Le ministère public de la Cour de justice de la République (CJR) a annoncé, mardi, avoir requis le renvoi devant la Cour de l'ancien avocat et actuel garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, mis en examen pour prise illégale d'intérêts.
Le ministre français de la Justice sur la sellette. Le ministère public a requis, mardi 10 mai, le renvoi devant la Cour de justice de la République (CJR) de l’ancien avocat et actuel garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, soupçonné de "prises illégales d’intérêts" dans le cadre de ses fonctions, selon un communiqué du procureur général près la Cour de cassation et du ministère public près la Cour de justice de la République.
Le ministre de la Justice est soupçonné d'avoir profité de sa fonction actuelle au gouvernement pour régler des comptes avec des magistrats avec lesquels il avait eu maille à partir quand il était avocat dans deux dossiers. Selon un communiqué du parquet général près la Cour de cassation, le ministère public a jugé qu'il existait des "charges suffisantes" contre le ministre pour le renvoyer en procès.
"Le 9 mai 2022, le ministère public de la CJR a pris des réquisitions de renvoi de M. Dupond-Moretti devant la Cour de justice de la République, pour des faits de prises illégales d’intérêt commis à Paris, les 31 juillet et 18 septembre 2020, alors qu’il était membre du gouvernement", peut-on lire. Le ministère public, est-il précisé, estime qu'il existe "des charges suffisantes contre ce dernier".
Le garde des Sceaux, en fonction depuis juillet 2020, était mis en examen dans ce dossier depuis juillet 2021.
La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger des ministres pour des infractions commises dans l'exercice de leurs fonctions. La décision finale sur un éventuel renvoi du ministre devant la formation de jugement de la CJR appartient désormais à la commission d'instruction de l’instance.
Analyse de "fadettes"
Des plaintes de syndicats de magistrats et de l'association anticorruption Anticor, dénonçant deux situations de conflit d'intérêt depuis son arrivée à la Chancellerie, avaient donné lieu à l'ouverture d'une information judiciaire. Convoqué en mars et en avril par les magistrats de la CJR sur les deux dossiers, il a refusé de répondre à leurs questions.
Selon le communiqué du parquet général près de la Cour de Cassation, les faits visés sont tout d’abord "la saisine de l’Inspection générale de la justice par le ministre le 31 juillet 2020, aux fins d’enquête administrative à l’encontre de trois magistrats du Parquet national financier à la suite d’une enquête menée par ce parquet et qui avait donné lieu à une plainte de M. Dupond-Moretti", précise le communiqué. Les magistrats avaient fait éplucher ses factures téléphoniques détaillées ("fadettes") quand il était encore une star du barreau.
En deuxième lieu, il s’agit de "la saisine de l’Inspection générale de la justice par le ministre le 18 septembre 2020, aux fins d’enquête administrative à l’encontre d’un juge d’instruction précédemment en fonction à Monaco". Ce dernier, Édouard Levrault, avait mis en examen un des ex-clients d’Éric Dupond-Moretti. L'avocat avait alors critiqué des méthodes de "cow-boy".
Éric Dupond-Moretti a toujours martelé qu'il n'avait fait que "suivre les recommandations" de son administration.
Avec AFP & Reuters