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Derrière les polémiques, la stratégie droitière de Gérald Darmanin

Accusé de viol, le nouveau ministre de l’Intérieur joue la carte de l'hyperactivité, multipliant déplacements et formules chocs. Une stratégie clivante, mais assumée pour séduire l'électorat de droite.

Gérald Darmanin, pompier pyromane ? Mis sous pression par des féministes qui mettent en avant une accusation de viol et contestent sa légitimité, Gérald Darmanin a semble-t-il choisi de répondre à la polémique en allumant d'autres feux.

Depuis sa nomination par Emmanuel Macron, le 6 juillet, le nouveau ministre de l'Intérieur doit composer avec les actions des féministes. Celles-ci avaient donné le ton dès la passation de pouvoir avec Christophe Castaner lorsqu'elles avaient tenté de perturber la cérémonie aux cris de "Darmanin violeur".

Sous le coup d'une enquête pour viol, Gérald Darmanin reconnaît avoir eu une relation sexuelle avec la plaignante, mais affirme qu'elle était consentie. Il s'est dit victime, le 16 juillet, d'une "chasse à l'homme" et en appelle à la présomption d'innocence pour justifier son maintien comme ministre de l'Intérieur.

En attendant, les déplacements du ministre sont régulièrement perturbés. Gérald Darmanin a ainsi été pris à partie par des féministes à Dijon, le 10 juillet, et par des militants d'extrême gauche et des Gilets jaunes à Saint-Étienne-du-Rouvray, le 26 juillet. Dans cette dernière ville, onze personnes ont été arrêtées et quatre placées en garde à vue, après avoir insulté le ministre de "sale violeur" juste avant le début de l'hommage au père Hamel, assassiné par un jihadiste en juillet 2016.

20000 jeunes de 13 à 25 signent ce matin une tribune dans @Mediapart lancée à l'initiative de @NousToutesOrg pour exiger la démission de @GDarmanin.

La colère et la mobilisation ne faiblissent pas.

➡️ Partagez la tribune avec le #DarmaninDemission.
https://t.co/GbFRMzHe4L

— #NousToutes (@NousToutesOrg) July 23, 2020

"Il y a énormément de voix qui s'élèvent contre la nomination de Gérald Darmanin à l'Intérieur et on trouve ça curieux que ça ne choque personne au gouvernement", s'étonne Sophie Barre, en charge de la coordination au sein du collectif Nous Toutes, contactée par France 24.

Ce collectif féministe compte maintenir la pression durant l'été avec une campagne en ligne contre ce qu'il appelle "le remaniement de la honte". Au programme : tribunes, pétition, courriers électroniques types à adresser au Premier ministre et aux parlementaires, ainsi que partage de visuels et d'articles de presse sur les réseaux sociaux.

Une hyperactivité qui rappelle Nicolas Sarkozy

De son côté, Gérald Darmanin fait le dos rond et préfère multiplier les déplacements. Déjà 21 à son actif, soit près d'un par jour depuis sa nomination. Le ministre de l'Intérieur compte saisir la moindre occasion pour s'afficher sur le terrain et a même fait savoir qu'il ne prendrait pas de vacances cet été. Une façon pour lui de parler d'autre chose que des accusations de viol et de mettre en avant la volonté du gouvernement de lutter contre l'insécurité.

Cette hyperactivité rappelle celle de son mentor, Nicolas Sarkozy. Et comme l'ancien président qui avait parlé de "racailles" et de "nettoyage au Kärcher" lorsqu'il occupait la place Beauvau, Gérald Darmanin n'hésite pas, à son tour, à provoquer la polémique par ses déclarations.

Nous assistons à une crise de l’autorité. Il faut stopper l’ensauvagement d’une certaine partie de la société et réaffirmer l’autorité de l’État. Ne rien laisser passer.
???? Retrouvez mon entretien dans @Le_Figaro ????
https://t.co/SNMkaKsLfO

— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) July 24, 2020

Dans un entretien accordé au Figaro le 24 juillet, il affirme ainsi vouloir stopper "l'ensauvagement" d'une partie de la société française, puisant dans le discours de l'extrême droite, et de Marine Le Pen en particulier. Un choix de vocabulaire qui a fait des remous, jusqu'au sein de la majorité.

"Il n'y a pas de sauvages en France, il n'y a que des citoyens. Cette sémantique nous éloigne de la promesse de réconciliation que nous avons faite aux Français", lui a répondu le député LREM Sacha Houlié, mardi 28 juillet, lors de l'audition du ministre à l'Assemblée nationale devant la commission des lois.

"Quand j'entends le mot 'violences policières', personnellement je m'étouffe"

Le nouveau ministre de l'Intérieur assume et a même profité de cette audition pour user d'une autre formule choc. "Quand j'entends le mot 'violences policières', personnellement je m'étouffe", a-t-il lancé ce jour-là. Une expression qui a heurté la famille de Cédric Chouviat, ce livreur mort en janvier lors d'une interpellation par la police et lors de laquelle, plaqué au sol, il avait crié sept fois "j'étouffe" avant de perdre connaissance, puis de succomber.

"Quand j'entends le mot 'violence policière', moi, personnellement, je m'étouffe", assure @GDarmanin.
> "La police exerce une violence, certes, mais une violence légitime, c'est vieux comme Max Weber."#DirectAN pic.twitter.com/efT7AWs3N9

— LCP (@LCP) July 28, 2020

"Quand il dit 'je m'étouffe', personne ne peut croire qu'il ne sait pas très bien l'effet que ça va produire. Donc on voit là un emballement de sa communication hyperactive", juge le politologue Bruno Cautrès, dans un entretien avec le HuffPost.

D'autres, au contraire, y voient une stratégie parfaitement maîtrisée consistant à envoyer un maximum de signaux à l'électorat de droite. "Gérald Darmanin vient de la droite, il s'est toujours concentré sur ces thèmes-là. Il est à Beauvau pour conduire une politique de sécurité de droite", estime l'ancien "marcheur" et désormais député du groupe Écologie Démocratie Solidarité Aurélien Taché, dans un entretien à Mediapart.

Emmanuel Macron chasse en effet sur les terres de droite depuis son élection en 2017. Le dernier remaniement, avec la nomination comme Premier ministre de Jean Castex, ancien secrétaire général adjoint de l'Élysée sous Nicolas Sarkozy, a accentué un peu plus cette stratégie : Gérald Darmanin est désormais le visage d'une politique sécuritaire musclée.

Le futur projet de loi sur les "séparatismes", qui devrait être présenté à l'automne, va d'ailleurs dans ce sens en associant, comme l'avait déjà fait Nicolas Sarkozy, sécurité, immigration et religion. Jugeant la France "malade de son communautarisme [et] d'un islam politique qui veut renverser les valeurs de la République", Gérald Darmanin a justifié, le 17 juillet dans La Voix du Nord, la création de cette loi pour "éviter la guerre civile".