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Des milliers d'opposants au coup d'État sont de nouveau descendus dans les rues de Khartoum et sa banlieue, samedi. Les forces de sécurité ont tenté de les disperser à coup de grenades lacrymogènes. Selon un syndicat de médecins, cinq manifestants ont été tués.

Cinq manifestants ont été tués samedi 13 novembre au Soudan, lors d'une nouvelle journée de mobilisation rassemblant des dizaines de milliers d'opposants au coup d'État du général Abdel Fattah al-Burhane.

Il y a deux jours, le militaire, auteur du putsch du 25 octobre, entendait entériner le nouvel état de fait en reprenant la tête du Conseil chargé de la transition, reformé pour l'occasion de militaires et de civils apolitiques en remplacement de ceux qu'il avait déposés ou arrêtés.

Mais samedi, les partisans d'un pouvoir civil sont parvenus à rassembler à travers le pays des dizaines de milliers de personnes, pourtant contraintes, en raison de la coupure d'Internet depuis près de trois semaines, de s'organiser par SMS ou via des graffitis sur les murs. 

L'ONU et des ambassadeurs occidentaux avaient appelé les forces de sécurité à éviter une effusion de sang dans un pays où déjà plus de 250 manifestants avaient été tués lors de la révolte qui renversa en 2019 le dictateur Omar el-Béchir.

Les forces de sécurité semblent cependant avoir fait le choix de la répression : un syndicat de médecins prodémocratie a recensé cinq manifestants tués à Khartoum, ainsi que de "nombreux blessés par balles" ou gaz lacrymogènes.

Et les forces du général Burhane ont même, selon la direction provinciale du ministère de la Santé, attaqué des hôpitaux de la capitale. Une version contestée par la police qui nie avoir ouvert le feu sur les manifestants et dit avoir enregistré, selon la télévision nationale, "39 blessés graves" parmi ses rangs.

Sur Twitter, l'ambassade des États-Unis à Khartoum a elle condamné l'usage "excessif de la force".

Barrages, ponts bloqués

Dès les premières heures du matin, soldats et paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF) s'étaient positionnés en masse à Khartoum, installant des barrages volants pour empêcher les rassemblements et bloquer les ponts reliant le centre de Khartoum aux banlieues.

Malgré ces obstacles, des cortèges sont partis de nombreux quartiers aux cris de "Non au pouvoir militaire" et "À bas le Conseil" de souveraineté dirigé par le général Abdel Fattah al-Burhane, auteur du coup d'État. Dans l'est du pays, une foule de manifestants a défilé dans les rues, selon des correspondants de l'AFP sur place.

Depuis le coup d'État, 15 personnes ont été tuées et plus de 300 blessées dans la répression des manifestations, selon un bilan établi par des médecins avant cette nouvelle journée de mobilisation. Des centaines d'opposants et des militants ont été arrêtés, d'après les syndicats et autres associations prodémocratie.

Réinstallation du Conseil de la souveraineté

Avec son coup de force, le général Abdel Fattah al-Burhane a rebattu les cartes d'une transition qui battait de l'aile depuis des mois. Il a fait rafler la quasi-totalité des civils au sein du pouvoir et mis un point final à l'union sacrée entre civils et militaires qui avait clos trente ans de dictature Béchir.

Jeudi, il a acté la rupture avec la réinstallation et la réforme du Conseil de souveraineté, plus haute autorité de la transition depuis la destitution, sous la pression de la rue, du président Omar el-Béchir en 2019, qu'il avait dissous le 25 octobre.

Il a ainsi reconduit des militaires au sein du Conseil et nommé des civils apolitiques en remplacement des partisans d'un transfert complet du pouvoir aux civils.

Avec son second, le général Mohammed Hamdane Daglo, chef des RSF et accusé d'exactions graves, ils se sont engagés à "des élections libres et transparentes" à l'été 2023. Des promesses qui n'ont pas apaisé l'opposition, alors que le retour en arrière est tangible.

Lors du putsch, le général Burhane a suspendu des articles de la déclaration constitutionnelle censée encadrer la transition jusqu'aux élections. Il les a réintroduits, jeudi, mais après en avoir retiré toutes les mentions faites des Forces de la liberté et du changement (FLC), bloc civil né de la révolte populaire de 2019.

Pour Volker Perthes, émissaire de l'ONU au Soudan, "la nomination unilatérale du Conseil de souveraineté rend beaucoup plus difficile un retour aux engagements constitutionnels" de 2019.

L'armée n'a libéré que quatre ministres arrêtés lors du putsch, et le Premier ministre renversé, Abdallah Hamdok, demeure en résidence surveillée. 

Face aux appels de la communauté internationale à un retour au gouvernement civil d'avant-25 octobre, le général Burhane promet depuis plusieurs jours la formation "imminente" d'un gouvernement.

Avec AFP