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Feux de forêt en Grèce : derrière la crise climatique, la responsabilité des autorités en question
Alors qu'un mégafeu ravage depuis dimanche l’Attique - et notamment la banlieue d’Athènes -, la responsabilité des autorités grecques est pointée du doigt. Le gouvernement est accusé de laisser se répéter des incendies devenus annuels.

Chaque année, la même "katastrofi". Chaque été depuis plusieurs années, la Grèce - et notamment la région de l'Attique - est le théâtre de mégafeux menaçant jusqu'aux portes d'Athènes, attisés par des températures caniculaires et l'absence presque totale de pluie. Si le réchauffement climatique est l'une des explications, la responsabilité des autorités est aussi aujourd'hui – plus que jamais – pointée du doigt.

L'année dernière, le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis jugeait que la Grèce, frappée pendant l'été par "les plus graves incendies et inondations de son histoire", subissait avec le changement climatique "une guerre en temps de paix". Un an plus tard, les responsables politiques se voient reprocher de ne jamais tirer les leçons des désastres qui se succèdent inlassablement depuis près d'une décennie.

"Puisque le gouvernement était conscient du risque extrême d'incendie et que les réunions nécessaires avaient eu lieu au ministère de la Protection civile et de la Crise climatique, pourquoi nous sommes-nous retrouvés à nouveau spectateurs du même scenario ?", interrogeait mardi 13 août le quotidien hellénique Ta Nea.

"À l'heure actuelle, l'extinction [des feux] est la priorité, mais ensuite, un plan national de prévention de la crise climatique deviendra urgent. Chaque été, nous perdons les quelques poumons verts qui nous restent, des biens sont détruits et des vies sont en danger", poursuivait le média centriste.

Selon le site Meteo.gr, 37 % des forêts de l'Attique sont en effet parties en fumée ces huit dernières années dans des incendies emportant avec eux la flore, la faune, des habitations et parfois des vies. Cette année, le corps d'une femme a été retrouvé dans une usine calcinée à Halandri, près d'Athènes. Outre les flammes, la population est aussi menacée par la fumée que dégagent les feux, porteuse de particules dangereuses favorisant crises d'asthme et infarctus.

Mardi, une intense confrontation politique a éclaté après un Conseil des ministres extraordinaire réuni par le chef du gouvernement conservateur au ministère de la Crise climatique et de la Protection civile. Kyriakos Mitsotakis (Nouvelle Démocratie, ND) s'est déclaré satisfait des efforts déployés, provoquant une vive réaction de l'opposition, qui dénonce de son côté le manque de moyens humains et d'entretien des forêts – et plus largement, le manque de prévention qui fait chaque année cruellement défaut à la Grèce.

"Cesser d'utiliser la crise climatique comme excuse"

Alors que le feu - qui s'est déclenché près de la ville historique de Marathon, à une quarantaine de kilomètres au nord-est d'Athènes - avance dans la banlieue de la capitale, l'opposition tance le gouvernement.

"Qu’un incendie traverse 40 kilomètres à travers l’Attique déjà à moitié brûlée, et pénètre et brûle le tissu urbain, c’est quelque chose qui convient à Kaboul, mais pas à Athènes", a fustigé sur X Stefanos Kasselakis, successeur d'Alexis Tsipras à la tête du parti de gauche radicale Syriza.

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"Aucune excuse ne peut être tolérée. Alors que depuis cinq ans, chaque été, le désastre est devenu une sinistre normalité", a renchéri dans un communiqué Olga Yerovassili, une députée issue du même parti. "Les conséquences de la crise climatique ne peuvent être traitées par des paroles, des promesses et des excuses bon marché", a-t-elle encore tempêté, réclamant "un plan de prévention sérieux et global".

Greenpeace Grèce, qui a publié mardi sur X une carte des dégâts causés par le mégafeu en Attique, a également interpellé le gouvernement sur l'importance de la prévention, l'exhortant à "cesser d'utiliser la crise climatique comme excuse" et à mieux anticiper et combattre ses effets.

"La crise climatique est exacerbée par la combustion continue de combustibles fossiles", a rappelé l'ONG. "Malgré les engagements du Premier ministre et du gouvernement pour protéger le pays de la crise climatique, la Grèce continue d'investir sans relâche dans l'exploitation minière des hydrocarbures et dans les infrastructures gazières inutiles et économiquement non durables, au lieu d'investir de manière plus ambitieuse dans des solutions énergétiques durables et propres ainsi que dans la planification et la mise en œuvre de projets d’adaptation à la crise climatique."

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"Le gouvernement devrait [...] investir dans un plan de gestion forestière et des mesures de prévention des incendies", a ajouté Greenpeace. 

La presse n'est pas en reste. Dans un édito du mois d'août, le quotidien économique Naftemporiki rappelle pour sa part que si "les activités humaines – ​​accidentelles ou non – déclenchent, tout comme les conditions météorologiques, les incendies [...], c’est néanmoins l’efficacité des mesures de prévention et de contrôle qui détermine l’ampleur du phénomène."

