Les autorités sierra-léonaises traquent les responsables en fuite des affrontements de dimanche à Freetown, qui ont fait une vingtaine de morts selon des sources militaire et médico-légale, et que de hauts responsables n'hésitent plus à qualifier de tentative de coup d'État. Parmi les responsables figurent des "des soldats en activité ou à la retraite", selon l’armée.
En Sierra-Leone, les autorités tentent de mettre la main sur les responsables des attaques de dimanche 26 novembre dans la capitale Freetown, qui ont fait 21 morts d'après des sources militaire et médico-légale, et que de hauts responsables qualifient désormais de tentative de coup d'État. Selon l'armée, ces assauts impliquent des soldats et des gardes de l'ancien président Ernest Bai Koroma.
Les instigateurs du coup de force qui a secoué la capitale dimanche et fait sortir de prison des centaines de détenus ne sont cependant pas identifiés, et aucun lien n'est établi à ce stade avec Ernest Bai Koroma, le prédécesseur, entre 2007 et 2018, de l'actuel chef de l'État Julius Maada Bio, ont indiqué les autorités.
Celles-ci ont livré à la presse, mardi 28 novembre, le compte rendu le plus détaillé à ce jour des troubles survenus dimanche, dont les autorités s'étaient gardées jusqu'alors de qualifier la nature. Le pouvoir a aussi réaffirmé qu'il contrôlait la situation, alors que des coups de feu, tirés selon les forces de l'ordre lors de l'arrestation d'un suspect, ont à nouveau suscité l'effroi dans la capitale mardi.
"Nous avons ouvert une enquête pour une tentative de coup d'État qui a échoué", a dit le chef de la police William Fayia Sellu. "Un groupe de gens ont tenté de renverser le pouvoir en place en utilisant la force", a-t-il dit.
Aux premières heures de dimanche, des hommes ont attaqué une armurerie militaire, deux autres casernes, deux prisons et deux postes de police, affrontant les forces de sécurité les armes à la main. Les combats ont fait 21 morts, dont 14 soldats, un policier, un gardien de prison, un agent de sécurité, une femme et trois assaillants, a déclaré le ministre de l'Information Chernor Bah.
Plus de 2 200 détenus sont sortis de prison, dont 124 y sont retournés depuis, a dit le colonel Sheikh Sulaiman Massaquoi, chef des services pénitentiaires.
Treize militaires et un civil suspectés d'être impliqués dans le coup de force sont en détention, a dit le ministre de l'Information. Les autorités ont indiqué mener une "chasse à l'homme" pour retrouver d'autres suspects.
32 hommes et 2 femmes recherchés comme "fugitifs"
La police a publié mardi les photos et les noms de 32 hommes et 2 femmes recherchés comme "fugitifs", dont des soldats et des policiers en activité ou à la retraite. Et promis une "belle récompense" à quiconque fournira des informations conduisant à leur capture.
Un nombre significatif de rebelles sont d'anciens gardes de l'ex-président Ernest Bai Koroma, a affirmé le chef d'état-major, le lieutenant-général Peter Lavahun. Il a invoqué les investigations toujours en cours pour se garder de se prononcer sur une implication de l'ancien président. Il a aussi reconnu que les meneurs restaient à identifier.
Les responsables ont indiqué, comme le suggéraient des photos circulant sur les réseaux sociaux, qu'un ancien membre de la garde rapprochée du président Koroma comptait parmi les personnes tuées.
Ernest Bai Koroma, qui vit dans la capitale, avait condamné les violences dimanche dans un communiqué, et rapporté qu'un caporal assigné à sa garde avait été tué par balle dans le périmètre de sa résidence.
Les évènements ont réveillé le spectre d'un nouveau coup d'État dans une Afrique de l'Ouest qui, depuis 2020, en a connu au Mali, au Burkina Faso, au Niger et en Guinée, voisine de la Sierra Leone.
Le président Julius Maada Bio est apparu le soir même à la télévision pour assurer que "le calme [était] rétabli", et que la plupart des responsables avaient été arrêtés. Il a paru accréditer la motivation politique en parlant de "tentative visant à saper la paix et la stabilité".
Ses services ont publié lundi des photos de lui travaillant dans son bureau, puis recevant une délégation de haut niveau de la Communauté des États ouest-africains (Cédéao) et du Nigeria, le poids lourd régional, venue avec "un message de solidarité" selon la présidence sierra-léonaise.
Checkpoints et couvre-feu
Une partie des magasins a rouvert lundi dans Freetown, qui avait la veille des allures de ville fantôme. Les écoles en revanche sont restées fermées.
Des checkpoints ont été dressés sur les principaux axes routiers, où les membres des forces de sécurité fouillent les véhicules. Un couvre-feu est instauré de 21 h à 6 h (locales et GMT) jusqu'à nouvel ordre, a annoncé le ministère de la Communication.
"Nous encourageons nos concitoyens à reprendre le cours normal de leurs activités [...] mais nous continuons à les presser instamment de maintenir le calme et la vigilance et de signaler au poste de police le plus proche tout comportement suspect ou inhabituel", a-t-il dit.
Un musicien populaire, Alhaji Amadu Bah, condamné à plusieurs années de prison et filmé la veille en train de se faire la belle, a été filmé à nouveau alors qu'il retournait de son propre chef en prison avec un message pour ses fans : "Respectez la paix et la loi."
Avec AFP