Les Libanais ont voté dimanche à l'occasion des premières élections législatives organisées depuis le mouvement de révolte de 2019. Dans un pays dévasté par les crises, ce scrutin a valeur de test pour les groupes d'opposition qui ont émergé à la suite du soulèvement.
Les Libanais ont voté, dimanche 15 mai, pour choisir leurs députés, un premier test pour les candidats indépendants et groupes d'opposition ayant émergé à la suite du soulèvement déclenché en octobre 2019 – un mouvement populaire dont la principale revendication était le départ d'une classe politique accusée de corruption et d'incompétence.
Même si elles sont tenues pour responsables de la grave crise socio-économique, les forces politiques traditionnelles devraient toutefois se maintenir à l'issue de ce scrutin, préviennent les experts.
Les bureaux de vote ont fermé à 19 h (16 h GMT). Le taux de participation a été estimé à 41 % par le ministère de l'Intérieur. Le décompte des voix a commencé dans certaines régions et les résultats définitifs sont attendus lundi.
Un important dispositif de sécurité a été déployé pour ces élections auxquelles étaient appelés quelque 3,9 millions d'électeurs pour renouveler les 128 membres du Parlement.
"Je suis pour le changement, car nous connaissons cette classe politique", inchangée depuis la fin de la guerre civile il y a trois décennies, affirme à l'AFP Nayla après avoir voté à Gemmayzeh, dans la capitale. Pour cette étudiante de 28 ans, le Liban a grandement besoin de "nouveaux visages".
"Assainir le système"
Après avoir voté dans le quartier de Karantina à Beyrouth, Cynthia Toukajian, une consultante de 37 ans, dit "espérer que ceux ayant participé au maintien d'un système défaillant se sentent aujourd'hui dans le devoir de participer à son assainissement en votant" contre les partis au pouvoir.
Les élections se sont tenues conformément à une loi adoptée en 2017, à l'avantage des partis au pouvoir, et en l'absence du principal leader sunnite, Saad Hariri, qui les boycotte.
Dans le quartier sunnite de Tarik Jdidé, à Beyrouth, bastion du parti de Saad Hariri, les partisans de l'ancien Premier ministre ont installé plusieurs piscines gonflables au milieu des rues pour exprimer leur intention de boycotter le scrutin, ont constaté des photographes de l'AFP.
Les législatives de 2018 avaient été dominées par le puissant Hezbollah chiite pro-iranien et ses alliés, notamment le Courant patriotique libre (CPL) du président Michel Aoun et le mouvement chiite Amal, du président du Parlement, Nabih Berri.
Le Liban est englué depuis 2019 dans une crise socio-économique classée par la Banque mondiale comme la pire au monde depuis 1850 et causée par des décennies de mauvaise gestion et de corruption d'une classe dirigeante quasi inchangée depuis des dizaines d'années.
En près de deux ans, la monnaie nationale a perdu plus de 90 % de sa valeur sur le marché noir et le taux de chômage a presque triplé. Près de 80 % de la population vit désormais en dessous du seuil de pauvreté, selon l'ONU.
Il s'agit par ailleurs des premières législatives depuis l'explosion dévastatrice du 4 août 2020 au port de Beyrouth, qui avait fait plus de 200 morts et ravagé des quartiers entiers de la capitale.
La chute libre de l'économie et l'effondrement des services publics de base ont poussé un grand nombre de Libanais à quitter le pays.
Des slogans "souverainistes"
Mais certains, comme Mariana Vodolian, porte-parole des familles de victimes de l'explosion au port, espèrent un changement à travers ces élections "car nous sommes contre ce système qui nous a gouvernés pendant 30 ans, qui nous a volés et nous a fait exploser", a dit à l'AFP cette femme de 32 ans.
Une grande partie des candidats, parmi les partis traditionnels et les indépendants, ont mené leur campagne avec des slogans "souverainistes", accusant le Hezbollah de servir les intérêts de l'Iran et de maintenir son emprise sur le Liban grâce notamment à un important arsenal militaire.
Dans les régions où le Hezbollah est fortement présent, le déroulement du scrutin a été émaillé d'incidents entre partisans de formations rivales. Selon l'Association libanaise pour la démocratie des élections (Lade), chargée de la supervision, plusieurs de ses membres ont été agressés dans des bureaux de vote, certains dans la Bekaa, bastion du Hezbollah.
Dans la même région, le parti chrétien des Forces libanaises, fermement opposé aux armes du parti chiite, a indiqué dans un communiqué que plusieurs de ses délégués ont été frappés et chassés de bureaux de vote.
L'association Lade a également diffusé une vidéo montrant des partisans du Hezbollah harcelant un candidat indépendant dans la banlieue sud de Beyrouth, un autre bastion du puissant mouvement pro-iranien.
Toujours dans la banlieue sud de la capitale, un homme a été arrêté par les forces de sécurité pour avoir insulté le président libanais Michel Aoun à sa sortie d'un bureau de vote, ont rapporté des médias locaux.
Avec AFP