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FRANCE 24 a diffusé des images exclusives des affrontements entre les "chemises rouges" et les forces de l'ordre à Bangkok, samedi soir. Notre correspondant Cyril Payen, qui les a tournées, revient sur la couverture de l'évènement.

France24.com : Comment vous êtes-vous retrouvé au cœur de l'affrontement entre les "chemises rouges" et les forces de l'ordre, ce qui vous a permis de tourner les images diffusées sur France 24 ?

Cyril Payen : Quand on a compris que, en quelques endroits précis, les affrontements risquaient d'être violents, notre équipe de journalistes s'y est rendue. C'était un choix délibéré.

Mais on ne s'attendait pas du tout à une telle escalade de la violence, et encore moins à ce qu'une grenade explose au pied des soldats, blessant John Lin, notre collègue. On a eu de la chance d'être sur place, mais encore plus de s'en sortir vivant.

Avant de partir couvrir ces affrontements, nous avions séparé les équipes en deux. Une première s'est rendue dans un centre commercial du côté des "chemises rouges", et la seconde du côté des soldats, dans une rue proche des quartiers touristiques de Bangkok, celle où a été tournée la vidéo des tirs. Une fois sur place, les soldats ont accepté que nous les filmions. Il n'y a pas eu d'hostilité de leur part envers notre équipe.

Les images sont marquantes parce qu'on était au plus près de l'action, mais le danger était bien présent. Techniquement, notre collègue a eu de la chance que sa caméra ne soit pas orientée du côté de la détonation, sinon l'explosion aurait brisé son objectif et il n'aurait pas pu continuer à filmer.

Pouvez-vous revenir sur la polémique consécutive à la diffusion de cette vidéo ?

C. P. : Une vraie polémique est née des images que nous avons tournées en Thaïlande. Nous sommes les seuls à les avoir obtenues, et les seuls à avoir été au milieu des soldats lorsque cela est arrivé.

On ressent beaucoup de pression, surtout depuis que le gouvernement a affirmé avoir tiré en l'air et seulement avec des balles en caoutchouc, samedi soir.

Ce qui fait débat en Thaïlande après la diffusion de notre vidéo, c'est avant tout la présence possible d'une troisième force. Cette violence subite n'est pas logique : quelques minutes avant l'explosion, des "chemises rouges" et des soldats se serraient la main. Dans la rue résonnait de la musique classique - du Chopin - diffusée par des grands hauts parleurs de l'armée afin d'apaiser les esprits.

Aujourd'hui on ne sait toujours pas quel camp a lancé la grenade. Armée et manifestants s'en rejettent la responsabilité. On sait que les "chemises rouges" dérobent régulièrement du matériel aux forces de l'ordre. Plusieurs fusils lance-grenades M79 avec leurs munitions ont disparu depuis un mois.

Comment expliquez-vous ces violences qui ont fait au moins 21 morts pendant le week-end ?

C. P. : L'hypothèse d'une troisième force en présence est renforcée par l'autopsie des blessés. Dans les morgues et les hôpitaux, nous avons vu au moins six civils tués par une balle en plein milieu du front. C'est plutôt la signature d'un tireur d'élite - dit "sniper" - que celle d'un tir de dissuasion.

Et, au vu des blessures, il s'agit de fusils snipers à très forte puissance, une arme peu commune que seules quelques forces spéciales militaires détiennent. Les soldats que nous avons vus n'en sont pas équipés.

Il pourrait s'agir de gens qui ne sont pas issus de l'armée, mais qui tirent "dans le tas" pour créer le chaos. Cela pourrait être soit des vétérans de l'armée, soit une faction "dure" et lourdement équipée des "rouges". La Thaïlande a toujours eu de nombreuses factions militaires différentes. Le pays a d'ailleurs subi 16 coups d'États en 32 ans.