La nuit a été moins violente en Nouvelle-Calédonie, selon le haut-commissaire de ce territoire français du Pacifique. Louis Le Franc, a appelé au calme, jeudi 16 mai, alors que les violences alimentées par le projet de réforme constitutionnelle élargissant le corps électoral de l'île se sont poursuivies dans la nuit.
"La nuit (...) a été moins violente que la nuit précédente. Il y a eu pour autant des affrontements très importants entre des émeutiers, relevant de la Cellule de coordination des actions sur le terrain (CCAT), avec une continuation des pillages et des incendies très importants sur l'ensemble de l'agglomération de la Nouvelle-Calédonie", a dit Louis Le Franc lors d'une conférence de presse.
Emmanuel Macron a, lui, renoncé à un déplacement prévu dans la journée sur le site de l'EPR à Flamanville (Manche) pour pouvoir présider une "réunion de suivi". Il a proposé aux élus calédoniens d'avoir "un échange par visioconférence" à son issue.
Le Premier ministre Gabriel Attal avait annoncé quelques heures plus tôt le déploiement de l'armée, où trois nuits d'émeutes ont fait quatre morts, dont un gendarme, dans l'archipel secoué par la fronde des indépendantistes contre une réforme électorale votée par le Parlement.
Le déploiement militaire doit permettre de "sécuriser" les ports et l'aéroport, avait indiqué Gabriel Attal, qui doit à nouveau présider une cellule de crise interministérielle jeudi matin.
Le haut-commissaire sur le territoire français du Pacifique, Louis Le Franc, avait pour sa part "annoncé un couvre-feu et interdit TikTok", un réseau social utilisé par les émeutiers, a précisé Gabriel Attal.
Après deux nuits d'embrasement meurtrier, celle de mercredi à jeudi "a été moins violente", a déclaré le haut-commissaire.
Dans l'agglomération de Nouméa, les riverains ont commencé à organiser la protection de leurs quartiers et érigé des barricades de fortunes, faites de palettes de bois, de bidons et autres brouettes, sur lesquelles ils ont planté des drapeaux blancs.
Malgré cela, les violences se sont poursuivies sur l'archipel, qui a une nouvelle fois connu des "affrontements très importants", a déploré le haut-commissaire jeudi.
L'agglomération de Nouméa a de nouveau été la proie des pillages et des incendies, a-t-il ajouté, alors que près de 200 interpellations ont eu lieu depuis lundi sur le territoire.
"Il y a aussi des pièges tendus aux forces de l'ordre", qui ont subi des "tirs nourris de carabines de grande chasse", a-t-il déclaré.
Le bâtiment du Sénat coutumier a été incendié, selon son service de communication, sans que l'on sache pour l'instant l'ampleur des dégâts.
Symbole de cette flambée de violence, le quartier pauvre d'Auteuil, où des tirs nourris résonnaient encore au petit matin, se trouve réduit jeudi à l'état de désolation, a constaté un correspondant de l'AFP, avec son supermarché incendié, ses commerces et restaurants brûlés et pillés.
"On n'est pas entendus"
"Nous venons ramasser ce qu'il y a dans les magasins pour manger. Après, nous n'aurons plus de magasin. On a besoin de lait pour les enfants. Je ne considère pas que ce soit du pillage", a jugé auprès de l'AFP une habitante d'Auteuil, qui a requis l'anonymat.
La violence, "on est obligé de passer par là, de tout péter parce qu'on n'est pas entendus", a assumé un jeune homme vivant dans la commune de Houaïlou, qui a également refusé de donner son nom.
L'état d'urgence, demandé par le chef de l'État, est en vigueur sur le Caillou depuis 20 h 00 heure de Paris (05 h 00 jeudi à Nouméa).
Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a dans ce cadre procédé à cinq premières assignations à résidence de membres de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), frange la plus radicale du Front de libération Kanak socialiste (FLNKS), accusés d'être des commanditaires présumés des violences.
Dans un communiqué, les leaders de ce mouvement, sans réagir à ces assignations, ont argué que "les exactions commises (...) n'étaient pas nécessaires", mais étaient "l'expression des invisibles de la société qui subissent les inégalités de plein fouet et sont marginalisés au quotidien".
Les principaux partis politiques du territoire et les autorités avaient appelé au calme mercredi, face à cette vague de violence, la plus grave depuis les années 1980.
Ces violences ont fait trois morts, deux hommes de 20 et 36 ans, ainsi qu'une adolescente de 17 ans, ont détaillé les autorités jeudi. Un gendarme d'une vingtaine d'années touché à la tête par un tir a également succombé à ses blessures.
Pénuries alimentaires et pont aérien
En métropole, les députés ont adopté dans la nuit de mardi à mercredi le texte qui élargit le corps électoral. Cette réforme constitutionnelle devra encore obtenir les trois cinquièmes des voix des parlementaires qui doivent se réunir avant "fin juin" en Congrès à Versailles, selon Emmanuel Macron.
À moins qu'indépendantistes et loyalistes ne se mettent d'accord d'ici là sur un texte plus global, a précisé le président de la République.
Le texte voté vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, cruciales dans l'archipel. Les partisans de l'indépendance jugent que ce dégel risque de réduire leur poids électoral et marginaliser "encore plus le peuple autochtone kanak".
Mercredi, le président indépendantiste du gouvernement du territoire, Louis Mapou, a "pris acte" du vote mais déploré une "démarche qui impacte lourdement" sa "capacité à mener les affaires de la Nouvelle-Calédonie".
En Nouvelle-Calédonie, faute d'approvisionnement des commerces, les pénuries alimentaires ont provoqué de très longues files d'attente devant les magasins.
Jeudi, les autorités ont annoncé un "pont aérien" entre l'Hexagone et le territoire calédonien, où l'aéroport reste fermé jusqu'à nouvel ordre, notamment pour "assurer la prise en compte des besoins essentiels de la population".
Le haut-commissaire Louis Le Franc a également évoqué la mise en place de convois sécurisés pour approvisionner les points de distribution alimentaire.
"Si la situation ne (revient) pas rapidement à la normale, les établissements vont être confrontés (...) à une pénurie de médicaments", a également alerté la fédération des établissements d'accueil des personnes âgées.
D'importants effectifs de policiers et de gendarmes, dont des éléments de leurs deux groupes d'élite, le GIGN et le Raid, sont déjà mobilisés.
D'autres renforts étaient en cours d'acheminement dans l'archipel, selon Gérald Darmanin. D'après le ministère, 1 800 policiers et gendarmes y étaient déployés mercredi et 500 de plus y arriveront dans les heures qui viennent.
Avec AFP