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Un étudiant pro-palestinien "tué par la police" française ? Doutes et zones d'ombre autour de ces accusations
Un étudiant algérien pro-Palestine tué par la police ? Depuis le 30 mai, un article devenu viral sur X affirme que cet étudiant, Samir Hamdaoui, serait mort quatre jours après avoir été arrêté par la police le 7 mai lors d'une manifestation pro-palestinienne devant Sciences Po. Mais aucun élément ne vient soutenir ces affirmations : le Parquet de Paris et des étudiants de Sciences Po mobilisés dans ces manifestations ont indiqué aux Observateurs ne pas connaître cette personne.

La vérification en bref : 

  • Un article devenu viral sur X affirme qu’un étudiant algérien nommé “Samir Hamdaoui” serait mort quatre jours après avoir été arrêté par la police à Paris le 7 mai lors d'une manifestation pro-palestinienne devant Sciences Po.

  • Sauf qu' Aucun élément ne soutient ces affirmations, relayées notamment par des réseaux pro-russes. 

  • Le Parquet de Paris a indiqué aux Observateurs qu'aucun Samir Hamdaoui n'avait été placé en garde à vue le 7 mai, jour de manifestation devant Sciences Po où deux manifestants avaient été arrêtés. Plusieurs étudiants de Sciences Po contactés ont aussi indiqué ne pas connaître cette personne.
  • Le 7 mai, 86 étudiants de la Sorbonne avaient aussi été arrêtés par la police à Paris, mais une avocate représentant plusieurs d'entre eux a indiqué ne pas connaître cette personne.

La vérification en détails  :

"Un étudiant, qui avait participé à une manifestation pro palestinienne, est décédé après avoir été battu dans un commissariat de police en France" : voici le titre d'un article, publié le 30 mai sur un site appelé "Media alternatif". 

L'article, très relayé depuis sa publication sur X, prétend qu'un certain Samir Hamdaoui, "étudiant algérien venu faire ses études en France", aurait été arrêté avec "plusieurs dizaines de personnes" lors d'une manifestation pro-palestinienne tenue le 7 mai devant les locaux de l'école de Sciences Po. A la suite de blessures infligées par des policiers du commissariat du 7e arrondissement de Paris, ce dernier serait mort chez lui quatre jours plus tard.

Sur quoi s'appuient ces affirmations? Sur une vidéo face caméra de près de 3 minutes d'une personne se décrivant comme le frère de Samir, publiée le 27 mai sur une chaîne Youtube intitulée "Justice pour Samir Hamdaoui". Cette personne, vêtue d'un sweat à capuche vert, affirme que son frère aurait été "tué par la police" et que les autorités refuseraient d'ouvrir une enquête.

L'article du site “Media alternatif” a également publié un portrait de l'étudiant entouré de quelques fleurs, qui aurait été déposé à quelques pas de Sciences Po en son hommage 

Aucune garde à vue au nom de Samir Hamdaoui le 7 mai

Sur X, de nombreux comptes francophones et anglophones, dont certains régulièrement épinglés pour partager de fausses informations, ont repris à leur compte ces accusations. "Wow. La police anti-émeute française a TUÉ un étudiant manifestant pro-palestinien à Paris !", a dénoncé le commentateur australien pro-russe Aussie Cossack sur X, dans un post vu plus de 500.000 fois. 

Un étudiant pro-palestinien "tué par la police" française ? Doutes et zones d'ombre autour de ces accusations
Néanmoins, l'une des premières personnes à avoir relayé l'article en France a depuis supprimé ses posts, et appelé à la vigilance alors que "beaucoup d'informations semblent ambigües concernant cette histoire".

En effet, aucune information concernant la mort de ce Samir Hamdaoui à la suite d'une garde à vue ne semble étayer la version mise en avant par ce site, ni par la personne se présentant comme le frère.

Que s'est-il passé le 7 mai devant Sciences Po ? Alors qu'une nouvelle manifestation avait lieu devant les locaux de Sciences Po, deux étudiants de l'école ont été arrêtés et mis en garde à vue, comme l'ont indiqué plusieurs articles de presse le soir-même. A quelques centaines de mètres, 86 manifestants qui se sont réunis devant la Sorbonne ont aussi été arrêtés par la police.

Contacté par la rédaction des Observateurs, le parquet de Paris, qui contrôle les gardes à vue opérées dans la capitale, a indiqué qu'aucune personne du nom de "Samir Hamdaoui" n'avait été placée en garde à vue le 7 mai, ni à Sciences Po, ni à la Sorbonne. 

Plusieurs étudiants de Sciences Po contactés par la rédaction des Observateurs ont aussi confirmé ne pas avoir connaissance de cette personne. Une étudiante de Sciences Po mobilisée lors de ces manifestations et qui a suivi de près les gardes à vue des deux élèves a notamment indiqué n'avoir "jamais vu cet individu", ni "entendu son prénom". "On n'a pas eu vent d'une personne interpellée à ce nom-là", a indiqué cette personne qui souhaite garder l'anonymat.

Même chose du côté des manifestations de la Sorbonne : la rédaction des Observateurs a pu contacter Louisa Lamour, une des avocates qui représente des étudiants de l'université placés en garde à vue, qui a indiqué n'avoir "aucune information" à ce sujet et affirme ne pas "connaître cette personne". 

Contacté, le Comité Palestine Sciences Po, en charge de l'organisation des manifestations au sein de l'école, n'a pas immédiatement répondu à nos demandes. 

Qu'en est-il de la vidéo et de la photo aussi diffusées en ligne ?  

Au 31 mai, la rédaction des Observateurs n'a pas réussi à établir l'identité ni de la personne se décrivant comme le frère de Samir Hamdaoui, ni de Samir Hamdaoui lui-même, censé être visible dans la photo disposée dans la rue. 

Si la photo a bien été géolocalisée à quelques pas des locaux de Sciences Po de la rue Saint-Guillaume, il peut toutefois s'agir d'une mise en scène. 

"Media alternatif", site relayant des intox pro-russes

Aucun élément ne confirme dès lors l'article du site “Media alternatif.” Ce site, mal réalisé, semble en réalité être créé à des fins de propagande pro-russe. Plusieurs contenus publiés ces derniers jours reprennent notamment un argumentaire anti-ukrainien. 

Le 31 mai, l'article en Une s'attaque notamment à la femme du président Volodymyr Zelensky, accusée de participer à un réseau pédophile.

Un étudiant pro-palestinien "tué par la police" française ? Doutes et zones d'ombre autour de ces accusations

L'article sur Samir Hamdaoui est par ailleurs un copier-coller d'autres médias, comme Malijet.net, qui avait déjà publié le même article le 28 mai. Point troublant et indice du manque de sérieux des accusations : dans ces deux articles, le nom de Samir devient en milieu d'article Ahmed. 

Ce média malien est décrit depuis quelques années comme ayant déjà relayé de la propagande pro-russe, comme l'indique un rapport de l'Institut de recherche stratégique de l'école militaire (Irsem) publié en janvier 2023. 

Ces affirmations ont aussi été partagées par plusieurs comptes identifiés par le Service de vigilance et protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum) comme des relais de la propagande pro-russe. 

C'est notamment le cas du compte Telegram du média RRN, épinglé en juin 2023 comme étant au cœur de campagnes de manipulation de l'information".

Article réalisé par Nathan Gallo et Selma Sisbane