, correspondante à Bruxelles – Banni en Flandre, en passe de l'être en Wallonie, le port du voile intégral fait débat en Belgique. Reportage aux côtés de Karima, une jeune femme d'origine marocaine qui a fait de son interdiction un combat personnel.
La sonnerie du téléphone ne cesse de retentir dans les locaux de l'association Insoumise et dévoilée, basée à Verviers, dans le sud de la Belgique. "En deux semaines, 16 jeunes femmes ont fait appel à nous", indique Karima, visiblement débordée. En créant, en 2008, son association, qui porte le nom de son livre paru la même année, elle n'imaginait pas que les choses iraient si vite. "Preuve que mon histoire n'est pas un cas isolé comme le laissent entendre certains politiques", lance la jeune femme.
Née en Belgique dans une famille nombreuse originaire des montagnes berbères de l'Atlas, Karima est contrainte de porter le voile dès l’âge de 9 ans. "Ils ont même fini par le coudre à mes cheveux", confie-t-elle. Traitée "comme une bonniche" par sa famille, elle est cloîtrée, maltraitée et mariée de force au Maroc... Toutes les étapes de cette vie qu'elle a réussi à fuir sont racontées dans son autobiographie. Un témoignage destiné à celles qui traversent les mêmes épreuves et qu'elle considère comme "une quête de soi, une véritable démarche thérapeutique".
Aux quatre coins du pays
Aujourd'hui, Karima met son expérience au profit des autres en proposant, via son association, un réseau de familles d'accueil aux femmes désireuses de prendre un nouveau départ. "Lorsque nous recevons un appel à l'aide nous réagissons immédiatement, c'est essentiel car souvent le courage ne dure pas", commente Karima. Son travail ne s'arrête pas là, elle sillonne aussi les écoles du pays, participe à des débats dans les salles des fêtes ou sur les plateaux de télévision.
Son objectif à plus long terme ? Faire interdire le port du voile dans les établissements publics. En Flandre, la loi est passée le 11 septembre 2009. En Wallonie et à Bruxelles, la question n'a pas encore été tranchée.
Si le parti écologiste prône la tolérance "sous conditions", les libéraux du Mouvement réformateur (MR) militent, eux, pour interdire tout signe religieux ostensible dans les institutions et établissements publics. Les deux autres grands partis, le Parti socialiste (PS) et les démocrates chrétiens défendent une ligne plus floue. Les premiers craignent de se mettre à dos une partie de leur électorat - la Belgique compte 400 000 musulmans - et les seconds, visiblement embarrassés, préconisent "des accommodements raisonnables" calqués sur le modèle anglo-saxon.
"En privé, les politiques nous soutiennent ; en public, ils nous lâchent"
Karima dénonce cette politique de l'autruche. "En privé, ils nous soutiennent mais en public, ils hésitent, lâche-t-elle. Mais le voile n'est pas qu'un bout de tissu. Derrière se cache une série d'interdictions, comme ne pas suivre les cours de biologie ou de gymnastique." C'est pour cette raison que Karima est convaincue de la nécessité d'une loi. "Les directeurs d'école ne peuvent plus prendre de telles décisions seuls !", ajoute-t-elle.
Si, en Belgique francophone, le débat sur le voile est loin d'être terminé, la proposition d'interdire la burqa dans les lieux publics pourrait être bientôt adoptée au Parlement fédéral. "Nous espérons un vote avant Pâques", prévoit Denis Ducarme, député MR. Tous les partis sont cette fois d'accord sur le principe mais certains, comme le PS, préconisent plutôt de régler la question via des arrêtés municipaux.
"Une façon de montrer à leur électorat islamiste qu'ils font de la résistance", estime Denis Ducarme pour qui il est essentiel de légiférer au niveau national afin "de garantir, sur l'ensemble du territoire, une égalité de tous devant la loi".