"S’il existait de telles mesures préventives et protectrices, les flammes ne se propageraient pas aussi rapidement et violemment."

- Naftemporiki

"La forêt aurait dû être défrichée"

Aux côtés des victimes du village de Varnavas (près de Marathon), dont les habitants ont été évacués, le secrétaire général du Parti communiste de Grèce (KKE), Dimitris Koutsoumbas, a évoqué quant à lui lundi dans une vidéo une situation "très critique" et déploré qu'aucune mesure n'ait été prise pour protéger les forêts et préparer les habitants.

"Il fallait de la prévention, un plan global de protection des forêts. La zone a brûlé à plusieurs reprises, elle a été régénérée, mais les mesures nécessaires n'ont pas été prises pour protéger ce poumon de notre pays".

"Toutes les routes forestières auraient dû être ouvertes, la forêt aurait dû être défrichée, et toutes les machines, infrastructures, personnel et population nécessaires auraient dû été préparés pour de telles situations", a ajouté le chef communiste.

Le manque d'entretien et de défrichage des forêts augmente en effet le risque d'incendies d'ampleur, la végétation laissée à l'abandon séchant et devenant plus inflammable.

Feux de forêt en Grèce : derrière la crise climatique, la responsabilité des autorités en question

Comme le rappelle le site de l'Entente Valabre, établissement public français chargé de la prévention, de la recherche et de l'innovation contre les incendies, "sur un terrain parfaitement débroussaillé, le feu passe sans grands dommages et le travail des sapeurs-pompiers est sécurisé et facilité. Plus de moyens de secours peuvent dès lors être mobilisés pour la lutte contre le feu de forêt."

Des postes de pompier vacants

Le manque de moyens humains a également été incriminé, alors que le pays a appelé à l'aide l'Union européenne.

"Compte tenu des conditions climatiques difficiles, pourquoi notre pays devrait-il solliciter l’aide du Mécanisme européen de protection civile pour l’envoi de forces de lutte contre les incendies ?", questionne Ta Nea.

Au total, près de 300 pompiers, des hélicoptères, des véhicules anti-incendie et des camions-citernes ont été envoyés en Grèce, en provenance de six pays (France, Italie, République tchèque, Roumanie, Serbie, Turquie).

"En sous-effectifs, avec un manque de matériel et une coordination totalement inefficace, voilà la Protection civile dont [Kyriakos] Mitsotakis est fier, contrairement à tous les citoyens qui aiment leur patrie", s'est offusqué le chef de Syriza, Stefanos Kasselakis, la députée Olga Yerovassili jugeant quant à elle "nécessaire de renforcer les pompiers, qui comptent près de 3 000 postes vacants".

Le quotidien de gauche I Avgi avance quant à lui le nombre de "4 500 postes vacants au sein des services d'incendie".

Il évoque également un âge moyen des effectifs situé au-delà de 45 ans et affirme que 85 % des véhicules dédiés ont plus de dix ans.

"Chaque année, nous payons environ 240 millions [d'euros] pour la protection des forêts. Environ 80 % sont consacrés à l'extinction et seulement 20 % à la prévention", assure encore Ie journal. Des chiffres sensiblement identiques étaient évoqués en 2022 par la section belge du WWF-Belgique (Fonds mondial pour la nature), qui pointait un "ratio assez déséquilibré".

Mitsotakis promet "un travail important de prévention"

Mercredi, le chef du Pasok (Mouvement socialiste panhellénique), Nikos Androulakis, a demandé au président du Parlement la tenue d'un débat, avant l'ordre du jour en séance plénière, sur les incendies en Attique.

"Nous demandons qu'un débat soit tenu immédiatement sur les récents incendies catastrophiques, leurs conséquences pour les habitants et les zones touchées, la planification pour la restauration de la vie économique et sociale dans ces zones, l'absence de plans efficaces pour prévenir et faire face aux incendies de forêt et les changements urgents du système de protection civile pour qu'il devienne fonctionnel et efficace."

- Nikos Androulakis dans sa lettre au président de la Vouli, Konstantinos Tasoulas (ND)

De son côté, en visite dans une base aérienne d'Elefsina pour remercier les pompiers de l'air du pays, le Premier ministre Mitsotakis a fait de nouvelles promesses : "Nous cherchons toujours à nous améliorer. Nous ne nous attendons pas à ce que la solution surgisse de nulle part. Un travail très important doit être fait dans le domaine de la prévention."

Naftemporiki, le journal économique le plus lu en Grèce, prédit de "nouveaux engagements" de la part des autorités "jusqu'à l'été prochain, où la 'guerre en temps de paix' se poursuivra sans relâche."

Et citant le dramaturge et poète allemand Bertolt Brecht, le journal avertit : "La grande Carthage mena trois guerres : elle était encore puissante après la première, encore habitable après la deuxième, elle était devenue introuvable après la troisième."