L'Inde a commencé à voter, vendredi 19 avril, dans le cadre d'élections générales. Au total, 968 millions d'Indiens sont appelés à élire les 543 membres de la chambre basse, soit plus que la population totale des États-Unis, de l'Union européenne et de la Russie réunis.
Selon des journalistes de l'AFP dans la ville sainte hindoue de Haridwar (nord), les autorités électorales ont admis vendredi des électeurs dans l'un du million de bureaux de vote à travers le pays pour ce scrutin qui durera jusqu'au 1er juin.
Le Premier ministre indien Narendra Modi a exhorté les électeurs de la première phase du scrutin, qui en compte sept, à "exercer leur droit de vote en nombre record", en particulier les jeunes et ceux qui votent pour la première fois. "Chaque vote compte et chaque voix est importante", a-t-il ajouté sur le réseau social X.
The 2024 Lok Sabha elections commence today! As 102 seats across 21 States and UTs go to the polls, I urge all those voting in these seats to exercise their franchise in record numbers. I particularly call upon the young and first time voters to vote in large numbers. After all,…
— Narendra Modi (@narendramodi) April 19, 2024De son côté, le Congrès, principal parti d'opposition, a rappelé aux électeurs, sur le réseau social X, que leur "vote peut mettre fin à l'inflation, au chômage, à la haine et à l'injustice", et de souligner : "Assurez-vous de voter", "N'oubliez pas de voter".
Les bulletins de vote de tout le pays seront dépouillés le 4 juin. Les résultats sont généralement annoncés le même jour.
Modi donné vainqueur
Le Premier ministre nationaliste hindou Narendra Modi semble presque assuré d'emporter le scrutin face à une opposition à la peine. Il est encore très populaire après deux mandats, au cours desquels l'Inde a accru son influence diplomatique et son poids économique.
Une enquête Pew de 2023 indiquait que Narendra Modi était perçu favorablement par près de 80 % des Indiens.
Il a déjà donné au parti nationaliste hindou Bharatiya Janata (BJP) deux victoires écrasantes en 2014 et 2019 en jouant sur la fibre religieuse de l'électorat hindou.
Cette année, il a inauguré dans la ville d'Ayodhya un grand temple dédié à la divinité hindoue Ram, bâti sur le site d'une mosquée vieille de plusieurs siècles détruite par des fanatiques hindous. Cet événement, très attendu par ses militants, a bénéficié d'une ample couverture médiatique et de festivités publiques dans toute l'Inde.
"La nation est en train de créer la genèse d'une histoire nouvelle", a-t-il clamé aux milliers de personnes rassemblées pour la cérémonie, parmi lesquelles des célébrités de Bollywood et des stars du cricket.
Les analystes politiques l'ont d'ores et déjà donné vainqueur face à une coalition de partis d'opposition qui n'a pas encore nommé son candidat pour le poste de Premier ministre.
Ses perspectives ont été renforcées par plusieurs enquêtes criminelles contre ses opposants.
Une bataille inégale
Les comptes bancaires du Congrès, principal parti d'opposition, sont gelés depuis février par le fisc indien, à la suite d'un différend sur des déclarations de revenu datant d'il y a cinq ans.
"Nous n'avons pas d'argent pour faire campagne, nous ne pouvons pas soutenir nos candidats", a prévenu son chef Rahul Gandhi en mars. "Notre faculté de livrer la bataille électorale a été endommagée."
Rahul Gandhi, 53 ans, dont le père, la grand-mère et l'arrière-grand-père ont tous été Premier ministre, a été brièvement écarté du Parlement l'an dernier après avoir été reconnu coupable de diffamation.
Présenté par Narendra Modi comme déconnecté de la réalité indienne, Rahul Gandhi a cherché à se rapprocher de la population en organisant deux marches à travers le pays. Mais après deux défaites successives contre Narendra Modi, rien n'indique que ses efforts pour entamer la popularité du Premier ministre soient couronnés de succès.
Il accuse le gouvernement d'un certain recul démocratique et fustige ses appels à la foi majoritaire de l'Inde, au détriment d'importantes minorités, dont 210 millions d'Indiens musulmans, inquiètes pour leur avenir.
Les mandats de Narendra Modi ont été marqués par "un modèle de répression visant à saper la démocratie et l'espace civique", a dénoncé mercredi l'association de défense des droits CIVICUS dans un rapport.
Un pays courtisé
Le Congrès, qui a dirigé le pays presque sans interruption pendant des décennies après l'indépendance de l'Inde, n'est plus que l'ombre de lui-même et ne gouverne plus que dans trois des 28 États du pays. Ses dirigeants ont constitué une coalition avec plus d'une vingtaine de partis régionaux pour affronter le BJP et ses rouages électoraux bien huilés et généreusement financés.
Mais le bloc est en proie à des différends sur les accords de partage des sièges et a subi la défection d'un de ses dirigeants en faveur du gouvernement.
La coalition accuse le gouvernement de Narendra Modi d'instrumentaliser la justice pour neutraliser certains dirigeants de l'opposition comme le ministre en chef de Delhi Arvind Kejriwal.
Arrêté en mars, ce dernier est actuellement en détention, son parti ayant été accusé d'avoir perçu des pots-de-vin en échange de licences d'alcool accordées à des entreprises privées.
Sous les mandats de Narendra Modi, l'Inde est devenue la cinquième économie mondiale devant le Royaume-Uni, l'ancienne puissance coloniale. Et les pays occidentaux se pressent de courtiser cet allié potentiel pour lutter contre l'affirmation croissante de la Chine, grande rivale dans la région et ce, malgré les avertissements des défenseurs des droits sur le recul de la liberté de la presse.
Depuis l'arrivée au pouvoir de Narendra Modi en 2014, l'Inde a perdu 21 places dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières (RSF), se situant au 161e rang sur 180 pays.
Avec AFP