
L'examen du projet de loi transformant le passe sanitaire en passe vaccinal a fait l'objet d'une suspension surprise par l'Assemblée nationale lundi soir. Une majorité de députés ont voté à main levée contre la poursuite des débats après minuit. Ceux-ci reprendront finalement mardi soir, a appris l'AFP auprès de sources parlementaires.
Les débats se sont enlisés, les passes d'armes multipliées. L'examen à l'Assemblée nationale du projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire du Covid-19 en France, dont l'une des principales mesures est la transformation du passe sanitaire en passe vaccinal, a été suspendu dans la nuit de lundi 3 à mardi 4 janvier.
Le projet de loi stipule que pour disposer d'un schéma vaccinal complet, il faudra, à partir du 15 février, effectuer sa dose de rappel quatre mois – et non plus sept – après sa deuxième dose. Une infection équivaut à une injection. Faute de pouvoir justifier d'un statut vaccinal, les Français n'auront plus accès aux activités de loisirs, aux restaurants et bars, aux foires ou aux transports publics interrégionaux.
Cette mesure vise notamment à freiner la propagation du variant Omicron du coronavirus responsable du Covid-19. La France a battu ces derniers jours des records de nouveaux cas quotidiens, malgré un taux de vaccination de quelque 90 % de la population de plus de 12 ans.
Les débats, tendus, ont été interrompus juste après minuit après qu'une majorité de députés se sont prononcés à main levée en faveur d'une suspension de la séance.
Un calendrier "au plus près de ce qui était prévu"
Ce coup de théâtre bouscule le calendrier d'adoption définitif du texte par le Parlement. La conférence des présidents de l'Assemblée, qui réunit les patrons des groupes politiques et le ministre des Relations avec le Parlement, doit décider à la mi-journée d'inscrire à nouveau le projet de loi à l'ordre du jour en fin de journée, après les questions au gouvernement et un vote sur le texte 3DS sur la décentralisation.
Puis les échanges reprendront vers 22 h 30-23 h, après un débat prévu par LR sur les violences conjugales. Cela laisse augurer une longue nuit, plus de 500 amendements restant au menu. L'examen pourrait se poursuivre mercredi après-midi si nécessaire.
Le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a indiqué mardi que l'exécutif allait "tout faire pour tenir au plus près le calendrier qui était prévu", soit une entrée en vigueur du passe vaccinal au 15 janvier.
"On a vu hier soir une forme d'amicale de l'irresponsabilité se constituer avec les députés de La France insoumise (LFI), du Rassemblement national (RN) et les députés LR, pour faire un coup de procédure, pour essayer de faire dérailler le calendrier de l'adoption du passe vaccinal", a-t-il accusé sur les ondes de France Inter.
Une joie des députés "choquante"
Gabriel Attal a jugé "assez choquante" la joie exprimée par ces députés. Se disant "habitué" à de telles pratiques selon lui de la part du RN et de LFI, il a pour LR estimé que cela "vise à masquer ce qui semble être manifestement des grandes turbulences en interne sur le passe". Il a en particulier visé la candidate LR à la présidentielle, Valérie Pécresse.
"On a entendu (le député LR) Éric Ciotti, Valérie Pécresse, dire dans les médias qu'ils soutenaient le passe vaccinal", et lundi soir dans l'hémicycle, "on a vu les députés LR et Aurélien Pradié, le porte-parole de la campagne de Mme Pécresse, voter contre le passe vaccinal. Donc on se demande qui il faut croire, et il faut que Valérie Pécresse clarifie sa position."
La suspension de la séance a été saluée bruyamment par les députés de l'opposition tandis que la majorité interpellait la présidente de la séance, Annie Genevard, à l'image du président du groupe La République en marche (LREM), Christophe Castaner, et du ministre de la Santé, Olivier Véran. Le ministre avait préalablement sollicité l'accord de l'hémicycle pour poursuivre les débats après l'heure normale de clôture de l'Assemblée, prévue à minuit.
"J'ai compris que la nuit avait été un peu agitée", a pour sa part déclaré le Premier ministre Jean Castex mardi matin, devant les députés LREM réunis. "Ce n'est pas à la hauteur de la situation", a-t-il dénoncé, selon des propos rapportés.
Après deux semaines de suspension, les oppositions refusent de continuer à siéger après minuit.
Certains font de l’irresponsabilité le ciment de leur alliance de circonstance.
Nous, nous restons constants.
Notre priorité : la santé des Français.
"Un camouflet pour le gouvernement"
Jusqu'ici, les débats autour du projet de loi transformant le passe sanitaire en passe vaccinal avançaient à pas comptés en raison de l'hostilité de députés de plusieurs groupes politiques. Une partie de l'opposition, dont certains élus LR, LFI et RN, dénonce le projet de loi.
"C'est un camouflet pour le gouvernement. Le gouvernement nous disait qu'il fallait marcher ou mourir […]. Là le gouvernement se retrouve embourbé […] et lâché par une partie de sa majorité", a jugé le député LR Julien Aubert.
"On échappe à la nuit blanche. Véran reçoit une correction", a tweeté le chef de file des Insoumis, Jean-Luc Mélenchon.
Dans le taxi vers l'Assemblée, j'apprends que la séance est interrompue. On échappe à la nuit blanche. #Véran reçoit une correction.#PasseVaccinal #DirectAN
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) January 3, 2022"On a vu des oppositions qui, sur force plateaux TV et tweets, nous disent qu'elles sont favorables au passe vaccinal et soutiennent ce projet de loi et qui dans l'Hémicycle, ont fait complètement l'inverse, ont joué l'obstruction et ont voté de façon massive pour que les débats cessent", a dénoncé la présidente LREM de la commission des Lois, Yaël Braun-Pivet. "Malheureusement, nous qui comptions terminer le texte ce soir pour qu'il puisse être transmis au Sénat et donc s'appliquer le plus rapidement possible […] cela est contrarié par le jeu des oppositions."
Avec AFP et Reuters