La justice turque s'est penchée jeudi sur l'avenir de l'ex-basilique Sainte-Sophie, aujourd'hui l'un des musées les plus visités d'Istanbul, que le président Erdogan souhaite voir revenir au statut de mosquée au risque de susciter des tensions avec plusieurs pays. Le Conseil d'État doit annoncer sa décision sous 15 jours.
Mosquée ou musée ? Le plus haut tribunal de Turquie a étudié, jeudi 2 juillet, sur le statut de l'ex-basilique Sainte-Sophie. Le Conseil d'État doit annoncer sa décision sous 15 jours, a rapporté la télévision d'État TRT.
Œuvre architecturale majeure construite au VIe siècle par les Byzantins qui y couronnaient leurs empereurs, Sainte-Sophie est un site classé au patrimoine mondial de l'Unesco et l'une des principales attractions touristiques d'Istanbul.
Convertie en mosquée après la prise de Constantinople par les Ottomans en 1453, elle a été transformée en musée en 1935 par le dirigeant de la jeune République turque, Mustafa Kemal, soucieux de "l'offrir à l'humanité".
Erdogan veut rallier les conservateurs
Signe que l'affaire préoccupe à l'étranger, les États-Unis ont appelé mercredi la Turquie à ne pas toucher au statut de Sainte-Sophie.
Mais Recep Tayyip Erdogan, un nostalgique de l'Empire ottoman qui cherche aujourd'hui à rallier l'électorat conservateur sur fond de crise économique due à la pandémie de nouveau coronavirus, s'est plusieurs fois dit pour une reconversion en mosquée. L'an dernier, il avait qualifié la transformation de Sainte-Sophie en musée de "très grosse erreur".
Depuis l'arrivée de Recep Tayyip Erdogan au pouvoir en 2003, les activités liées à l'islam se sont multipliées à l'intérieur de Sainte-Sophie, avec notamment des séances de lecture du Coran ou des prières collectives sur le parvis du monument.
Puissant symbole
Pour Anthony Skinner, du cabinet de consultants Verisk Maplecroft, reconvertir Sainte-Sophie en mosquée permettrait au président turc de contenter sa base électorale, d'irriter Athènes, avec qui les rapports sont tendus, et de renouer avec le passé ottoman. "Erdogan ne pouvait pas trouver un symbole aussi puissant que Sainte-Sophie pour atteindre tous ces buts à la fois", résume-t-il.
L'an dernier, le Conseil d'État avait déjà autorisé la reconversion en mosquée de la superbe église byzantine de la Chora à Istanbul, une décision perçue par certains comme un ballon d'essai avant Sainte-Sophie.
La décision du Conseil d'État jeudi "sera vraisemblablement politique (...), le résultat des délibérations au sein du gouvernement", estime Asli Aydintasbas, chercheuse à l'European Council on Foreign Relations. Selon elle, le gouvernement doit peser le pour et le contre, notamment à travers le prisme des relations avec la Grèce, l'Europe et l'administration américaine de Donald Trump pour qui "la religion est un sujet important".
Avec AFP