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RCEP : la nouvelle zone de libre-échange Asie-Pacifique entre en vigueur

Le Partenariat économique régional global, qui réunit 15 pays asiatiques, est entré en vigueur le 1er janvier. Ses membres espèrent que cette initiative, menée par la Chine et qui englobe environ un tiers du commerce mondial, les aidera à se remettre de la pandémie. 

Le Partenariat économique régional global (RCEP), entré en vigueur samedi 1er janvier, compte 15 membres, dont la Chine, le Japon, la Corée du Sud et de nombreux autres pays asiatiques, mais n’inclut ni les États-Unis ni l’Inde. Il s'agit de la plus grande zone de libre-échange au monde.

L’accord supprime les droits de douane sur des milliers de produits, simplifie les procédures commerciales et offre des avantages mutuels aux pays membres. Il couvre également des questions comme le commerce électronique, la propriété intellectuelle et les marchés publics. 

Le RCEP a cependant des exigences moins strictes en matière de travail et d’environnement que celles attendues par les pays membres de l’Union européenne et qui sont respectées par le Partenariat transpacifique, conclu avec bon nombre des mêmes pays, à l’exception de la Chine.

Selon les experts, le RCEP devrait stimuler le commerce dans la région de 2 %, soit 42 milliards de dollars, par l’accroissement des échanges commerciaux et le détournement des échanges facilité par le changement des règles tarifaires.

L’accord est un coup de maître pour la Chine, qui représente de loin le plus grand marché de la région avec plus de 1,3 milliard d’habitants. 

Relations complexes

"Pékin a connu des difficultés dans la région au fil des années pour différentes raisons", analyse Oliver Farry, correspondant de France 24 à Hong Kong. "La Chine n’a pas vraiment réussi à faire valoir son point de vue en termes non géopolitiques. Et même si on vante certaines initiatives économiques antérieures, comme la 'nouvelle route de la soie', celles-ci ont connu moins de succès que prévu. Cela a donc permis la conclusion d’un accord commercial d’une ampleur sans précédent avec des pays de la région Asie-Pacifique avec lesquels la Chine entretient des relations assez complexes, notamment le Japon, la Corée du Sud, le Vietnam et l’Australie."

Deux années de pandémie de Covid-19, d’isolement, de fermeture des frontières, de quarantaine obligatoire et d’autres restrictions ont coûté leur emploi à des millions de personnes dans la région, tout en perturbant les chaînes d’approvisionnement du monde entier, notamment au niveau de la fabrication et de l’expédition.

Les pays confrontés à la flambée des cas du nouveau variant Omicron freinent la réouverture de leurs frontières aux voyages internationaux.

Les économies régionales se sont contractées de 1,5 % en 2020, puis ont rebondi, la Banque asiatique de développement prévoyant une croissance de 7 % cette année, stimulée par les faibles chiffres de l’année précédente. Mais l’embellie devrait s’essouffler dès l’année prochaine, la croissance devant ralentir à 5,3 %.

La pandémie a également freiné la ratification de l’accord commercial pour certains pays.

La Chine a été la première à ratifier le RCEP en avril, après sa signature en novembre 2020 lors d’une réunion virtuelle réunissant les dirigeants de ses 15 pays membres. 

L’Indonésie, la Malaisie et les Philippines ne l’ont pas encore fait, mais on s’attend à ce qu’elles le ratifient bientôt. La Birmanie, dont le gouvernement a été renversé par l’armée le 1er février 2021, l’a ratifié, mais cela n’est pas encore accepté par les autres membres.

Pékin est prêt pour ce nouveau bloc commercial : la Chine a déjà rempli 701 "obligations contraignantes" pour le RCEP, a déclaré jeudi le vice-ministre chinois du Commerce, Ren Hongbin. "L’accord commercial du RCEP change lentement la donne."

"Le RCEP est très important pour créer de nouveaux modèles de développement et une étape cruciale dans l’ouverture de notre économie", a déclaré Ren Hongbin, dans la transcription d’une conférence de presse disponible sur le site Internet du ministère du Commerce. Il a déclaré que le bloc rapprocherait les économies des pays membres et "stimulerait grandement la confiance dans la reprise économique après la pandémie".

Une aubaine pour les pays en développement

Le RCEP, lancé par la Chine, s’adresse aux pays en développement car il facilite le commerce des produits agricoles et celui des produits manufacturés, qui constituent la majeure partie de leurs exportations. Il en dit peu en revanche sur le commerce des services et l’accès des entreprises à l’économie des autres pays, sujets qui intéressent particulièrement les États-Unis et d’autres pays développés.

À l’origine, le RCEP devait inclure quelque 3,6 milliards de personnes. Sans l’Inde, qui s’est retirée, il en concerne encore plus de 2 milliards et porte sur près d’un tiers de l’ensemble des activités commerciales.

L’Accord États-Unis-Mexique-Canada, ou AEUMC, une version remaniée de l’Accord de libre-échange nord-américain sous Donald Trump, couvre un peu moins d’activité économique, mais moins d’un dixième de la population mondiale. 

L’UE et le Partenariat transpacifique global et progressiste, version révisée d’un accord rejeté par l’ancien président Donald Trump, sont également plus petits. Le RCEP comprend six des 11 membres restants du PTPGP.

Comme tout accord commercial, le RCEP a ses détracteurs.

Lors d’une récente audience législative diffusée sur YouTube, des représentants du gouvernement indonésien ont exhorté les législateurs à adopter le RCEP. Mais Elly Rachmat Yasin, membre d’une commission responsable de l’agriculture, de l’environnement, des forêts et de la marine, a interrogé le ministre indonésien du Commerce, Muhammad Lutfi, sur le bien-fondé de l’implication de l’Indonésie dans l’accord, notant que l’Inde s’est retirée en grande partie par crainte que les importations chinoises envahissent ses marchés.

Muhammad Lutfi a répondu que le RCEP aiderait à stimuler les exportations et à attirer des entrées supplémentaires pouvant atteindre 1,7 milliard de dollars en investissements étrangers d’ici 2040.

Le secrétaire au Commerce des Philippines, Ramon Lopez, dit qu’il attend des législateurs qu’ils ratifient le pacte en janvier, après avoir manqué de temps pour le faire en décembre, lorsque le gouvernement était occupé à faire face aux conséquences d’un typhon qui a frappé le pays le 16 décembre. Quelque 375 personnes sont mortes et des centaines de milliers d’autres sont encore privées de logement.

On s’attend à ce que le bloc commercial crée de nombreux emplois dans le secteur des services, un grand attrait pour un pays comme les Philippines, qui compte beaucoup sur les envois de fonds des travailleurs migrants.

"Le RCEP augmentera le PIB et réduira l’incidence de la pauvreté. Il ouvrira davantage l’accès aux marchés pour nos exportations et élargira l’approvisionnement en intrants nécessaires pour améliorer la compétitivité de notre secteur manufacturier et de nos exportateurs", a déclaré Ramon Lopez.

"Il n’y a aucune raison de ne pas ratifier le RCEP", a-t-il déclaré, ajoutant que ne pas le faire serait "catastrophique" puisque les investisseurs favoriseraient probablement les pays du bloc commercial.

Adapté de l'anglais par Lou Romeo. La version originale est à retrouver ici.