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L’interdiction du voile intégral, une cause presque acquise en Belgique

Alors que, en France, le Conseil d’État vient de rendre un rapport défavorable à une interdiction totale du voile intégral, le Parlement belge s’apprête à adopter une loi interdisant de porter des vêtements masquant le visage sur la voie publique.

Alors que la question de la burqa fait encore débat en France, la Belgique s’apprête à passer à l’action. Quatre propositions de loi seront examinées mercredi par la Commission de l’Intérieur de la Chambre (l’équivalent du Parlement français) pour interdire le port du voile intégral sur la voie publique.

Pour Felice Dassetto, sociologue et président du Centre interdisciplinaire d’étude de l’islam dans le monde contemporain (Cismoc), le vote en faveur de l'interdiction de la burqa "ne devrait être qu’une simple formalité".

France 24 : Comment est vécue la probable interdiction de la burqa sur la voie publique en Belgique ?

 Felice Dassetto : Plutôt bien. Il faut préciser que cette interdiction concernera le niqab et la burqa et qu’il s’agira d’une interdiction fédérale, donc d’une mesure qui s’appliquera à l’ensemble de la Belgique. Nous n’avons pas eu de débat, ni de commission établie pour travailler sur la question, ce qui a facilité les choses. De plus, la communauté musulmane ne s’est pas vraiment exprimée sur le sujet, à l’exception de petits groupes. Il n’y a donc eu aucune levée de boucliers contre le projet. 

Il y a eu un relatif consensus de la majorité autour de la question et le vote prévu demain [le 31 mars] à la Chambre des représentants ne devrait être qu’une simple formalité. Il existe déjà, d’ailleurs, une loi belge datant du XIXe siècle qui interdit de cacher son visage sur la voie publique. Les opposants à la burqa et au niqab se sont appuyés dessus pour défendre leur position. D’ailleurs, dans de nombreuses communes, le port du voile intégral en public est prohibé par des règlements de police. Ainsi, en Belgique, la véritable question concerne plutôt la généralisation de l’interdiction par une loi fédérale.

Comment expliquez-vous le désintérêt de la population et des musulmans belges sur cette question ? 

D’abord, le niqab ou la burqa ne concernent que très peu de femmes musulmanes, appartenant généralement au courant salafiste, minoritaire en Belgique. Ensuite, la communauté musulmane, ainsi que le reste de la communauté belge, est plutôt concentrée sur la question du foulard à l’école. C’est elle qui fait vraiment débat dans le pays. La pression des musulmans est très forte. Environ 50 % des enfants musulmans sont scolarisés dans des écoles libres (NDRL : catholiques, privées) qui sont plus ou moins souples sur la question du foulard. L’autre moitié va dans des écoles publiques. Dans les années 1990, ces dernières ont été autorisées à adopter leur propre règlement intérieur. Un nombre important d’écoles a décidé d’interdire le port du foulard. Depuis quelques années, les musulmans réclament le droit de porter le foulard dans ces écoles publiques.

Peut-on comparer les situations belges et françaises ?

Elles ne sont pas vraiment comparables, compte tenu du fait qu’il n’y a pas réellement de débat sur la burqa ou le niqab en Belgique. Le seul point commun se trouve peut-être dans le fait que les non-musulmans en France, comme en Belgique, sont plutôt opposés au port de la burqa et du niqab. Mais il n’y a pas eu de longs débats sur la question en Belgique, et c’est probablement la raison pour laquelle il n’y a pas d’incertitude comme en France. Je pense que si cette discussion avait eu lieu en Belgique, nous serions dans la même situation. Il y a eu une sorte de "deal" implicite entre les dirigeants belges et la communauté musulmane. Cette dernière espère qu’en laissant passer la loi sur l’interdiction de la burqa et du niqab, le gouvernement sera enclin à plus de souplesse sur le port du foulard à l’école.