Critique de longue date du président Paul Kagame, Paul Rusesabagina, qui a sauvé plus de 1 200 personnes lors du génocide au Rwanda et dont le parcours a inspiré le film "Hôtel Rwanda", a été condamné lundi par un tribunal rwandais pour "terrorisme".
Héros pour Hollywood, "terroriste" pour Kigali. Paul Rusesabagina, ancien hôtelier dont l'histoire a inspiré le film "Hotel Rwanda" et devenu un féroce critique du président Paul Kagame, a été condamné, lundi 20 septembre, à 25 ans de prison pour "terrorisme", au terme d'un procès qualifié de "politique" par ses soutiens.
L'ancien directeur de l'Hôtel des Mille Collines à Kigali, connu pour avoir permis le sauvetage de plus d'un millier de personnes durant le génocide de 1994 au Rwanda, a été reconnu coupable d'avoir formé et financé le Front de libération nationale (FLN), groupe rebelle accusé d'avoir mené des attaques meurtrières au Rwanda en 2018 et 2019.
La prison à vie avait été requise contre lui mais le tribunal a décidé "de réduire sa peine à 25 ans", a déclaré la juge Beatrice Mukamurenzi, en affirmant que Paul Rusesabagina "a reconnu certains des crimes et s'en est excusé" et qu'il s'agit de sa première condamnation.
Mais "étant donné qu'il ne s'est pas rendu à son procès, il ne peut y avoir de réduction de ces 25 ans", a précisé Beatrice Mukamurenzi, l'une des trois juges du tribunal de Kigali, en référence au boycott des audiences par l'accusé et sa défense depuis mars.
Il s'agit de la peine la plus lourde prononcée lors de ce procès. Les 20 autres accusés ont écopé de peines allant de 3 à 20 ans. Ni Rusesabagina, qui a 30 jours pour faire appel, ni ses avocats n'étaient présents à la lecture du verdict. Ils ont boycotté les audiences depuis mars, dénonçant un procès "politique" rendu possible par son "enlèvement" organisé par les autorités rwandaises, ainsi que des mauvais traitements en détention.
"Enlèvement"
Sa fille adoptive Carine Kanimba a déploré auprès de l'AFP un verdict "décidé" par le président Paul Kagame, qu'elle accuse d'avoir "kidnappé" son père pour l'amener à Kigali.
La Belgique, dont Paul Rusesabagina est ressortissant et où il vivait en exil, a estimé qu'il n'a "pas bénéficié d'un procès juste et équitable".
Les États-Unis, qui lui ont décerné la médaille présidentielle de la liberté en 2005, se sont dit "préoccupés" par cette condamnation. "L'absence de garanties d'un procès juste remet en cause l'équité du verdict", a indiqué le porte-parole de la diplomatie américaine, Ned Price
Paul Rusesabagina, 67 ans, a été rendu célèbre par le film "Hôtel Rwanda" sorti en 2004, qui a raconté comment ce Hutu modéré a sauvé plus de 1 000 personnes réfugiées dans son établissement durant le génocide de 1994 qui a fait 800 000 morts, principalement des Tutsi.
Après avoir été arrêté dans des conditions controversées à Kigali en août 2020, ce virulent opposant à Paul Kagame a été jugé de février à juillet pour neuf chefs d'accusation, dont celui de "terrorisme".
Paul Rusesabagina a admis avoir participé à la fondation en 2017 du Mouvement rwandais pour le changement démocratique (MRCD), dont le FLN est considéré comme le bras armé, mais il a toujours nié toute implication dans ces attaques. "Le MRCD-FLN a commis des actes terroristes. Le MRCD ne peut être séparé des actes militaires" du FLN, a déclaré Beatrice Mukamurenzi.
Ni Rusesabagina, qui a 30 jours pour faire appel de ce jugement, ni ses avocats n'étaient présents à la lecture du verdict. Ils ont boycotté les audiences, dénonçant un procès "politique" rendu possible par son "enlèvement" organisé par les autorités rwandaises, ainsi que des mauvais traitements en détention.
Dans une interview début septembre, le président rwandais Paul Kagame avait répondu aux critiques, assurant que Paul Rusesabagina serait "jugé aussi équitablement que possible".
Témoignages contradictoires
Paul Rusesabagina est depuis plus de 20 ans un virulent opposant à Paul Kagame, qu'il accuse d'autoritarisme et d'alimenter un sentiment anti-Hutu. Il vivait depuis 1996 en exil aux États-Unis et en Belgique, avant d'être arrêté à Kigali en 2020 dans des circonstances troubles, à la descente d'un avion qu'il pensait à destination du Burundi.
Le gouvernement rwandais a admis avoir "facilité le voyage" vers Kigali, mais affirmé que l'arrestation était "légale" et que "ses droits n'ont jamais été violés".
Les cinq mois d'audience ont vu des témoignages contradictoires sur son rôle.
Un porte-parole du FLN a déclaré qu'il n'avait "pas donné d'ordres aux combattants du FLN". Un autre coaccusé a, lui, affirmé que tous les ordres venaient de lui.
La notoriété hollywoodienne de Paul Rusesabagina avait suscité des critiques. Certains survivants des Mille Collines lui reprochent, notamment, d'avoir tiré profit de leur malheur et d'avoir embelli son rôle.
Il avait également utilisé sa célébrité pour donner un écho mondial à ses positions de plus en plus virulentes contre le régime de Paul Kagame, ce qui lui vaut des attaques de partisans du régime.
Avec AFP