Dans "Rifkin's festival", Woody Allen s'amuse d'un couple bizarrement assorti. Il y a d'un côté Mort, écrivain névrosé qui a le béguin pour sa médecin généraliste, et son épouse Sue, attachée de presse, qui représente un jeune réalisateur français à la mode, joué par Louis Garrel. Une nouvelle fois, le cinéaste joue avec un double de cinéma et sa compagne - aussi vive que lui est pataud. Le chroniqueur Thomas Baurez se penche aussi sur les films "La nuit du 12" et "Les nuits de Mashhad".
"Rifkin's festival" propose les codes de l’univers de Woody Allen, avec un héros un peu maladroit, jaloux, amoureux, abonné aux séances chez le psy. Pour le chroniqueur cinéma Thomas Baurez, le réalisateur de 86 ans n'a plus l'énergie dévastatrice d'antan, à l'image du protagoniste auquel il s'identifie. Il profite malgré tout de ce film pour rendre hommage au cinéma européen qui l’a inspiré et a façonné le cinéma américain des années 60. Il fait des références à "Citizen Kane", "Jules et Jim", "Persona", "Les fraises sauvages", "Huit et demi", "L'Ange exterminateur" ou "Le septième sceau", offrant des clins d’œil complices aux spectateurs.
Découvert hors compétition lors du dernier Festival de Cannes, le long-métrage "La nuit du 12", de Dominik Moll, est inspiré d'une histoire vraie et non élucidée. Le film raconte le meurtre d’une jeune femme en Savoie, immolée par le feu, et dont l’assassin n’a jamais été retrouvé. La police judiciaire multiplie les pistes et les impasses. C'est l’occasion de se pencher sur cette question : est-il normal que les crimes, majoritairement commis par des hommes, soient aussi élucidés par des hommes ? En tout cas, le cinéaste français Dominik Moll, qui avait signé "Harry un ami qui vous veut du bien" ou plus récemment "Seules les bêtes", réussit une nouvelle fois l’exercice de thriller psychologique, avec un acteur principal, Bastien Bouillon, qui sert bien l'histoire.
Un autre film noir, "Les nuits de Mashhad", a lui été présenté en compétition sur la Croisette. Ali Abassi y suit un serial killer qui a sévi en Iran au début des années 2000 et assassinait des prostituées. Une journaliste, jouée par la comédienne Zar Amir Ebrahimi, va s'enfoncer dans les ténèbres de cette affaire. Ce rôle lui a d’ailleurs valu le prix d'interprétation féminine à Cannes.
Le cinéaste iranien ne cache pas l'identité du meurtrier et adopte même le point de vue du monstre. Cela a pour effet de provoquer un certain inconfort chez les spectateurs et donne une impression de complaisance de la part du réalisateur dans sa façon de mettre en scène l'horreur, comme s’il se repaissait de cette violence. Reste que les ressorts de l'intrigue offrent un portrait schizophrénique de la société iranienne, écartelée entre un pouvoir théocratique autoritaire et de plus en plus remis en question, et une soif de liberté. La comédienne Zar Amir Ebrahimi a ainsi dû quitter son pays en 2008 après qu'une sextape a fuité sur les réseaux sociaux et ruiné sa carrière dans son pays.
Trois cinéastes iraniens arrêtés
Plusieurs cinéastes iraniens ont récemment été emprisonnés par le régime de Téhéran. Arrêtés le 8 juillet 2022, Mostafa Aleahmad et Mohammad Rasoulof (Ours d'or à Berlin en 2020 pour "Le diable n’existe pas") ont été détenus dans un lieu secret pour "troubles à l'ordre public". Ils avaient en réalité dénoncé sur les réseaux sociaux la répression policière qui a suivi une manifestation populaire après l’effondrement d’un immeuble dans le sud-ouest du pays, qui a fait 43 morts.
Hossein Abdolbaghi, propriétaire de la tour Métropole et proche de certains figures importantes du régime, avait réussi à contourner les normes de sécurité lors de la construction. Le 11 juillet, Jafar Panahi était arrêté à son tour devant le parquet de Téhéran alors qu'il venait apporter son soutien à ses amis et confrères. Le Festival de Cannes a joint sa voix à d’autres pour réclamer la libération des trois cinéastes iraniens.
Le Festival de Cannes demande la libération immédiate des cinéastes Mohammad Rasoulof, Mostafa Aleahmad et Jafar Panahi et réaffirme son soutien à toutes celles et ceux qui, à travers le monde, subissent violences et représailles. ► Lire le communiqué : https://t.co/ILeqr9Q6DA
— Festival de Cannes (@Festival_Cannes) July 11, 2022Enfin, gros plan sur la première édition du festival parisien "Dolce Vita Sur Seine", résultat d'un jumelage culturel entre Paris et Rome. Une sélection de films italiens est à découvrir en plein air sur les quais de Seine. Parallèlement, un hommage au cinéma français se déroule à Rome où Paris et sa Nouvelle Vague sont mis à l'honneur.