![États-Unis : après Pearl Harbor, des camps de la honte pour les personnes d’origine japonaise États-Unis : après Pearl Harbor, des camps de la honte pour les personnes d’origine japonaise](/data/posts/2022/07/27/1658930157_Etats-Unis-apres-Pearl-Harbor-des-camps-de-la-honte-pour-les-personnes-d-origine-japonaise.jpg)
C’est un chapitre méconnu de l’histoire américaine : après l’attaque de Pearl Harbor en 1941, les États-Unis ont déplacé de force 120 000 personnes d’origine japonaise dans dix camps d'internement disséminés sur le territoire américain. Une nouvelle génération d’Américains se réapproprie ce passé douloureux et se bat pour que le pays affronte enfin les démons du racisme qui le gangrènent.
Le 7 décembre 1941, le Japon bombarde la base militaire américaine de Pearl Harbor à Hawaï. L’attaque précipite la décision des États-Unis d’entrer en guerre contre le Japon, allié de l’Allemagne.
Deux mois plus tard, le président américain Franklin D. Roosevelt signe le décret 9066 autorisant l’incarcération de toutes les personnes d’origine japonaise, soupçonnées d’être des traîtres. En quelques jours, le FBI arrête 1 300 personnes, qui ont 48 heures pour vendre leur maison et donner leur démission avant d’être envoyées dans un des dix camps d’internement.
Combiné à la paranoïa d’une nation en guerre, le climat politique et social américain plonge le pays dans les affres d’une suspicion de chaque instant. Près de 120 000 personnes, dont deux tiers d’Américains d’origine japonaise, vont être déportées dans ces camps dits "de réinstallation", et des milliers de familles vont être détenues derrière des fils barbelés pendant un à trois ans.
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À 7 dans 45 m²
De l'âge de 3 ans jusqu'à ses 6 ans, John Tateishi a vécu dans le camp d'internement de Manzanar (Californie), avec ses trois frères, ses parents et son grand-père. À sept, ils ont cohabité dans une pièce de 45 m².
À la fermeture des camps en 1945, John est revenu vivre à Los Angeles avec sa famille. Son combat a été celui de la reconnaissance du dommage fait aux milliers de familles d’origine japonaise.
Amy Tsubokawa a, pour sa part, été enfermée à Poston (Arizona) jusqu’à ses 12 ans. Son père est mort dans le camp et sa mère en est ressortie veuve avec cinq enfants. Dans ce numéro de "Billet retour", sa fille Patty entend le témoignage de sa mère pour la première fois, un moment de partage très émouvant.
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Les survivants ont longtemps refusé de parler de leur expérience dans les camps, le plus souvent par honte. La honte d’avoir été humiliés, la honte d’avoir été considérés comme des traîtres dans leur propre pays – et la honte de ne pas avoir résisté.
Mesures de réparation
La sortie des camps a été difficile pour toutes ces personnes internées. Les enfants de ces familles spoliées ont repris avec difficulté leur vie après leur libération : les Nippo-Américains ont été victimes de racisme et de discriminations, ont été parqués dans des ghettos… Un traumatisme transgénérationnel toujours présent aujourd’hui.
Longtemps réputée cachée ou oubliée, l’histoire des camps de Japonais aux États-Unis fait l’objet de demandes de réparations dans les années 1970 et entre dans les livres scolaires à la fin des années 1980 – l'internement y est présenté comme une "mesure raciste, hystérique et regrettable". Le combat pour obtenir réparation se concrétise en 1988, quand le président Ronald Reagan signe le Civil Liberties Act qui accorde 20 000 dollars de compensation à chaque survivant.
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Devoir de mémoire
Si les camps ont été fermés en 1945, à la suite d'une décision de justice déclarant illégale l’incarcération illimitée de citoyens américains, d'anciens internés se mobilisent toujours pour faire survivre leur mémoire, comme Marlene Shigekawa. Née dans le camp de Poston en 1944, elle tente avec Barbara Darden – une architecte bénévole – de restaurer ce lieu d'histoire. Une tâche difficile sans le soutien et le financement des Parcs nationaux.
Remerciements : John Tateishi, Amy Tsubokawa, Patricia Biggs, Marlene Shigekawa, Barbara Darden et Susan Kemei, Manzanar National Historic Site, Poston Community Alliance, National Archives and Records Administration.