Il y a 100 ans, à Anvers, en Belgique, étaient organisés les VIIe Jeux olympiques de l'ère moderne. Deux ans après la fin de la Première Guerre mondiale, ils symbolisaient le retour à la paix.
"Après quatre années passées sous la férule allemande, Anvers ayant retrouvé toute sa sérénité d'antan a pu recevoir les délégués de toutes les nations du monde, de celles qui défendirent de leur sang ou de leur propagande la grande cause de la liberté". Il y a 100 ans, dans son édition du 15 août, le journal Le Matin décrit avec exaltation la cérémonie d'ouverture des VIIe Jeux olympiques de l'ère moderne qui vient d'avoir lieu dans la ville belge d'Anvers. "Une salve de sept coups de canon retentit et un vol de pigeons voyageurs s'élève au ciel, tandis qu'au-dessus de l'arc de triomphe du stade est hissé le drapeau blanc olympique aux cinq anneaux enlacés", peut-on également lire dans le quotidien Le Temps.
Anvers, ville martyr
Deux ans à peine après l'armistice qui a mis fin à la Première Guerre mondiale, les hommes ne s'affrontent plus sur le champ de bataille, mais dans l'arène sportive. La dernière compétition remonte à Stockholm en 1912. Les Jeux de la VIe Olympiade devaient se dérouler à Berlin, mais ont été annulés en raison du conflit. Quatre ans après, Anvers n'a pas été choisi par hasard. La cité flamande, ville martyr, a été désignée à l'unanimité en avril 1919, lors du congrès de Lausanne, en tant que symbole de la résistance belge face à l'attaque allemande de 1914. Alors que les canons de la Grande Guerre se sont tus, cette olympiade se veut celle de la paix. Pour autant, comme le rappelle le journal L'Œuvre, les "ennemis d'hier" ne prennent pas part à la fête. Grands perdants du conflit, l'Allemagne, l'Autriche, la Hongrie, l'Empire Ottoman et la Bulgarie en ont été exclus. Au total, 29 pays des cinq continents sont représentés.
Dans le stadium d'Anvers, la cérémonie d'ouverture est éminemment politique. Au cours du défilé des athlètes, les Français, auréolés de la récente victoire militaire, sont particulièrement applaudis, selon Le Matin. "Jamais nos représentants, élégamment habillés de blanc avec col bleu et béret blanc à la cocarde tricolore crânement portée, ne reçurent pareille ovation", raconte avec une tonalité très patriotique l'envoyé spécial. La sélection bleu-blanc-rouge est la plus importante avec 409 participants, "une véritable armée", comme le souligne le magazine La Vie au grand air.
Tous les athlètes regroupés à Anvers sont représentés par le nageur belge Victor Boin qui, pour la première fois de l'histoire des JO, prononce le serment olympique. "Le récitant déclare n'avoir jamais contrevenu aux lois de l'honneur et ne travailler que pour la gloire la plus pure du sport", relate l'Excelsior. Le drapeau olympique flotte aussi pour la première fois dans le stade. Il a été imaginé en 1913 par le Français Pierre de Coubertin, à l'origine de la rénovation des Jeux et représente les cinq parties du monde.
Des exploits sportifs
Mais avec seulement quelques mois de préparation, les organisateurs belges n'ont pas pu faire de miracles. Alors que le pays se remet à peine de quatre ans d'occupation, les conditions sont rudimentaires. "Bon nombre des 2 626 athlètes en lice, originaires de 29 pays, ont dû dormir sur des lits de camp pendant toute la durée des Jeux", rappelle le site officiel du Comité international olympique (CIO).
Cela ne les empêche pas de réaliser des exploits. Cent ans après, les noms de grands champions résonnent encore. La nageuse américaine Ethelda Bleibtrey marque la compétition de son empreinte en remportant des médailles d'or dans toutes les épreuves inscrites au programme de natation féminine, battant au passage trois records du monde. Elle "inspire des générations d'athlètes féminines", souligne le CIO.
Sur la piste d'athlétisme, c'est Paavo Nurmi, surnommé le "Finlandais volant", qui se distingue en décrochant trois médailles d'or et une médaille d'argent, prélude à une carrière olympique exceptionnelle. Le tireur suédois de 72 ans Oscar Swahn restera également dans l'histoire comme l'athlète le plus âgé à avoir remporté une médaille olympique, en décrochant une médaille d'argent. Du côté français, la délégation se classe au 8e rang avec 9 médailles d'or, 19 d'argent et 13 de bronze. La tenniswoman Suzanne Lenglen se démarque tout particulièrement avec trois médailles, dont les titres du simple dames et du double mixte. Son compatriote Joseph Guillemot réussit aussi la performance de battre Paavo Nurmi sur le 5 000 mètres.
Un siècle plus tard, leurs héritiers sont privés de JO en raison de la pandémie de Covid-19. Les Jeux de Tokyo, initialement prévus du 24 juillet au 9 août 2020, auront théoriquement lieu du 23 juillet au 8 août 2021. Malgré ce report, Thomas Bach, président du CIO, a tenu à marquer cet anniversaire : "Cent ans après l'accueil des Jeux Olympiques par la ville d'Anvers, l'esprit des organisateurs continue de nous enseigner qu'en œuvrant de concert, nous pouvons relever d'énormes défis. Nous devrions toujours faire perdurer cet héritage d'unité, de paix et de force alors que nous sommes face à de nouveaux enjeux imprévus à l'échelle mondiale". En 2024, ce sera au tour de Paris de recevoir le plus grand événement sportif au monde. Les Jeux de la XXXIIIe Olympiade auront lieu exactement 100 ans après ceux déjà organisés dans la capitale française.