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Soupçonné de "tortures" et de "génocide", le leader du mouvement indépendantiste Front Polisario, Brahim Ghali, a été interrogé, mardi, par un juge depuis l'hôpital espagnol où il est soigné pour Covid-19. Il a nié toute responsabilité lors de cette audience. 

Le chef des indépendantistes sahraouis du Front Polisario, visé par deux plaintes pour "tortures" et "génocide", a nié toute responsabilité devant le juge qui l'auditionnait, mardi 1er juin, en Espagne. Ce dernier n'a par ailleurs pris aucune mesure coercitive à son égard, le laissant libre de quitter le pays, où sa présence, pour raison médicale, est à l'origine d'une crise majeure entre Rabat et Madrid.

Hospitalisé depuis le mois d'avril à Logroño pour des complications liées au Covid-19, Brahim Ghali a été interrogé en visioconférence, depuis l'hôpital de cette ville du nord de l'Espagne, par un juge du haut tribunal madrilène de l'Audience nationale.

Le juge ne s'est pas encore prononcé sur la suite de son enquête, mais le chef du Front Polisario n'a pas été inculpé à ce stade. Et à l'issue de cette audition fermée au public, le juge n'a prononcé, dans sa décision consultée par l'AFP, aucune mesure coercitive à son encontre, estimant qu'il n'existe "pas de risque de fuite avéré".

Les accusations qui visent Brahim Ghali "sont totalement fausses" et résultent d'un "objectif totalement politique visant la crédibilité du peuple sahraoui", a affirmé devant la presse son avocat, Manuel Olle, en laissant entendre que Rabat pourrait être, selon lui, derrière ces plaintes. Le chef du Polisario devra uniquement fournir une adresse et un numéro de téléphone en Espagne pour pouvoir être localisé.

Selon des sources judiciaires, rien n'empêche théoriquement Brahim Ghali de quitter l'Espagne – un scénario craint par Rabat et par les plaignants.

Citant des sources policières, le média en ligne El Confidential a affirmé qu'un avion du gouvernement algérien, soutien du Polisario, avait décollé mardi matin en direction de Logroño pour récupérer le leader sahraoui, avant d'être dérouté à mi-chemin. Interrogée à ce sujet, la porte-parole du gouvernement espagnol Maria Jesus Montero a indiqué "ne pas avoir connaissance d'un quelconque vol qui aurait été renvoyé ou arrêté".

Sujet extrêmement sensible, l'audition du chef du Polisario a été scrutée en Espagne et au Maroc après plus d'un mois de tensions au plus haut niveau avec, en point d'orgue, l'arrivée mi-mai de près de 10 000 migrants dans l'enclave espagnole de Ceuta.

Une plainte déposée par un dissident du Front Polisario

À l'origine de cette audition, une plainte "pour arrestation illégale, tortures et crimes contre l'humanité" déposée en 2020 par Fadel Breika, dissident du Front Polisario naturalisé espagnol, qui affirme avoir été victime de "tortures" dans les camps de réfugiés sahraouis à Tindouf, en Algérie. Classée, cette plainte a été rouverte en début d'année.

Datant de 2007, le deuxième dossier sur lequel sera entendu Brahim Ghali, lui aussi précédemment classé, a été rouvert à la faveur de la présence en Espagne du chef du Polisario. 

Il s'agit d'une plainte déposée en 2007 par l'Association sahraouie pour la défense des droits de l'Homme (ASADEDH) pour "génocide", "assassinat", "terrorisme", "tortures" ou "disparitions", commis là encore dans les camps de Tindouf, d'après cette organisation basée en Espagne.

Estimant qu'il n'y avait "pas d'indices clairs" de la participation" de Brahim Ghali aux délits décrits dans cette deuxième plainte, le juge a refusé de confisquer ses papiers au chef du Polisario pour l'empêcher de quitter l'Espagne, comme le réclamaient les plaignants.

Brahim Ghali avait déjà été cité à comparaître dans le cadre de cette plainte en 2016, alors qu'il devait se rendre en Espagne pour y participer à une conférence de soutien au peuple sahraoui, mais il avait finalement annulé son voyage.

Le Maroc demande une enquête

Lundi, le ministère marocain des Affaires étrangères a averti que la crise n'allait "pas se résoudre avec la seule audition" du chef du Polisario et réclamé de nouveau une enquête "transparente" sur les conditions de son arrivée en Espagne alors que le Maroc l'accuse d'avoir voyagé "avec un passeport falsifié". 

Dans une nouvelle série d'échanges vigoureux, Rabat a par ailleurs souligné que cette crise était "un test pour la fiabilité" du partenariat entre les deux pays.

"En danger de mort", le chef du Polisario est arrivé en Espagne, selon le quotidien El Pais, dans le plus grand secret le 18 avril, à bord d'un avion médicalisé de la présidence algérienne et muni d'un "passeport diplomatique". 

Il a ensuite été admis à l'hôpital de Logroño sous un faux nom "pour des raisons de sécurité", ce qui a amené le juge à envoyer, début mai, des policiers sur place pour vérifier son identité et l'informer de sa convocation.

Avec AFP