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Kamala Harris, la femme politique qui dérange la manosphère
Publié le : 13/09/2024 - 16:50

On lui donnait le bon Dieu sans confession mais l’abbé Pierre n’était pas aussi formidable que ce que sa réputation prétendait. L’homme d’église engagé en faveur des plus démunis était aussi un agresseur sexuel. Les témoignages se multiplient et on découvre aujourd’hui que ses proches et l’église catholique savaient. Dans cette édition, on s’intéresse aussi à la campagne présidentielle aux États-Unis. Le milliardaire républicain Donald Trump s’oppose à une candidate qui est tout son inverse : femme, noire, issue de la classe moyenne. Dans le débat qui les opposés le 10 septembre, il s’est efforcé de nier la présence de Kamala Harris, allant ainsi dans le sens d’une partie de son électorat, celui d’internautes qui n’hésitent pas à recourir à des arguments misogynes pour discréditer la candidature de Kamala Harris.

Sous ses airs de bon pasteur se cachait en fait un loup. Les premières révélations remontent à février 2019, quand la Ciase (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église) recueille le témoignage de "A.", la toute première voix à s’élever pour dénoncer les agissements de l’abbé Pierre.

La fondation Emmaüs mandate alors le cabinet Egaé pour une enquête et savoir combien de personnes ont été concernées. À l’époque, l’organisation caritative briefe Caroline de Haas, cofondatrice et directrice associée d’Egaé, en évoquant deux cas potentiels, qui auraient eu lieu à plus de dix ans d’écart. La fondation Emmaüs pense que ce sont deux cas isolés… Pour la spécialiste, c’est un schéma improbable : si un agresseur n’est pas arrêté dans ses agissements, il continue à se comporter de la même manière. Un premier rapport, publié en juillet 2024, fait état de sept femmes victimes. Mais l’enquête s’est poursuivie et la suite des consultations révèlent une étendue bien plus importante de l’affaire. Vingt-quatre femmes au moins acceptent de témoigner, certaines en restant anonymes, pour raconter ce qu’elles ont subi. Des femmes proches du mouvement, des bénévoles parfois mais aussi trois mineures, dont une enfant de 8 ans au moment des premières agressions. Surtout, les témoignages laissent entendre que les cadres de la fondation Emmaüs savaient et que l’Église catholique avait été alertée.

Kamala Harris, la candidate qui fâchait les masculinistes

Aux États-Unis, elle incarne le changement : Kamala Harris est une femme, noire et indienne, fille de migrants... Symbole d’espoir pour les un·es, elle est une menace pour l’establishment politique WASP des États-Unis pour d’autres. Les critiques vont bon train, en particulier sur internet et les réseaux sociaux où l’anonymat donne des ailes aux plus timides, y compris chez ces "masculinistes" qui forment le noyau dur des électeurs fidèles à Donald Trump, l’homme qui aimait se présenter en "mâle alpha" lors de la campagne présidentielle qui l’a mené au pouvoir en 2017.

Lors du débat du 10 septembre, le premier qui l’a opposé à la candidate démocrate, Donald Trump a régulièrement ignoré Kamala Harris, ne la désignant pas par son nom, parlant de "her boss" (son patron) pour évoquer Joe Biden et évitant de la regarder dans les yeux. Pour la politiste Marie-Cécile Naves, directrice de l’Observatoire genre et géopolitique à l’IRIS, c’est autant par stratégie électorale que parce qu’il est profondément misogyne et a, réellement, du mal à supporter l’idée d’être confronté à une femme. Ce comportement – qui ne semble pas avoir eu l’effet escompté puisque Kamala Harris a été considérée comme la vainqueuse de ce débat – se retrouve dans les critiques à l’encontre de la magistrate et candidate, confrontée à des commentaires violents en ligne.

"En 2020, nos recherches ont montré que les femmes en politique recevaient trois fois plus d’injures sur une plateforme comme Twitter que les hommes et que les menaces et les injures qu’elles recevaient étaient de nature différente, et étaient souvent à caractère sexuel, se concentraient régulièrement sur leur physique et cherchaient à mettre en cause leurs compétences", explique Cécile Simmons, chercheuse à l’Institut pour le dialogue stratégique à Londres. "À travers ces contenus, on cherche à leur refuser de prendre part à la vie publique et à la vie politique", développe-t-elle. Le rachat par Elon Musk de Twitter, depuis rebaptisé X, a eu pour effet d’encourager ces pratiques et ces comptes, d’autant que les outils d’analyse des publications sur les réseaux sociaux, utilisées jusqu’à présent par les chercheur·euses, sont beaucoup moins accessibles aujourd’hui. L’outil CrowdTangle sur Meta, maison-mère de Facebook, a disparu en août 2024, à quelques mois de l’élection présidentielle américaine, alors que le scandale Cambridge Analytica avait ébranlé les plateformes et montré comment la manipulation de données personnelles sur les réseaux sociaux pouvait influer sur le résultat d’une élection.

NB :

Pour témoigner dans l’affaire abbé Pierre, vous pouvez contacter le dispositif d’écoute du cabinet Egaé : emmaus@groupe-egae.fr ou 01 89 96 01 53.