-t-il souligné, condamnant également le manque d'unité en Europe.
La France s'est également montrée réservée. L'Autorité des Marchés Financiers (AMF), gendarme de la Bourse français, a mis en doute jeudi matin l'efficacité de cette interdiction alors que la ministre des Finances Christine Lagarde qualifiait de "discutables" les modalités de celle-ci.
"C'est une mesure qui doit être prise en concertation" au niveau européen, a regretté Mme Lagarde.
La ministre française a en outre contredit la chancelière Angela Merkel qui avait estimé mercredi que "l'euro (était) en danger".
"Je ne crois absolument pas que l'euro soit en danger. L'euro est une devise solide, crédible qui a assuré la stabilité de la zone pendant plus de dix ans", a-t-elle déclaré.
Lors de son passage à Tokyo, M. Juncker s'est dit "réellement inquiet de la rapidité de la baisse du taux de change" de l'euro face au dollar. "Je ne crois pas cependant que cela soit de nature à réclamer une action immédiate", a toutefois déclaré M. Juncker, écartant ainsi l'idée d'un intervention de la BCE pour soutenir l'euro, alors que des spéculations sur une telle manoeuvre avaient déclenché la veille un fort rebond de la monnaie unique européenne.
La devise européenne avait paru se stabiliser dans la matinée, s'échangeant à 1,2395 dollar vers 09H00 GMT, avant de plonger à nouveau. Vers 16H00 GMT, l'euro valait 1,2368 dollar contre 1,2408 dollar mercredi vers 21H00 GMT.