
Ernestine Ronai, responsable de l'Observatoire des violences faites aux femmes, est à l'origine du projet test de téléphone portable d'urgence. Un dispositif qu'elle espère voir élargi à tout le pays.
Le gouvernement français vient d'annoncer le lancement, au début de 2010, d'un dispositif de surveillance électronique visant à contrôler l'efficacité de la mesure d'éloignement du conjoint violent. D'abord testé en Seine-Saint-Denis, ce système s'inspire du modèle espagnol. Entretien avec Ernestine Ronai, responsable de l'Observatoire des violences faites aux femmes dans ce département.
FRANCE 24 - En quoi consiste ce dispositif testé en Seine-Saint-Denis ?
Ernestine Ronai - Ce système de téléphone a été proposé à des femmes considérées, par le parquet, comme étant en "très grand danger". Elles ont toutes, par le passé, déposé au moins une plainte pour violences conjugales, et craignent que leur mari, s’il sort de prison, ne tente un rapprochement. Auquel cas elle n'aura qu'à appuyer trois secondes sur un bouton du téléphone pour prévenir la police. Pendant un an, nous allons étudier tous les appels téléphoniques afin de rendre un avis à la fin de 2010. Si le dispositif fait ses preuves, il devrait être étendu à l'ensemble de la France.
Pensez-vous qu'il s'agisse d'une solution miracle ?
Le téléphone est loin d'être un joujou technologique, c'est un élément constitutif d’un dispositif légal plus complet. Je pense qu’une bonne politique publique repose sur quatre points.
D'abord, il faut former les professionnels de police et de la justice car une femme qui porte plainte doit pouvoir être entendue et prise en charge. Ensuite, il faut mettre en place des mesures de protection pour la femme. Car elle ne parlera que si elle est sûre d’être protégée. Il faut savoir qu’en Seine-Saint-Denis, 24 femmes sont mortes de violences conjugales ces trois dernières années. Dans un cas sur deux, elle a été tuée lors de la visite du père qui exerçait son droit de garde des enfants. Dans un troisième temps, il faut s’assurer des mesures d’accompagnement. Je pense notamment à la sensibilisation de l’opinion publique, ainsi que dans l'entourage familial. Enfin, il faut accentuer la prévention en direction de la jeunesse car s'il est avéré que ce type de violence touche tous les milieux, les chiffres montrent que les jeunes femmes sont particulièrement exposées. On ignore, en revanche, si c’est parce qu'elles se confient davantage.
La France va également s'inspirer de l’Espagne en expérimentant des bracelets électroniques l'année prochaine. Qu'en pensez-vous ?
Il faut savoir que ce dispositif consiste à ce que l’homme soit muni d’un bracelet, et la femme d'un boîtier. La police est alors alertée dès que l’homme ne respecte pas l’éloignement. Cela veut dire que la femme vit avec la perpétuelle crainte que le bipper s’allume. Cette idée de lien avec son bourreau me paraît malsaine. Dans le cas du téléphone portable, c’est elle qui prend la décision de prévenir la police.