logo

Guerre au Yémen : grave crise diplomatique entre quatre pays du Golfe et le Liban

Après l’Arabie saoudite et Bahreïn, les Émirats arabes unis ont rappelé, samedi, leurs diplomates au Liban. Le Koweït, de son côté, a expulsé le chargé d’Affaires libanais du pays et a rappelé son ambassadeur à Beyrouth. Une fronde en réaction à des déclarations du ministre libanais de l’Information, qui avait qualifié  d'"absurde" la guerre au Yémen menée par Riyad.

Le torchon brûle. Après l’Arabie saoudite et Bahreïn, les Émirats arabes unis ont rappelé, samedi 30 octobre, leurs diplomates à Beyrouth. Plus tôt, le Koweït avait lui aussi décidé d’expulser le chargé d’Affaires libanais du pays et de rappeler son ambassadeur au Liban, après des propos d'un ministre libanais critiquant l'intervention de l'Arabie saoudite dans la guerre au Yémen.

Les Émirats arabes unis ont rappelé leurs diplomates à Beyrouth, quatrième monarchie arabe du Golfe à prendre des mesures de rétorsion contre le Liban. Les Émirats arabes unis ont annoncé le retrait de leurs diplomates du Liban en "solidarité" avec l'Arabie saoudite. Ils ont, en outre, interdit aux citoyens émiratis de se rendre au Liban.

Le Koweït a, lui, annoncé le rappel de son ambassadeur du Liban pour consultations et "le départ du chargé d'affaires libanais sous 48 heures". Le pays a expliqué sa décision par l'"échec" du gouvernement libanais à "répondre aux propos inacceptables et répréhensibles tenus contre l'Arabie saoudite et le reste des (six pays) du Conseil de coopération du Golfe (CCG)". 

Également membre du CCG, le Qatar a condamné des propos "irresponsables". Mais il n'a pas pris de mesures de rétorsion, appelant seulement le gouvernement libanais à agir "pour surmonter les dissensions entre (pays) frères".

Riyad, principal rival régional de l'Iran et chef de file du Conseil de coopération du Golfe (qui compte l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Qatar, Bahreïn, le Koweït et Oman), avait rappelé, vendredi, son ambassadeur au Liban et demandé le départ du royaume saoudien de l'ambassadeur libanais, en réaction aux déclarations du ministre libanais de l'Information qui critiquait l'intervention de la coalition militaire dirigée par Riyad au Yémen.

L'Arabie saoudite a également décidé d'"arrêter toutes les importations libanaises", disant "regretter" la détérioration des relations bilatérales, selon un communiqué officiel. Le petit royaume de Bahreïn a lui aussi donné, samedi, 48 heures à l'ambassadeur du Liban pour quitter son territoire.

Embarras au Liban

Dans une émission télévisée datant du 5 août et diffusée lundi, Georges Kordahi, actuel ministre libanais de l'Information mais qui n'était à l'époque pas encore membre du gouvernement, avait qualifié "d'absurde" la guerre menée depuis 2015 au Yémen par la coalition militaire en appui du gouvernement, et estimé qu'il était "temps qu'elle s'arrête". 

L'ancien présentateur télé avait ajouté que les rebelles houthis, soutenus par l'Iran, se défendaient "face à une agression extérieure" et que "leurs maisons, leurs villages, leurs mariages et leurs enterrements étaient bombardés" par la coalition.

Riyad a estimé que ces propos portaient "atteinte aux efforts de la coalition" et n'étaient "pas en harmonie avec les relations historiques" entre le Liban et l'Arabie saoudite.

Georges Kordahi a souligné avoir tenu des propos reflétant son "opinion personnelle" avant sa nomination le 10 septembre. Il a assuré ne "pas avoir attaqué l'Arabie saoudite" mais s'est abstenu de présenter des excuses.

Lutte d'influence

Le Premier ministre libanais, Najib Mikati, a affirmé, vendredi, vouloir "maintenir les meilleures relations avec le royaume" et rappelé que les propos de Georges Kordahi "ne reflétaient en aucun cas la position du gouvernement". Najib Mikati s'est démarqué des propos du ministre de l'Information George Kordahi, nommé au gouvernement par un parti chrétien allié au mouvement pro-iranien Hezbollah, poids lourd de la politique libanaise, et l'a appelé implicitement à démissionner. 

Le Premier ministre libanais a dit "regretter profondément la décision du royaume" saoudien, exprimant le "rejet ferme et catégorique de tout ce qui nuit aux relations fraternelles profondes avec le royaume, qui a toujours été aux côtés du peuple libanais face à ses grands défis".

Pour les experts, la crise va au-delà des propos du ministre et reflète une lutte d'influence entre l'Iran chiite et l'Arabie saoudite sunnite, dont le Liban paie le lourd tribut.

Déclenchée en 2014, la guerre au Yémen a fait des dizaines de milliers de morts, des civils pour la plupart, et des millions de déplacés.

Selon des experts, la crise diplomatique entre Riyad et Beyrouth va au-delà des propos du ministre Kordahi sur la guerre au Yémen, reflétant une lutte d'influence entre l'Iran et l'Arabie saoudite, dont le Liban paie le lourd tribut en plein effondrement économique.

Avec AFP