Le royaume scandinave vient d’autoriser la prospection minière de ses fonds marins, riches en métaux rares et précieux. Une annonce qui aiguise l’appétit des industriels, prêts à aller récolter ces trésors enfouis à 3 000 mètres de profondeur. Pour cause, des milliards d’euros sont en jeu avec l’exploitation de ces minerais, nécessaires à la fabrication des batteries des voitures électriques ou des panneaux solaires. Mais cette prospection pourrait s’avérer dévastatrice pour les écosystèmes.
Cinquante-cinq ans après la découverte de ses premiers gisements de pétrole, la Norvège se rêve en pionnier de l’exploitation industrielle des métaux sous-marins.
Le 9 janvier, le Parlement a autorisé par 80 voix contre 20 l’exploration d’une zone de 281 000 kilomètres carrés située entre l’île Jan Mayen et l’archipel du Svalbard. Une zone qui recèlerait 12 champs de sulfure et 27 dépôts de croûtes de manganèse. Un eldorado sous-marin qui vaudrait des milliards. Selon le Directoire norvégien du pétrole, le plancher océanique abriterait trois millions de tonnes de terres rares, 38 millions de tonnes de cuivre, du lithium, du tungstène, du magnésium et du cobalt, ainsi que 185 millions de tonnes de manganèse, soit neuf fois la production mondiale annuelle.
Face à un tel filon, plusieurs sociétés ont commencé à développer des robots autonomes et des drones sous-marins capables de collecter ces minerais à grande profondeur. L'entreprise Seabed Solutions a ainsi investi 8 millions d’euros dans l’achat d’une excavatrice sous-marine. Grâce à ces chenilles et à sa tête foreuse, cet engin hors norme de 16 tonnes est capable de creuser, prélever et se déplacer sur les gisements, à 4 000 mètre de profondeur.
"Il y aura une course aux minerais", prédit Andreas Svanlund, le directeur marketing de Seabed Solutions. "Dans les années à venir, nous aurons besoin de dix fois plus de minerais que ce que nous sommes capables de produire aujourd'hui. Si nous voulons sortir de la dépendance de la Chine, qui contrôle toute la chaîne d’approvisionnement, nous devons exploiter nous-mêmes nos ressources".
De quoi inquiéter les organisations environnementales, qui redoutent l’impact de ces chantiers sous-marins sur les écosystèmes de l’Arctique. Les panaches de sédiments notamment, des nuages en suspension très mobiles soulevés par les machines au moment de l'extraction des minerais, pourraient menacer les habitats naturels, perturber la biodiversité et entraîner une modification chimique des fonds marins.
Dans ses bureaux installés dans une maison sur pilotis à Bergen, Ruben Oddekalv, directeur de l’Association norvégienne de protection de l’environnement, entend bien mener la fronde pour interdire les mines sous-marines.