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Petra De Sutter, Vice-PM belge : "Évitons le nationalisme vaccinal, comme partout dans le monde"

Cette semaine, "Ici l’Europe" se tourne vers la Belgique. Ce pays de 11,5 millions d’habitants, et dont la capitale, Bruxelles, est aussi celle de l'Union européenne, a été le premier à être endeuillé par l’épidémie de Covid-19. Il est aussi violemment touché par la crise économique, donc très soutenu par l’Union européenne pour sa relance. Nous en parlons avec Petra De Sutter, vice-Première ministre d'un gouvernement formé il y a quatre mois et composé d’une large coalition de sept partis, de droite et de gauche en passant par l’écologie.

Vaccins

Alors que la Commission européenne est critiquée pour sa gestion des commandes de vaccins et accuse Astrazeneca de ne pas respecter son contrat de livraison, Petra De Sutter rappelle que "l’Union européenne a commandé près de 2 milliards de vaccins pour la population" et espère que les États-membres comprennent que le fait que "les achats ont été faits en groupe par l’Europe" "a permis de meilleures négociations, de meilleurs prix, des meilleures conditions, etc".

Elle tient également à souligner "la bonne stratégie" de l’Union européenne qui "a fait le choix de plusieurs vaccins avec plusieurs producteurs pharmaceutiques". Selon elle, il faut avoir "des contrats avec plusieurs producteurs pour avoir autant de vaccins possibles, qui travaillent de façons différentes", afin de "permettre à tous les Etats membres d’avoir accès aux vaccins de la même façon sans qu’il y ait de ‘nationalisme’ des vaccins, comme on voit un peu ce qu’il se passe dans d’autres pays dans le monde". 

Interrogée sur le fait qu’aucun contrôle des Autorités de Santé de l’Union européenne n’a à ce jour été fait dans l’usine Astrazeneca de Seneffe en Belgique, elle tient à rappeler que "l’on est au milieu de ce processus" et qu’il "est un peu difficile de déjà conclure" et préconise "d’attendre, vraiment contrôler, comme cela a maintenant été demandé, pour regarder si en effet les livraisons sont faites selon ce qui a été promis."

Cette affaire ravive les tensions entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, accusé justement de ‘nationalisme vaccinal’ pour des contrats avec Astrazeneca qu’il a négociés plus tôt et plus cher, amenant la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen à suggérer de bloquer les exportations de vaccins vers l’Irlande du Nord. La présidente de la Commission a par la suite reconnu une erreur et Petra de Sutter tient à rappeler "tous les efforts qui ont été faits dans les accords pour le Brexit afin d’éviter de réinstaller une frontière dure entre l’Irlande et l’Irlande du Nord" et insiste sur le fait que "ce serait très dommage qu’il y ait une tension créée à cause des vaccins." Mais c’est selon elle "un problème temporaire". Elle espère "que très vite le nombre de vaccins produits va augmenter et va satisfaire à la demande et pour l’Union européenne et pour le Royaume Uni et qu’après, cela sera une discussion du passé".

Gestion de la crise sanitaire

Depuis le début de la crise sanitaire, la gestion des confinements par chacun des 27 États-membres s’est faite en ordre dispersé, et un manque de coordination est reproché à l’Union européenne. Petra De Sutter soulève la question : "Est-ce que l'Europe doit avoir les compétences au niveau européen pour prendre des décisions ou est-ce que c’est aux États-membres ?" Elle qui était députée européenne jusqu’en septembre dernier se souvient qu’alors, "la coordination était la première demande que l’on faisait dans le premier confinement".  Maintenant qu’elle est "de l’autre côté", elle "comprend très bien la tension, la volonté aussi des États-membres de pouvoir quand même avoir une certaine autonomie dans leur gestion de crise".

L’une des questions qui se posent d’ailleurs dans bon nombre d’entre eux est la situation des jeunes. Est-on en train de sacrifier la jeunesse d’Europe, sa santé mentale, son avenir pour protéger les plus âgés ? À cette question, Petra De Sutter répond qu’il faut "absolument éviter la polarisation entre les générations" et réfléchir "à ouvrir un petit peu ce qui est possible pour les jeunes", ainsi qu’à "augmenter les aides psychologiques, médicales ou psychiatriques si c’est nécessaire pour certains et faciliter, financer tout ça" car "c’est tout à fait juste que les jeunes souffrent".

Elle tient par ailleurs à rappeler que tous les pays sont "confrontés aux mêmes problèmes, aux mêmes tensions, aux mêmes demandes de la population et aux mêmes limites de la circulation du virus, des vaccins qui n’arrivent pas" et que cela "devrait inciter un peu à la modestie et à la solidarité parmi les pays européens."

Plan de relance et écologie

La Belgique, pays le plus touché d’Europe en nombre de morts du Covid-19 par habitants, s’est récemment félicitée d’une diminution des hospitalisations. Elle concède qu’ils ont été "près des pires élèves de la classe" au début, mais souligne qu’aujourd’hui, ils sont "près des meilleurs élèves de la classe". Dans le cadre du plan de relance, la Commission européenne octroie à la Belgique près de 6 milliards d’euros, à la condition qu’elle adopte des réformes structurelles, notamment sur l’aspect environnemental. En tant que ministre issue des Verts, Petra De Sutter s’en réjouit et réfute toute critique consistant à dire qu’il ne s’agirait que d’un saupoudrage symbolique. Elle rappelle que, "même avant la crise Covid, le Green deal et le Digital étaient vraiment les deux éléments les plus importants sur l’agenda de l’Union européenne". Pour sortir de cette "crise psychosociale et socio-économique, il faut des mesures structurelles, des investissements. C’est un peu comme le plan Marshall après la deuxième guerre mondiale", dit-elle, insistant sur le fait que l’on "doit aller vers les ambitions climatiques, donc la réduction du CO2 et la digitalisation, dans tous les projets qui sont soumis actuellement dans le projet de relance pour l’Europe".

Discrimination

Le 1er octobre dernier, Petra De Sutter est devenue la première ministre transgenre d’Europe. Interrogée sur la discrimination dont sont victimes les personnes transgenre, elle regrette profondément que partout dans le monde, "des personnes transgenre, mais aussi homosexuelles et issues d’autres minorités soient encore discriminées et victimes de violences et de haine". Pour elle, cette affaire relève de son passé et c’est "résolu personnellement", mais "le combat n’est pas terminé". Elle reconnaît que pour beaucoup de personnes, elle est "quand même quelque part un exemple". "Si des gens ont besoin d’être inspirés, je suis volontaire pour prendre ce rôle", conclut-elle.

Émission préparée par Céline Schmitt et Perrine Desplats