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Le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo s'est rendu, jeudi, au siège de l'ONU, à New York, pour déclencher le mécanisme dit de "snapback", visant à rétablir les sanctions internationales contre Téhéran. La France, l'Allemagne et le Royaume-Uni se sont opposés à cette initiative. Une bataille juridique s'annonce.

Duel américano-européen à l'ONU. Les États-Unis ont formellement activé, jeudi 20 août, une procédure controversée pour réclamer le rétablissement dans un mois des sanctions internationales contre l'Iran. Ils se sont heurtés au refus catégorique de leurs alliés européens.

Le ton est monté comme rarement entre les deux rives de l'Atlantique, le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo, allant jusqu'à accuser nommément la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne d'avoir "choisi de s'aligner sur les ayatollahs" au pouvoir dans la République islamique.

En déplacement à New York, siège de l'ONU, le secrétaire d'État américain a "notifié au Conseil de sécurité" un "non-respect notable par l'Iran de ses engagements" prévus par l'accord conclu à Vienne en 2015 pour l'empêcher de se doter de l'arme nucléaire.

Bataille juridique

Les États-Unis précisent déclencher ce mécanisme, dit "snapback", en tant que pays "participant" à l'accord de Vienne. La résolution 2231 du Conseil de sécurité qui l'avait entériné désignait en effet comme "participants" tous les signataires initiaux, c'est-à-dire les États-Unis, la Chine, la Russie, la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Iran.

Le président américain Donald Trump ayant claqué la porte en 2018 de ce compromis international, la capacité de Washington à se prévaloir de ce statut est cependant contestée sur le plan juridique par la plupart des autres pays, y compris ses alliés européens.

"La France, l'Allemagne et le Royaume-Uni notent que les États-Unis d'Amérique ont cessé d'être un participant" lors "de leur retrait de l'accord le 8 mai 2018", ont réagi les diplomaties des trois pays dans un communiqué commun. "Nous ne pouvons donc pas soutenir cette initiative", ont-elles ajouté. Elles ont souligné vouloir toujours, "en dépit des défis majeurs engendrés par le retrait des États-Unis", "préserver" l'accord signé il y a cinq ans et présenté à l'époque comme l'unique chance d'empêcher un Iran nucléaire.

"Nulle et non avenue"

La représentation chinoise à l'ONU a aussi estimé que les États-Unis étaient un pays "non participant" à l'accord et que la lettre de Mike Pompeo ne pouvait donc pas "être considérée comme une activation du snapback". Même son de cloche côté russe, où l'on considère le "snapback" comme "inexistant".

La notification américaine "est nulle et non avenue", a tranché sur Twitter le vice-ministre iranien des Affaires étrangères Abbas Araghchi, constatant que tous les autres signataires de 2015 étaient sur la même ligne.

"Échec du leadership"

Donald Trump, qui juge au contraire cet accord "désastreux" et promet d'en obtenir un "meilleur" en exerçant une "pression maximale" sur Téhéran, a déjà rétabli et même durci toutes les sanctions américaines. En riposte, les autorités iraniennes ont commencé à revenir sur leurs engagements nucléaires, notamment en termes d'enrichissement d'uranium.

Tout en reconnaissant les "efforts extensifs et la diplomatie exhaustive" menés par les Européens pour ramener la République islamique dans le droit chemin, ses violations "persistent", affirme dans sa lettre Mike Pompeo, estimant que "les États-Unis n'ont donc aucun autre choix" que d'activer le "snapback".

Il reproche à Paris, Londres et Berlin de n'avoir pas voté, la semaine dernière, en faveur de la résolution américaine pour prolonger l'embargo sur les armes conventionnelles visant l'Iran, qui expire en octobre. Le texte n'a été approuvé que par deux pays du Conseil de sécurité sur 15.

"Leurs actes mettent en danger le peuple d'Irak, du Yémen, du Liban, de Syrie, et aussi leurs propres concitoyens", a lancé Mike Pompeo à l'égard des Européens. "L'Amérique ne va pas se joindre à cet échec du leadership", a-t-il martelé.

Plainte bientôt classée sans suite ?

Théoriquement, le "snapback", un processus complexe prévu par la résolution de 2015, devrait permettre le retour du reste des mesures punitives internationales dans 30 jours, de manière presque automatique. Parmi elles, l'embargo sur les armes et les sanctions liées à l'enrichissement d'uranium. Mais, selon plusieurs observateurs, l'ambassadeur indonésien pourrait, après consultation des autres membres du Conseil, classer sans suite la plainte américaine.

Donald Trump pourrait néanmoins clamer dans 30 jours – au moment de l'Assemblée générale des Nations unies – que les sanctions internationales sont à nouveau en vigueur. Cela augure de vifs débats et batailles juridiques, voire judiciaires.

Si les sanctions étaient de facto de retour, l'Iran pourrait acter la mort définitive de l'accord de 2015. Mais il pourrait aussi décider d'attendre de voir si Donald Trump remporte un second mandat à la présidentielle du 3 novembre. En attendant, Washington est plus isolé que jamais sur ce dossier, et le Conseil de sécurité plus divisé que jamais.

Avec AFP