logo

Michel Moawad, le candidat qui ne veut pas d’un président de compromis pour le Liban

Le Liban se cherche toujours un président. Le processus qui a commencé fin septembre au sein du Parlement est toujours bloqué faute d'accord politique, alors que Michel Aoun a quitté le palais présidentiel de Baabda, près de Beyrouth, le 31 octobre. Jusqu'ici, un seul candidat s'est officiellement déclaré : Michel Moawad, jeune député de l'opposition et fils du président René Moawad, assassiné en 1989. Portrait.

Alors que le mandat de six ans du président libanais Michel Aoun a pris fin le 31 octobre, les 128 députés qui ont constitutionnellement la charge d’élire son successeur sont encore loin de trouver un terrain d’entente pour doter le pays d’un chef de l’État.

Le 24 novembre, ils ont échoué pour la septième fois à élire un président. Une nouvelle séance électorale est prévue jeudi 1er décembre. Elle n’a, elle non plus, aucune chance d'aboutir. Lors de la dernière présidentielle, le pays du Cèdre était resté sans président pendant 29 mois, avant qu’un accord ne soit trouvé pour procéder à l’élection de Michel Aoun.

Jusqu’ici, un seul candidat s’est déclaré officiellement. Il s’agit de Michel Moawad, un jeune député issu d'une grande famille chrétienne maronite de Zghorta, localité du nord du Liban. Lors de la dernière session électorale, il a récolté 42 voix, issues des rangs de l’opposition, tandis que 50 des 110 parlementaires présents ont voté blanc, les autres s’étant prononcé pour des candidats non déclarés. Pour être élu au premier tour à ce poste réservé aux chrétiens maronites, il faut 86 voix.

Michel Moawad, le candidat qui ne veut pas d’un président de compromis pour le Liban

Ce résultat, qui ressemble de près à celui des sessions précédentes, ne décourage pas Michel Moawad. Francophone, diplômé en droit public de l'université Paris 2 Panthéon Assas, il connaît parfaitement les défis et les risques que réservent une carrière politique au Liban et l’ambition d’y jouer les premiers rôles.

La politique en héritage

Né en 1972 et père de quatre enfants, il est le fils et l’héritier politique de l’ancien président René Moawad, assassiné le 22 novembre 1989, le jour même de la fête de l’indépendance du Liban et un peu plus de deux semaines après son élection, le 5 novembre. Les commanditaires de l’attentat, qui a visé son convoi dans un quartier de Beyrouth occupé par les forces syriennes, et attribué à Damas par sa famille, n’ont jamais été retrouvés ni condamnés.

Michel Moawad, le candidat qui ne veut pas d’un président de compromis pour le Liban

Comme son défunt père, qui jouissait d’une image d’homme politique réformiste et modéré, Michel Moawad plaide pour un Liban souverain et pour la restauration d’un État fort.

Dans un entretien accordé à l'antenne arabe de France 24 début novembre, il affirme "ne pas courir derrière un poste mais défendre une cause, celle du Liban". Il estime l’avoir prouvé en démissionnant de son poste de député cinq jours après la double explosion meurtrière survenue dans le port de Beyrouth, le 4 août 2020. Une démarche qu’il décrit comme un "acte politique" destiné à dénoncer l’incapacité du gouvernement comme du Parlement à assumer leurs responsabilités, et à marquer son impossibilité à réformer le système de l’intérieur.

Réélu à Zghorta lors des dernières législatives de mai 2022, dans la même circonscription naguère remportée par son père et, après son assassinat, par sa mère Nayla Moawad – qui fut également ministre des Affaires sociales entre 2005 et 2008 –, le souverainiste rêve d’unifier les rangs d’une opposition hétérogène et divisée. Un préalable indispensable selon lui pour changer la donne politique dans un pays qui voit son économie s’effondrer jour après jour depuis octobre 2019.

"Je suis convaincu que si l’opposition ne se rassemble pas derrière une vision commune et un candidat pour l’incarner, missionné pour restaurer l’État et la confiance, alors elle sera une opposition sans influence et marginalisée, et donc impuissante."

Michel Moawad estime que s’il parvenait à former un bloc uni de 65 députés de l’opposition, il serait plus aisé de peser sur la scène politique et de proposer non pas un compromis mais une entente au camp d’en face, celui dominé par le Hezbollah chiite.

"Le Liban se trouve dans cette situation parce que l’État est pris en otage par des mafias politiques et par des armes qui échappent à son contrôle, dit-il dans une allusion explicite à l’arsenal du parti pro-iranien. Il faut une entente pour en finir, car un compromis ne peut que maintenir l’hégémonie et le statu quo et donc la poursuite de l'effondrement économique du pays."

Un candidat de défi selon le Hezbollah

Un pari difficile à gagner, tant Michel Moawad, opposant notoire à la domination politique et aux armes du Hezbollah, est perçu comme un candidat de défi par le parti et les alliés de Hassan Nasrallah. Les détracteurs du jeune parlementaire l’accusent d’opportunisme politique, rappelant sa proximité avec Washington ou encore sa liste commune avec des candidats du parti du président Michel Aoun, l’allié politique du parti chiite, lors des législatives de 2018. Une démarche qu’il a par la suite publiquement regrettée.

Désormais adoubé pour cette présidentielle par les principales forces traditionnelles de l’opposition, dont les deux partis chrétiens (Forces libanaises et Kataëb) et le Parti socialiste progressiste (PSP) du leader druze Walid Joumblatt, le candidat refuse le concept d’un président consensuel.

"Un tel président sera en réalité un président de compromis, faible, gris, incolore, inodore, et sans aucun pouvoir de décision, juge-t-il. Il ne pourra rien faire pour changer la vie des Libanais, qui continueront à s’appauvrir, à subir des humiliations, et à mourir."

En réponse aux observateurs qui estiment qu’il ne pourra y avoir de président élu au Liban sans accord préalable entre les puissances régionales qui entendent jouer un rôle à Beyrouth, comme l’Iran et l’Arabie saoudite, avec un feu vert des grandes puissances comme les États-Unis et la France, Michel Moawad lance un appel à ses collègues.

"Nous sommes appelés à élire le président du Liban, nous ne devons pas attendre une entente régionale ou arabe, ni la fin éventuelle des discussions sur le nucléaire iranien ou encore une initiative française, ce serait honteux. Nous devons nous rendre au Parlement pour élire notre président et exercer nos devoirs constitutionnels et politiques", lance-t-il.

Un message qui risque de ne pas trouver d’écho, jeudi, à Beyrouth.