Auteur d’une énième démonstration dimanche sur les pentes du Grand Colombier, la formation néerlandaise Jumbo-Visma et son leader Primoz Roglic écrasent le Tour de France 2020. Pensé pour battre les favoris d’Ineos, le succès de l'équipe jaune et noir n’est pas étonnant mais fait quand même lever des sourcils dans le peloton.
Lorsque le Tour de France arrive dans l’ascension finale de la 15e étape, dimanche 13 septembre, le peloton est déjà passé à l’essoreuse et est réduit à une petite trentaine d’individus. Parmi eux, une formation est encore surreprésentée : la Jumbo-Visma du maillot jaune Primoz Roglic qui dispose encore de 5 équipiers pour l’épauler alors que les autres formations se contentent d’essayer de survivre à l’exigeante étape jurassienne.
Cette démonstration n'est la première des Jaunes et Noirs sur le Tour mais elle est l'illustration même de leur écrasante supériorité. En deux semaines, leur bilan ferait déjà pâlir d'envie la plupart des formations : un maillot jaune fermement ancré sur les épaules de Primoz Roglic depuis sept jours, trois victoires d'étapes (une pour le leader et deux pour le prodige Wout Van Aert), trois podiums et une dixième place au classement général un peu plus anecdotique pour Tom Dumoulin. Surtout, la vorace Jumbo-Visma semble écraser la course de tout son poids en ne laissant à ses adversaires que les miettes.
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Un "cyclisme total"
Dans un entretien à l'Équipe, Richard Plugge, le manager de l'équipe depuis 2015, développait début septembre sa vision du cyclisme. Avec la Jumbo-Visma, il espère mettre en place un "cyclisme total" en référence au "football total" conçu dans les années 1970 par l’Ajax Amsterdam et la sélection des Pays-Bas sous l'impulsion de Johan Cruyff.
"On peut être devant, tout le temps. L’équipe nationale néerlandaise jouait collectif et tout le monde était au plus haut niveau, c’est ce que nous voulons faire", explique-t-il.
Depuis 2019, l'équipe s'est attachée à analyser au prix de centaines d'heures de séances vidéo ce qui faisait la suprématie de Ineos Grenadiers (anciennement Ineos et Sky), dont les coureurs ont remporté sept des huit derniers Tour de France.
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La Jumbo-Visma voulait procéder par copier-coller en alignant un triumvirat de leaders capables de remporter l'épreuve : Primoz Roglic, Steven Kruiijswik (3e l'an dernier) et Tom Dumoulin (vainqueur du Giro 2017). Mais la blessure du second l’a contraint à revoir ses plans en misant tout sur le Slovène, tout comme la relative méforme de Dumoulin mué en équiper quatre étoiles pour Roglic dans les dernières rampes montagneuses.
Collectif hors du commun et gains marginaux
Le reste du collectif néerlandais est tout aussi impressionnant : Amund Jansen, solide rouleur pour protéger l'équipe sur le plat, Tony Martin, capitaine de route capable d'imposer le respect à tout le peloton comme lors de la 1ere étape lorsqu'il a demandé une neutralisation tacite de la course en raison des conditions climatiques chaotiques, Robert Gesink, l'ancien espoir du cyclisme néerlandais, George Benett qui dans bien d'autres formations prétendrait à la place de leader, Wout Van Aert, le prodige belge qui a brillé sur les classiques an août et enfin Sepp Kuss, le jeune Américain, garde du corps de Roglic en montagne.
Tout comme les Ineos, la Jumbo-Visma est également un adepte des "gains marginaux", ces petits détails au niveau nutrition, récupération ou encore mécanique qui ne semblent pas affecter la course mais qui, mis bout à bout, permettent une différence de performance.
"On essaie d’être les plus professionnels possibles dans tous les domaines et d’obtenir l’implication maximale de tous les membres de l’équipe", explique Richard Plugge. "On doit progresser en savoir-faire et en expérience. Les Ineos sont devant dans ces domaines. Eux, ils savent comment gagner un grand Tour. Nous, on n'a pas encore gagné le Tour de France. C'est une marche à franchir et elle est haute. Toutes les petites erreurs se paient…"
Le peloton grince des dents
Une haute marche à franchir mais qui semble plus que jamais à portée de la Jumbo-Visma à moins d'une semaine du dénouement de la Grande Boucle. Mais, dans un sport dont l'histoire est marquée par les scandales de dopage, une telle supériorité fait grincer des dents. Surtout lorsqu'on voit un simple puncheur comme Wout Van Aert, aussi talentueux soit-il, être capable de décrocher les meilleurs grimpeurs dans le Grand Colombier. Et que dans le même temps on voit l’un des favoris de chez Ineos, Egan Bernal, vainqueur l'an dernier, finir l'étape du Puy Mary recroquevillé en boule sur son vélo alors que selon ses dires, ses chiffres sont au moins aussi excellents que l'an dernier.
Bernal después de hacer su trabajo ???????? pic.twitter.com/bwqfkH1pGM
— Egan Arley Bernal (@Eganbernal) September 11, 2020"On rêve tous de connaître leur secret", commente, amer, un coureur qui préfère rester anonyme dans Libération. "Il faut espérer qu’ils se couchent dans la troisième semaine [du Tour de France]. Normalement, ils devraient se coucher. Normalement…", soupire un autre.
"Nous avons une politique antidopage très stricte. Je crois que tout le monde a appris du passé", corrige Richard Plugge. Un passé qui peut être lourd à porter. La Jumbo-Visma est l'héritière de la très sulfureuse Rabobank, l'équipe néerlandaise au sein de laquelle le dopage était institutionnalisé entre 1996 et 2012. Et les mauvaises langues rappellent que le confinement a mis à mal la stratégie antidopage de L'Union cycliste international.
L’équipe a refusé – tout comme la moitié des équipes du World Tour (10 sur 19) – d’adhérer au Mouvement pour un cyclisme crédible (MPCC), qui s'engage pour un cyclisme "propre" dans le pur respect de l'éthique de l'UCI. Le maillot jaune slovène, Primoz Roglic, est lui-même entouré d'un climat de suspicion. Cet ancien sauteur à ski n'a jamais été directement cité dans une affaire mais le grand manitou du cyclisme slovène Milan Erzen, son ancien manager chez Adria-Mobil, a été cité dans l'opération Aderlass, une vaste enquête sur un réseau de dopage.
Interrogé par les journalistes sur la crédibilité de sa victoire, le leader slovène ne s'est pas énervé, gardant le même masque impassible qu'il affiche dans les pires pourcentages en montagne. "Je n'ai rien à cacher, et pour ce qui me concerne, vous pouvez me faire confiance", a-t-il dit, garantissant "que nous n'avons pas à nous inquiéter de sa crédibilité" avant de rappeler la sévérité des contrôles.
Roglič interrogé par un journaliste sur question de la crédibilité de sa performance, répond:
"Il y a beaucoup de contrôles [...] Je crois qu’il n’y a rien à cacher, et au moins en ce qui me concerne, vous pouvez avoir confiance"
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"On passe beaucoup de contrôles", a expliqué le Slovène. "À 6 heures ce matin (avant la 15e étape, NDLR), j'ai eu un contrôle complet. J'en ai eu un autre après l'arrivée de l'étape. Vu de mon côté, ça se passe très bien".