logo

Les médias responsables de la montée des partis d'extrême droite en Europe ?
Longtemps tenus éloignés des écrans de télévision en France, les discours d’extrême droite se répandent de plus en plus dans les émissions de talk shows. Même constat en Italie et aux Pays-Bas, deux pays où l’extrême droite a récemment remporté les élections. Comment cette normalisation médiatique s'est-elle opérée ? Décryptage.

Octobre 2022 : en Italie, la dirigeante d'extrême droite Giorgia Meloni remporte les élections législatives et se voit nommer Première ministre. Pour se faire une place dans les urnes, la leader du parti post-fasciste Fratelli d'Italia a réussi à "dédiaboliser" son parti en diffuser sa rhétorique anti-immigrés dans les programmes télévisés qui se disent ni de droite, ni de gauche.

Cette dépolitisation du paysage médiatique italien a débuté à la fin des années 1970 avec le magnat de l'audiovisuel Silvio Berlusconi, qui a chamboulé la politique italienne et amorcé l'ère du populisme. Les programmes de sa holding se démarquent avec un style qui lui est propre : une télé de l'anti-intellectualisme, de divertissement, rassurante et surtout "apolitique". L'audience adhère et la RAI, la télévision d'État, se retrouvé dépassée.

En Italie, une société qui ne "se sent plus représentée"

L'arrivée de l'extrême droite au pouvoir n'est pas seulement un phénomène italien, estime l'historien des médias italiens Peppino Ortoleva. "C'est un phénomène qui dérive de la perte de contact de la gauche avec la société. Elle ne se sent donc plus représentée et elle tend à chercher quelque chose d'autre. En Italie, nous avons eu le phénomène Grillo [Beppe Grillo, le fondateur du Mouvement Cinq étoiles, NDLR], puis Giorgia Meloni".

Et c'est de façon tout aussi anodine que le parti néerlandais d'extrême droite islamophobe de Geert Wilders a remporté les élections législatives aux Pays-Bas en novembre dernier. Le discours anti-islam, climato-sceptique et islamophobe du sexagénaire a trouvé sa place dans les médias néerlandais qui, eux, ont ouvert le micro à ce genre de propos au début des années 2000.

Une émission incarne tout particulièrement le phénomène : "Vandaag Inside". Avec ses présentateurs sportifs et son approche très masculine, l'émission polémique regroupe en moyenne 2 millions de téléspectateurs et téléspectatrices, ce qui n'est pas anodin dans un pays de 18 millions d'habitants.

Aux Pays-Bas, les idées radicales aujourd'hui tolérées

"Ce format était très populaire, décrypte le spécialiste du populisme et des mouvements antidémocratiques Koen Vossen. Avec le temps, il ne s'agissait plus de parler uniquement de football, mais aussi de politique. Les remarques sur les femmes étaient très sexistes. Sans oublier les blagues sur les homosexuels."

Les idées très radicales qui étaient absolument taboues dans les années 1990 sont petit à petit devenues acceptables. "Dire que l'islam est une religion rétrograde ou que les Marocains sont des criminels fait partie du discours du quotidien", précise le politologue.

Wilders, personnalité antisystème

Au discours vient s'ajouter la personnalité de Geert Wilders : l'homme fort des Pays-Bas aime se présenter comme une personnalité antisystème et antimédias, mais qui a quand même besoin de ces derniers pour exister.

"Il joue les difficiles, ce qui signifie que les journalistes qui arrivent à l'avoir en interview ne sont généralement pas très critiques car les médias sont si heureux de l'avoir dans leur programme qu'ils font tout pour lui, commente Koen Vossen. C'est donc facile pour Geert Wilders."

S'inviter dans l'actualité

La voie est libre pour le politicien, qui sait comment générer le buzz en provoquant les gens. Une stratégie identique à celle qui existe outre-Atlantique avec Donald Trump, Javier Milei ou encore Jair Bolsonaro. Le principe : tenir des propos polémiques pour s'inviter dans l'actualité.

Et comme aux États-Unis, Geert Wilders a pu s'appuyer sur un principe cher aux Néerlandais : la liberté d'expression. Mais cette stratégie n'est pas réplicable partout en Europe. En France, il existe des lois qui condamnent les injures à caractère raciste ou les incitations à la haine. Mais est-ce vraiment suffisant ?

ENTR, c'est quoi ?

💥 C'est LE média à suivre sur la jeunesse européenne 
🤝Lancé par France 24 et Deutsche Welle
💬 Dispo en 6 langues
📲 Sur  Instagram YouTube TikTok Twitter  et  Facebook