Après deux semaines d'offensive, les rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), accusés d'être responsables de la mort du maréchal Idriss Déby, ont annoncé samedi qu'ils étaient "disponibles à observer un cessez-le-feu". Les partis d'opposition et la société civile crient au "coup d'état institutionnel" et réclament l'instauration d'une transition dirigée par les civils.
Les rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT) appellent à une pause dans les combats qui l'opposent à l'armée tchadienne. Le chef des rebelles, qui mènent depuis deux semaines une offensive contre le régime, a assuré samedi 24 avril qu'ils étaient "disponibles à observer un cessez-le-feu" et s'est dit en faveur d'une solution politique.
Mais Mahamat Mahadi Ali, le chef du FACT, a aussi affirmé que ses troupes continuaient de se faire bombarder par l'armée tchadienne. La dernière fois samedi, en début de matinée.
"Ce sont des rebelles, c'est pourquoi on les bombarde […]. On fait la guerre, c'est tout", a réagi auprès de l'AFP Azem Bermandoa Agouna, le porte-parole du Conseil militaire de transition (CMT), présidé par Mahamat Idriss Déby, fils du défunt président mort au combat et nouvel homme fort du Tchad.
Les insurgés du FACT, un groupe formé en 2016 par des officiers militaires dissidents, ont pénétré le 11 avril dans le nord du Tchad depuis leur base en Libye et avancé vers le Sud. Ils se trouvaient la semaine dernière à 200-300 kilomètres au nord de N'Djamena, avant d'être repoussés par les forces tchadiennes et de déclarer une trêve pour les funérailles.
Lundi 19 avril, l'armée tchadienne avait assuré avoir "détruit" la colonne de rebelles et tué 300 combattants. Le lendemain, le porte-parole de l'armée annonçait qu'Idriss Déby, qui menait le troisième pays le moins développé du monde d'une main de fer depuis 30 ans, était mort des suites de blessures au front dans le nord contre des rebelles.
Les funérailles d'Idriss Déby
Le fils du défunt Maréchal Déby, Mahamat Idriss Déby, général quatre étoiles à 37 ans et jusqu'alors commandant de la Garde républicaine, la garde prétorienne du régime, est le nouvel homme fort du Tchad, entouré de quatorze des plus fidèles généraux de son père.
Il dispose des pleins pouvoirs, mais a promis de nouvelles institutions après des élections "libres et démocratiques" dans un an et demi. Le FACT avait refusé "catégoriquement" cette transition militaire, et annoncé son intention de marcher sur la capitale tchadienne.
Vendredi, une douzaine de chefs d'État étaient réunis sur la place de la Nation, au cœur de N'Djamena, pour rendre un dernier hommage au maréchal Déby, partenaire clé des Occidentaux dans la région dans la lutte contre les jihadistes.
Parmi eux, le président français, Emmanuel Macron, qui, comme ses homologues des pays du Sahel, a apporté son soutien à la junte militaire. "La France ne laissera jamais personne, ni aujourd'hui, ni demain, remettre en cause la stabilité et l'intégrité du Tchad", a promis Emmanuel Macron dans son oraison funèbre.
"Coup d'État institutionnel"
Mais il a appelé le CMT à promouvoir la "stabilité, l'inclusion, le dialogue, la transition démocratique".
"On s'en tient à ce qu'a dit Emmanuel Macron, un dialogue inclusif pour discuter de l'avenir du peuple. Nous croyons à sa capacité de faire évoluer la situation", a assuré le chef du FACT, Mahamat Mahadi Ali, à l'AFP.
"Nous sommes sur la même longueur d'onde que l'opposition et la société civile", a également affirmé le leader du groupe rebelle.
Depuis la prise de pouvoir du CMT, les partis d'opposition et la société civile crient au "coup d'état institutionnel" et réclament l'instauration d'une transition dirigée par les civils à travers un dialogue inclusif".
"Nous refusons les faits accomplis et dénions à la junte militaire la légitimité politique de gérer le pays, pour cause de prise de pouvoir par la force, contraire au droit national et aux engagements africains et internationaux du Tchad […]. Les forces vives entendent par dialogue inclusif l'implication et la participation de tous les acteurs qu'ils aient ou non pris les armes pour conquérir le pouvoir", ont ainsi déclaré samedi plusieurs associations de la société civile et partis politiques regroupés au sein du collectif "Wakit Tama".
"Dans transition civilo-militaire, la tête doit être civile et les militaires doivent s'occuper des questions sécuritaires", a expliqué samedi à l'AFP Succès Masra, l'un des opposants les plus farouches du régime, reprenant le terme utilisé par Emmanuel Macron.
La confédération indépendante des syndicats du Tchad (CIST) regroupant les principales associations syndicales des enseignants s'est également élevée samedi contre "un recul très grave de la démocratie" avec la prise de pouvoir de la junte militaire, et ont exigé "un retour à l'ordre constitutionnel" avec "la tenue d'un forum national inclusif regroupant toutes les couches sociopolitiques de la nation". L'ordre des avocats du Tchad "désapprouve" pour sa part cette transition "mise en place au mépris total des textes et règlements en vigueur".
La Fédération Internationale pour les Droits Humains (FIDH) exprimait vendredi ses "plus vives inquiétudes face à ce qui lui semble davantage s'apparenter à l'organisation d'une succession pour la poursuite de l'accaparement du pouvoir".
Avec AFP et Reuters