Sans surprise, le film choc de Jacques Audiard, "Un prophète", a remporté neuf César dont celui du meilleur film. Tahar Rahim a notamment décroché le César du meilleur acteur et celui du meilleur espoir masculin. Une double récompense inédite.
AFP - Inconnu il y a encore peu, Tahar Rahim, César du meilleur acteur et du meilleur espoir masculin à 28 ans, a enflammé la critique en incarnant un jeune orphelin qui apprend à survivre dans la violence de l'univers carcéral dans "Un prophète" de Jacques Audiard.
Avant cette interprétation tendue et toute en finesse d'un garçon devenu malfrat presque sans le vouloir, il avait été repéré par Jacques Audiard dans la série "La commune", diffusée sur Canal+ fin 2007.
Créée par Abdel Raouf Dafri, également scénariste d'"Un prophète", "La commune" narre la vie de "la cité qui détient tous les records en matière de chômage, trafic de stupéfiants et criminalité". Une bonne préparation pour le film noir d'Audiard, où cet acteur aux airs juvéniles a stupéfié en délinquant à la brutalité mâtinée d'innocence.
"Jacques est venu à une projection des trois premiers épisodes, on s'est parlé juste après, et quelques temps plus tard j'ai passé des essais", a raconté le discret Tahar Rahim au dernier Festival de Cannes où il avait frôlé le prix d'interprétation.

"Ces essais ont duré trois mois, ça a été très long, très éprouvant. Il fallait que je sois capable de le mettre en confiance, et lui il s'est éclaté à mettre les doigts dans la matière, à chercher".
"On a beaucoup discuté tous les deux, Jacques et moi", avait-il dit, évoquant aussi un long travail de préparation, basé sur le visionnage de fictions et de documentaires, ainsi que des entretiens avec des détenus.
"Il arrive toujours à ce qu'il veut, et plus encore. Une fois il m'a fait faire une trentaine de prises de la même scène, je suis devenu fou mais on n'avait pas le truc... et au final on l'a eu".
Né le 4 juillet 1981 à Belfort où il a grandi dans une famille nombreuse d'origine algérienne, il a passé son baccalauréat avant de "perdre deux ans en fac de sport et de maths-informatique", raconte-t-il.
Changement de cap en 2002, quand Tahar, qui rêvait d'être acteur depuis l'adolescence, s'inscrit en cinéma à l'université de Montpellier.
Sa licence en poche trois ans plus tard, il s'installe à Paris, prend des cours de comédie et joue dans un "documentaire-fiction" inspiré de sa propre vie: "Tahar l'étudiant" réalisé par Cyril Mennegun, diffusé sur France 5.
A Cannes, Tahar Rahim ne tarissait pas d'éloges sur son partenaire de jeu dans "Un prophète", le comédien Niels Arestrup, nommé pour le César du meilleur acteur dans un second rôle, qui incarne un malfrat corse.
De ses deux parrains de cinéma, Audiard et Arestrup, il dit avoir tiré une leçon d'humilité. "Quand on ne connaît rien au métier, qu'on ne connaît pas ce monde-là, on arrive et on voit des gens qui doutent comme vous et qui s'exercent tout le temps..."