Une vidéo publiée sur les réseaux sociaux montre le moment de l'accident : un pick-up de la police poursuit la voiture d'un contrebandier sur une autoroute déserte. Les deux véhicules se trouvent sur la mauvaise voie, et foncent en direction des véhicules venant en sens inverse. Le contrebandier entre alors en collision avec un autre véhicule. Le réservoir en plastique éclate, projetant le carburant à des dizaines de mètres dans les airs. Le pick-up de la police marque alors une brève pause, puis, alors que les deux voitures accidentées commencent à brûler, poursuit sa route.
Sur la vidéo, filmée depuis une voiture qui passait au moment de l’accident, on entend une voix s’écrier : "Ils le poursuivent. Oh mon Dieu, le passeur a percuté une autre voiture. Et regardez, ils se sont enfuis."
Pour afficher ce contenu Telegram, il est nécessaire d'autoriser les cookies de mesure d'audience et de publicité.
Accepter Gérer mes choixD'autres vidéos montrent un épais panache de fumée noire s’échapper des véhicules après qu’ils ont pris feu.
Les agences de presse officielles de la République islamique d'Iran ont rendu compte de l'accident. Elles ont indiqué que le contrebandier roulait à grande vitesse, qu'il a perdu le contrôle de son véhicule et qu'il s'est retrouvé en sens inverse de la route.
Pour afficher ce contenu Telegram, il est nécessaire d'autoriser les cookies de mesure d'audience et de publicité.
Accepter Gérer mes choixCependant, peu de médias d'État ont évoqué le fait que le contrebandier avait tenté de semer une patrouille de police, ni que le pick-up ait été filmé en train de quitter le lieu de l'accident.
Pour afficher ce contenu Telegram, il est nécessaire d'autoriser les cookies de mesure d'audience et de publicité.
Accepter Gérer mes choixLes premières informations, selon lesquelles les victimes étaient une famille, ont suscité la colère des habitants de Jalabi, un village situé à proximité du lieu de l'accident.
Colère dans la troisième province la plus pauvre d'Iran
Des centaines d'entre eux ont bloqué l'autoroute pendant quatre heures, coupant la circulation entre la capitale de la province, Bandar Abbas, et sa deuxième ville, Minab, jusqu'à ce que la police les disperse.
Pour afficher ce contenu Telegram, il est nécessaire d'autoriser les cookies de mesure d'audience et de publicité.
Accepter Gérer mes choixLa police est impliquée dans de nombreux cas d'accidents de contrebandiers recensés : ils surviennent souvent après des tirs de la police, ou lors de courses-poursuites.
Le sud-est de l'Iran, qui comprend les provinces du Hormozgan, de Kerman, du Sistan-et-Baloutchistan, est l'une des régions les plus pauvres et les moins développées du pays. Le manque d'emplois, la pauvreté et la situation géographique de la région, située près de la frontière avec le Pakistan, ont favorisé un commerce lucratif, mais dangereux : acheter de l'essence et du diesel bon marché en Iran et faire passer ces carburants en contrebande au Pakistan, où ils coûtent jusqu'à 20 fois plus cher.
Les "soukhtbars", ou transporteurs de carburant, sont actifs depuis longtemps dans la province du Sistan-et-Baloutchistan, à la frontière pakistanaise. Cependant, les difficultés économiques de l'Iran ont entraîné l'extension de cette pratique à la province voisine du Hormozgan.
Selon deux de nos observateurs dans la région, tous deux anciens "soukhtbars", les contrebandiers achètent le diesel entre 2 500 et 7 000 tomans le litre en Iran (0,04 à 0,10 euros). Le prix officiel du diesel au Pakistan est de 272 roupies le litre (0,90 euros), ce qui permet aux contrebandiers de réaliser d'énormes profits.
Ces contrebandiers équipent les camions et même les berlines, comme les Peugeot ou les Citroën fabriquées en Iran, de réservoirs de carburant de fortune, appelés "mashks", fabriqués à partir de bâches en plastique. Ils les remplissent de diesel ou parfois d'essence et roulent à des vitesses atteignant 200 km/h pour dissuader les patrouilles de police de les poursuivre. Ils effectuent le trajet autant de fois que possible dans la journée.
Pour afficher ce contenu Instagram, il est nécessaire d'autoriser les cookies de mesure d'audience et de publicité.
