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Seh Daeng, un général renégat jusqu’au-boutiste

Héros militaire pour les uns, ennemi public numéro un pour les autres, Khattiya Sawasdipol, alias "Seh Daeng", est décédé ce lundi. Il avait été blessé jeudi à la tête dans des affrontements entre l'armée et les "chemises rouges". Portrait.

Seh Daeng, de son vrai nom Khattiya Sawasdipol, est décédé lundi après avoir été grièvement blessé à la tête, jeudi dernier. Cette figure emblématique du mouvement des "chemises rouges" qui était au cœur des affrontements agitant le royaume depuis le mois de mars ne laissait personne indifférent. "Ici, on fait comme à Paris il y a 200 ans, on veut prendre la Bastille !", expliquait-il à notre correspondant en Thaïlande, Cyril Payen, fin avril.

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Avec Khattiya Sawasdipol, alias Seh Deng , le chef militaire des "chemises rouges"
Seh Daeng, un général renégat jusqu’au-boutiste

De son vivant, les détracteurs comme les sympathisants de celui qu’on avait pris l’habitude de surnommer le "général rouge" lui reconnaissaient tous au moins une qualité : sa détermination. En 2008, par exemple, alors qu’il était encore général-major de l’armée régulière, il avait voulu déloger des manifestants anti-gouvernementaux retranchés en leur envoyant des serpents depuis des hélicoptères. Le Premier ministre d’alors, Samak Sundaravej, avait, selon ses dires, refusé de recourir à cette méthode…

Des autobiographies à sa gloire

Passé dans l’opposition, l'homme avait conservé ses élans jusqu’au-boutistes hérités d’un passé de militaire-barbouzard qui a contribué à sa légende. Khattiya Sawasdipol a même écrit une série de livres à sa gloire, retraçant ses prétendus exploits comme agent infiltré chez des islamistes d’Aceh (Indonésie) ou encore comme allié des services secrets américains durant la guerre du Vietnam. Ses œuvres, très prisées par ses partisans, forment une série baptisée "Kom Seh Daeng" ("le commandant rouge").

Les autorités thaïlandaises lui attribuent la responsabilité d’une dizaine d’attaques à la grenade à Bangkok, qui ont fait une centaine de morts depuis le début des heurts. Une accusation qu’il a toujours niée. Son rôle se serait borné, selon lui, à celui d’instructeur militaire des "chemises rouges".

Si les qualités militaires de Seh Daeng étaient reconnues, sa forte personnalité a longtemps dérangé sa hiérarchie et lui avait finalement valu une disgrâce, en janvier. Il avait alors été suspendu pour avoir soutenu financièrement les partisans de l'ex-Premier ministre Thaksin Shinawatra. Comme il l’expliquait récemment à l’AFP, ses problèmes auraient commencé en 2008. Lassé par son comportement - il avait accusé un commandant de la police d’être corrompu en 2006 -, le chef de l’armée avait décidé, en novembre 2009, de le réaffecter, en lui attribuant un poste d'instructeur militaire en charge de cours de... fitness et de danse.

Son décès marque une nouvelle étape dans le conflit qui oppose les chemises rouges au pouvoir en place. Avec de nouvelles violences en perspectives ? "Il était à la tête d’une faction paramilitaire rebelle qui est dorénavant livrée à elle-même", prévient Cyril Payen.