Deux jours après une attaque iranienne sur son territoire, le Pakistan a annoncé jeudi 18 janvier avoir mené dans la nuit des "frappes contre des caches terroristes" en Iran, qui ont fait neuf morts, selon la télévision publique iranienne.
Trois femmes et quatre enfants ont été tués dans des explosions survenues dans le sud-est du pays, a rapporté ce média d'État iranien. "Deux hommes ont été également tués dans l'attaque de missiles dans l'un des villages frontaliers, ce qui porte le nombre de morts à neuf", a indiqué l'agence Irna, citant le vice-gouverneur de la province du Sistan-Baloutchistan, Alireza Marhamati.
"Ce matin, le Pakistan a mené une série de frappes de précision, hautement coordonnées et spécifiquement ciblées, contre des caches terroristes dans la province du Sistan-Balouchistan", a annoncé dans un communiqué le ministère pakistanais des Affaires étrangères. "Un certain nombre de terroristes ont été tués."
L'agence officielle Irna a indiqué que "plusieurs explosions ont été entendues dans plusieurs secteurs autour de la localité de Saravan", citant un responsable du Sistan-Balouchistan où l'armée est confrontée à une insurrection larvée depuis des décennies.
Le Premier ministre par intérim du Pakistan, Anwar-ul-Haq Kakar, va abréger son déplacement au Forum de Davos (Suisse), a annoncé le gouvernement pakistanais. "Il a décidé d'écourter sa visite au vu des développements actuels", a déclaré en conférence de presse la porte-parole du ministère pakistanais des Affaires étrangères, Mumtaz Zahra Baloch.
Le chargé d'affaires pakistanais convoqué
De leur côté, les autorités iraniennes ont convoqué jeudi le chargé d'affaires pakistanais à Téhéran. "À la suite de l'attaque menée tôt ce matin par le Pakistan sur un village frontalier dans la province du Sistan-Baloutchistan, le chargé d'affaires pakistanais a été convoqué au ministère des Affaires étrangères pour des explications", a relaté l'agence Tasnim.
Téhéran avait également mené mardi soir une frappe aérienne contre des "cibles terroristes" au Pakistan. Islamabad avait jugé mercredi "totalement inacceptable" et injustifiée cette attaque, qui avait causé la mort de deux enfants.
"La mesure de ce matin a été prise au vu de renseignements crédibles sur d'imminentes activités terroristes sur une large échelle", a précisé jeudi le ministère pakistanais des Affaires étrangères.
Selon des médias pakistanais, l'attaque iranienne a eu lieu près de Panjgur, dans le sud-ouest de la province du Baloutchistan (Ouest), où Pakistan et Iran partagent une frontière d'un millier de kilomètres. En réponse, le Pakistan a rappelé son ambassadeur en Iran et décidé d'empêcher le retour de l'ambassadeur iranien, qui est actuellement dans son pays.
"Riposte par missile et par drone"
L'agence de presse iranienne Mehr avait précisé que cette "riposte par missile et par drone" avait visé le quartier général au Pakistan du groupe jihadiste Jaish al-Adl ("armée de la justice", en arabe), en réponse à une "agression contre la sécurité" de l'Iran. Jaish al-Adl, formé en 2012, a mené plusieurs attaques sur le sol iranien ces dernières années.
Mardi, l'Iran avait procédé à des tirs de missiles sur ce qu'il a qualifié de quartiers généraux d'"espions" et de cibles "terroristes" en Syrie et au Kurdistan irakien autonome.
Ces frappes iraniennes surviennent au moment où le Moyen-Orient est secoué par la guerre qui oppose le mouvement islamiste palestinien Hamas à Israël dans la bande de Gaza et les attaques des rebelles houthis du Yémen, soutenus par l'Iran, contre des navires de commerce en mer Rouge.
Iran et Pakistan s'accusent fréquemment de permettre à des groupes rebelles d'opérer à partir du territoire de l'autre pour lancer des attaques, mais il est rare que les forces officielles de l'un ou l'autre de ces pays ne soient impliquées.
Les États-Unis ont condamné ces frappes iraniennes, le porte-parole du département d'État, Matthew Miller, dénonçant le fait que Téhéran ait "violé les frontières souveraines de ses voisins au cours des derniers jours".
L'Union européenne a de son côté exprimé jeudi sa "vive inquiétude" concernant "la spirale de la violence au Moyen-Orient et au-delà". "Ces attaques, en particulier au Pakistan, en Irak et en Iran, sont une source de vive inquiétude car elles violent la souveraineté et l'intégrité territoriale des pays, et elles ont aussi un effet déstabilisateur sur la région", a déclaré Peter Stano, porte-parole du chef de la diplomatie de l'UE Josep Borrell.
Pékin propose une médiation
La Chine, qui entretient des liens privilégiés avec Islamabad et Téhéran, s'est dite jeudi prête à "jouer un rôle constructif" pour apaiser les tensions entre le Pakistan et l'Iran. "En cas de besoin des deux parties, nous sommes disposés à jouer un rôle constructif pour apaiser la situation", a indiqué devant la presse une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Mao Ning.
La Chine "espère sincèrement que les deux parties pourront faire preuve de calme et de retenue pour éviter une escalade des tensions", a ajouté la porte-parole.
Avec AFP