Accepter Gérer mes choixLes habitants d'autres régions se tournent vers cette activité en raison des difficultés économiques
Ahmad est l'un de nos observateurs dans le sud-est de l'Iran. Il était auparavant "soukhtbar", ou contrebandier de carburant. Il explique pour la rédaction des Observateurs le fonctionnement de cette activité :
C'est terrible à dire, mais nous sommes habitués à ce genre de nouvelles. Il ne se passe pas une semaine sans qu'il y ait un accident. C'est triste.
Il y a quelques années, ce commerce était réservé au Sistan-et-Baloutchistan. Mais en raison des crises économiques qui se succèdent et de la hausse constante des prix, les habitants des provinces voisines, notamment du Hormozgan, se tournent vers ce métier. Les restrictions imposées par les autorités du Sistan-et-Baloutchistan jouent également un rôle. La quantité de carburant que l'on peut acheter dans les stations-service de la province est limitée, à moins d'être un parrain du crime local ayant de bonnes relations. De nombreux "soukhtbars", par exemple, se ravitaillent dans la province du Hormozgan, où il n'y a pas de telles restrictions et où le carburant est moins cher.
Le Sistan-et-Baloutchistan est la province la plus pauvre d'Iran, la moitié de la population vivant sous le seuil de pauvreté. Cette province frontalière présente également le taux de chômage le plus élevé du pays. Le Hormozgan, à l'ouest du Sistan-et-Baloutchistan, a également connu une crise ces dernières années. La province compte le taux de chômage le plus élevé après le Sistan-et-Baloutchistan et est la troisième province la plus pauvre d'Iran.
Conduire "à une vitesse folle" pour gagner de l'argent
Ahmad poursuit :
Les "soukhtbars" du Hormozgan remplissent leurs "mashks" [c'est ainsi que les habitants appellent les réservoirs de carburant de fortune en plastique] et presque tous les transportent jusqu'à la côte du golfe Persique, où ils transfèrent le carburant vers des bateaux. Ces derniers naviguent directement vers le Pakistan ou transfèrent le carburant vers de plus gros bateaux au large pour le transporter vers le Pakistan. Au Sistan-et-Baloutchistan, les "soukhtbars" acheminent le carburant par voie terrestre à travers la zone frontalière montagneuse entre les deux pays.
Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, les chauffeurs, qui prennent le plus de risques, ne touchent pas la plus grosse part des bénéfices. Ce sont les patrons qui touchent la majeure partie des bénéfices. Ils donnent une petite partie aux chauffeurs, qui utilisent leur propre voiture ou conduisent des véhicules appartenant au patron.
Les patrons gagnent des dizaines de milliers d'euros par mois, tout en payant leurs chauffeurs entre 1,5 et 3 millions de tomans par trajet (22 à 44 euros). Un chauffeur peut parfois gagner jusqu'à 20 millions de tomans (298 euros) en une journée, mais à une condition : il doit rouler à une vitesse folle pour multiplier les courses.
"Cette effusion de sang, c'est de la faute de l'État"
Selon la police du Hormozgan, au moins 80 personnes sont mortes dans la province en 2023 dans des accidents de la route impliquant des "soukhtbars". Plus de 2 700 voitures de ce type ont été saisies.
Le style de conduite dangereux des "soukhtbars" et les accidents qu'ils provoquent ont suscité la peur sur les routes parmi de nombreux habitants.
Pour afficher ce contenu Telegram, il est nécessaire d'autoriser les cookies de mesure d'audience et de publicité.
Accepter Gérer mes choixC'est vrai, les conducteurs conduisent comme des fous et pensent que la route leur appartient. Moi aussi, j'étais comme ça. Ce style de conduite est une sorte d'"obligation professionnelle" qui, à juste titre, horrifie les gens. D'un autre côté, c'est devenu une sous-culture parmi les "soukhtbars". Ils appellent les conducteurs normaux des "civils".
La conduite dangereuse est l'une des raisons pour lesquelles j'ai définitivement abandonné ce métier. On le fait parce que, lorsque vous ne pouvez pas trouver d'emploi qui paie les factures et assure une bonne vie à votre famille, vous n'avez pas d'autre choix. En fin de compte, toute cette effusion de sang, les "soukhtbars" et les autres personnes qui meurent dans des accidents, c'est la faute de l'État iranien.