Signe de réchauffement très net entre l'Ukraine et la Russie, Vladimir Poutine a proposé une fusion entre le premier producteur mondial de gaz Gazprom et son homologue ukrainien Naftogaz, un an après la plus grave crise gazière russo-ukrainienne.
AFP - Le Premier ministre russe Vladimir Poutine a lancé un pavé dans la mare vendredi en proposant de fusionner Gazprom, premier producteur mondial de gaz, et son homologue ukrainien Naftogaz, accélérant encore le rythme de la spectaculaire réconciliation entre les deux pays.
"Je propose de fusionner Gazprom et Naftogaz", a-t-il déclaré, selon des images retransmises par la télévision.
"Nous avons parlé de l'intégration dans le domaine nucléaire. Nous sommes prêts à faire la même chose dans le domaine du gaz", a-t-il dit à l'issue d'une rencontre avec son homologue ukrainien Mykola Azarov à Sotchi, au bord de la mer Noire.
La proposition, qui pourrait être de nature à inquiéter une Union européenne déjà préoccupée par sa dépendance gazière envers Moscou, était totalement inattendue, et M. Azarov lui-même a fait savoir qu'elle n'avait pas figuré au menu de leurs pourparlers.
"Pendant les négociations avec nos collègues russes, l'idée d'une fusion de Naftogaz et de Gazprom n'a pas été étudiée, Vladimir Poutine l'a évoquée de façon impromptue" pendant la conférence de presse, a déclaré M. Azarov dans des propos cités par son porte-parole, Vitali Loukianenko, et rapportés par l'agence Interfax.
"Et bien, nous allons l'examiner de façon impromptue, et étudier des propositions concrètes", a-t-il ajouté.
Le PDG de Gazprom, Alexeï Miller, a pour sa part indiqué que les principaux responsables énergétiques des deux pays se pencheraient sur la question "après les fêtes de mai", ont rapporté les agences russes.
De loin le premier producteur et exportateur mondial de gaz, Gazprom est contrôlé par l'Etat russe, qui en détient 50,002%.
Naftogaz de son côté est l'une des plus grosses sociétés ukrainiennes et représente un huitième du PIB national. Sa situation financière est actuellement très difficile.
Ironiquement, la proposition de fusion intervient un peu plus d'un an après la plus aigüe des crises gazières russo-ukrainiennes, lorsqu'un conflit sur les prix en janvier 2009 avait conduit à une interruption totale des livraisons de gaz russe via l'Ukraine pendant près de deux semaines, laissant l'Europe grelotter.
Les relations diplomatiques russo-ukrainiennes, jadis glaciales en raison de l'orientation résolument pro-occidentale de l'ancien président Viktor Iouchtchenko, ont opéré un virage à 180 degrés depuis l'arrivée au pouvoir du président Viktor Ianoukovitch en février.
La demande de mariage gazier suit ainsi de peu une autre idée lancée il y a quelques jours par M. Poutine: en déplacement à Kiev, il avait suggéré de créer une holding rassemblant les actifs nucléaires des deux pays, tous deux parmi les plus conséquents d'Europe.
Cette semaine, les Parlements des deux pays ont en outre ratifié un accord extrêmement controversé sur un maintien jusqu'en 2042 de la flotte russe mouillant en mer Noire dans le port de Sébastopol (sud de l'Ukraine) en échange d'une forte baisse du prix du gaz russe acheté par l'Ukraine. Le vote à Kiev a été accompagné d'une véritable foire d'empoigne au Parlement et donné lieu à des manifestations.
L'Ukraine, mise quasiment à genoux par la crise économique, est avide de soutien financier pour boucler son budget, et les Russes semblent décidés à pousser leur avantage dans ce contexte.
M. Poutine a indiqué que la banque publique russe VTB était "prête" à accorder un crédit de 500 millions de dollars au ministère ukrainien des Finances.
"L'objectif stratégique de la Russie est de prendre le contrôle des gazoducs ukrainiens qu'ils cherchent à obtenir sous n'importe quelle forme. La fusion leur permettra d'obtenir ce contrôle", a réagi à Kiev l'analyste Viktor Tchoumak, du Centre International d'études économiques.