L'Union européenne récompense la défense des droits des femmes. Le Parlement européen a remis mardi 12 décembre le prix Sakharov à titre posthume à l'Iranienne Mahsa Amini, dont le nom est devenu un "symbole de liberté" selon sa famille, tenue à l'écart de la cérémonie par Téhéran.
Plus haute distinction de l'Union européenne pour les droits humains, ce prix a été décerné à la jeune Kurde iranienne, décédée à l'âge de 22 ans le 16 septembre 2022, trois jours après avoir été arrêtée pour non-respect du strict code vestimentaire imposé aux femmes en Iran.
Sa mort a entraîné des mois de manifestations contre les dirigeants politiques et religieux iraniens, Mahsa Amini devenant le symbole de la lutte contre l'obligation du port du voile. La répression de ce mouvement a provoqué des centaines de morts et des milliers d'arrestations.
La famille de Mahsa Amini empêchée de quitter l'Iran
La famille de Mahsa Amini avait prévu d'assister à la remise du prix Sakharov au Parlement européen à Strasbourg, mais a été frappée au dernier moment par une interdiction de quitter le territoire iranien.
"J'aimerais pouvoir être présente dans votre honorable assemblée, pour représenter toutes les femmes de mon pays et exprimer ma gratitude pour l'attribution du prix Sakharov" a écrit la mère de Mahsa Amini, Mojgan Eftekhari, dans un message lu par son avocat, Saleh Nikbakht, qui a reçu le prix Sakharov au nom de la famille. "Malheureusement, cette opportunité nous a été refusée, en violation de toutes les normes juridiques et humaines", a-t-elle ajouté.
Évoquant sa fille, Mojgan Eftekhari l'a comparée à Jeanne d'Arc, soulignant que "sa vie a été injustement enlevée". "Je crois fermement que son nom, au côté de celui de Jeanne d'Arc, restera un symbole de liberté", a-t-elle estimé.
Condamnant la décision du régime iranien d'empêcher les proches de Mahsa Amini de se rendre en France, la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, a déclaré que "la façon dont ils ont été traités est un nouvel exemple de ce à quoi le peuple iranien est confronté au quotidien".
"Le courage et la résilience des femmes iraniennes dans leur lutte pour la justice, la liberté et les droits humains ne seront pas stoppés. Leurs voix ne peuvent pas être réduites au silence", a martelé Roberta Metsola.
Plus d'une centaine d'eurodéputés avaient signé une lettre ouverte pour dénoncer la décision des autorités iraniennes, qui vise à leurs yeux à "réduire au silence" la famille de Mahsa Amini "en l'empêchant de dénoncer la répression scandaleuse des droits des femmes, des droits humains et des libertés fondamentales par la République islamique en Iran".
"Nous sommes ici au nom de toutes les femmes"
Considérant qu'il n'y a "aucune base légale" justifiant cette mesure, l'avocat de la famille, Saleh Nikbakht, compte la contester une fois de retour à Téhéran. "S'ils m'en donnent le temps, car dès mon retour en Iran, je pourrais être arrêté et emprisonné", a-t-il dit. L'avocat a en effet été condamné en octobre dernier à un an de prison pour "propagande contre l'État", après s'être entretenu avec des médias sur l'affaire Mahsa Amini.
La remise du prix Sakharov est intervenue deux jours après celle du prix Nobel de la Paix à la militante Narges Mohammadi, qui n'a pas pu se rendre à Oslo pour recevoir cette récompense puisqu'elle est détenue depuis 2021 dans la prison d'Evin, à Téhéran.
Mardi, au Parlement de Strasbourg, deux militantes iraniennes ont représenté le mouvement "Femme Vie Liberté", lui aussi récompensé par le prix Sakharov.
Il s'agit d'Afsoon Najafi, dont la soeur Hadis, âgée de 22 ans, a été tuée en septembre 2022 lors d'une manifestation en honneur de Mahsa Amini, et de Mersedeh Shahinkar, blessée à l'œil lors d'une manifestation contre le régime iranien en octobre 2022. Elles ont toutes les deux quitté l'Iran en 2023.
"Nous sommes ici au nom de toutes les femmes, nous en avons marre du régime iranien", a déclaré lors d'une conférence de presse Mersedeh Shahinkar, qui vit désormais en Allemagne. Afsoon Najafi a appelé la communauté internationale à mettre davantage de pression sur le régime iranien.
Le Parlement européen a adopté plusieurs résolutions non contraignantes pour condamner la répression des manifestants par le régime iranien.
Avec AFP