Révélée au grand public à travers des générateurs d’images comme Midjourney ou par la dernière version du robot conversationnel ChatGPT, l'Intelligence artificielle (IA) n'a cessé de faire la une de l'actualité pour ses extraordinaires prouesses cette année. Née dans les années 1950, mais principalement développée depuis 2010, l'IA générative – capable de créer des contenus comme le ferait un humain – a connu des progrès ahurissants en quelques mois. Une prouesse rendue possible grâce à la puissance de calcul des ordinateurs combinée à la masse des données accessibles. 

• ChatGPT, le roi de l'année 

Symbole de l'IA générative, le robot conversationnel développé par OpenAI a été le terme le plus recherché sur Google en 2023. Capable de pasticher Proust, d'écrire un texte de loi ou une dissertation d'histoire, ChatGPT a connu un essor fulgurant. Le logiciel est devenu en début d'année l'outil avec la croissance la plus rapide de l'histoire de l'humanité grâce à ses 100 millions d’utilisateurs actifs mensuels. En mars, OpenAI a lancé GPT-4, une mouture infiniment plus puissante que sa version précédente, censée se rapprocher au plus près de l'intelligence humaine.

• La drôle de photo du pape

Le pape François aussi stylé qu'un influenceur ou qu’un joueur de foot ? Beaucoup d'internautes y ont cru. Pourtant, cette photo du souverain pontife en doudoune blanche, devenue virale au mois de mars, n'a rien de réelle. Elle a été générée par Midjourney. Ce programme dont le fonctionnement repose sur le "machine learning" est capable de générer des images à partir de mots-clés. Plusieurs de ces créations anonymes ont défrayé la chronique cette année comme la fausse arrestation de Donald Trump, certains y voyant un risque majeur de désinformation même si des indices peuvent encore nous permettre de déceler le vrai du faux. Mais jusqu'à quand ? 

• Un millier d'experts réclament une pause

Devant ces progrès spectaculaires, certains acteurs du secteur s'inquiètent de "risques majeurs pour l'humanité". Dans une lettre ouverte parue le 28 mars, un millier d'experts de l'IA – dont Elon Musk – demandent une pause de six mois des recherches sur les systèmes plus puissants que GPT-4, le nouveau modèle de traitement du langage lancé par OpenAI, et que le patron de Tesla a cofondé. "Ces derniers mois ont vu les laboratoires d’intelligence artificielle s’enfermer dans une course incontrôlée pour développer et déployer des cerveaux numériques toujours plus puissants, que personne – pas même leurs créateurs – ne peut comprendre, prédire ou contrôler de manière fiable", écrivent les signataires. 

• Un faux duo entre Drake et the Weeknd 

L'intelligence artificielle sème aussi le trouble dans l'industrie musicale. En avril, un faux titre des chanteurs Drake et The Weeknd a enregistré des millions d'écoutes en ligne, poussant la maison de disques Universal Music à en demander le retrait des plateformes d'écoute et à évoquer des violations du droit d'auteur. Quelques semaines avant cet épisode, une chanson postée sur les réseaux sociaux par le duo de DJ AllttA a aussi pu laisser croire à une collaboration avec le rappeur Jay-Z. Outre ces faux duos, des fans lassés d'attendre la reformation du groupe de rock britannique Oasis ont également créé un faux album de leur groupe préféré. 

• Un premier manga conçu avec l'IA

Il n'a aucun talent de dessinateur et, pourtant, un auteur japonais a publié en mars "Cyberpunk : Peach John", le premier manga conçu grâce à une IA. Un projet bouclé en six semaines, là où un auteur expérimenté aurait planché sur ce projet pendant une année entière. Cette sortie a fait grand bruit dans l'archipel, certains dessinateurs s'inquiétant pour l'avenir d'un métier déjà difficile et précaire. D'autres y ont vu, au contraire, un nouveau compagnon à apprivoiser pour gagner en productivité. 

• Hollywood se rebelle 

L'industrie cinématographique a connu cette année une grève historique aux États-Unis. Pendant cinq mois, scénaristes et acteurs ont paralysé la production de films et de séries, un mouvement social qui a fait perdre des milliards de dollars à l'économie américaine. Au-delà des revendications salariales, les scénaristes craignaient de voir leurs scripts utilisés par les studios pour nourrir des "robots-écrivains" et les comédiens d'être remplacés par leur double numérique. Fin septembre, un accord a été trouvé pour encadrer l'utilisation de l'IA et préserver l'emploi.  

• L'ONU rassurante sur l'emploi

Malgré l'inquiétude qui entoure l'avenir des créateurs de contenus, un rapport de l’Organisation internationale du travail (OIT) suggère que l'IA pourrait créer plus d'emplois qu'en détruire. Publiée en août, cette étude de l’OIT estime que la plupart des emplois et des industries ne sont que partiellement exposés à l'automatisation. L'IA "permettra d'accompagner plutôt que de remplacer certaines activités", écrit l'OIT. "Ainsi, la première conséquence de cette nouvelle technologie ne se traduira probablement pas par la destruction d'emplois, mais plutôt par des changements potentiels dans la qualité des emplois, notamment l'intensité du travail et l'autonomie". 

• Psychodrame chez OpenAI

Coup de tonnerre dans le monde de l'IA. Fin novembre, Sam Altman, patron d'OpenAI et nouvelle star de la tech américaine grâce au succès de ChatGPT, est évincé par son conseil d'administration. Mais quelques jours plus tard, face à la menace d'un exode massif des employés vers Microsoft, il est réembauché et le conseil d’administration remanié. Sam Altman sort renforcé de cet épisode rocambolesque qui a mis en lumière le clivage entre les partisans d'un contrôle accru du secteur et ceux qui souhaitent accélérer son développement.  

• L'UE montre la voie

Comme souvent en matière de nouvelles technologies, l'Union européenne a été pionnière dans l'encadrement des usages de l'IA. Le 9 décembre, les États membres et le Parlement européen sont parvenus à s’accorder sur un "IA Act". Ce texte, qui pourrait servir de modèle à travers le monde, tente de trouver un point d'équilibre entre nécessaire régulation et soutien à l'innovation. Parmi les mesures phares : un contrôle des données utilisées pour créer les algorithmes des IA génératives et s'assurer qu'elles ne violent pas le droit d'auteur. Les développeurs devront également mentionner clairement que leurs créations sont l'œuvre d'une machine. Une manière de lutter contre la désinformation et les "deep fakes", ces trucages de photos ou de vidéos qui prolifèrent sur Internet.