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Covid-19 : la France dans le "wagon de tête économique" de l'Europe

La France est le seul pays européen à avoir enregistré post-confinement une croissance de l'activité dans le secteur privé d'après un indicateur très suivi : celui de la production manufacturière et des services. 

Pour une fois, c'est la France qui mène la danse, et pas l'Allemagne. L'Hexagone est le premier pays européen à donner des signes tangibles de reprise économique après le choc de la période de confinement lié à la pandémie de Covid-19. "La deuxième économie européenne a retrouvé le chemin d'une croissance de l'activité alors même que le reste du monde est toujours en déclin", constate avec envie la chaîne d'information américaine CNN, mercredi 24 juin.

Quel est ce signe qui a permis à la France de devenir "le wagon de tête économique de l'Europe en ce moment", selon les termes de Chris Williamson, économiste à IHS Markit, un cabinet américain d'informations économiques ? Il s'agit de l'indice PMI des services et de la production manufacturière, autrement dit le baromètre de l'activité du secteur privé. Depuis le début du mois de juin, cet indicateur a bondi, passant de 32,1 à 51,3, a indiqué mardi IHS Markit, qui gère cet indice. Cela permet à la France et l'Australie d'être les seuls pays parmi les grandes puissances économiques analysées par IHS Markit à avoir dépassé la barre des 50 points, un niveau qui n'avait pas été atteint depuis février. Au-dessus de ce seuil, les économistes considèrent que l'activité n'est plus en déclin.

June's Flash France PMI pointed to a rebound in activity as the country's lockdown measures were further wound down. The expansion in activity was broad-based but predominantly driven by a sharp rise in the manufacturing sector.
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— IHS Markit PMI™ (@IHSMarkitPMI) June 23, 2020

Services gagnants

Certes, l'indice PMI n'a pas le prestige médiatique du taux de croissance (qui devrait toujours chuter en France d'environ 10 % en 2020, d'après les estimations de l'OCDE), et on pourrait se dire qu'on se contente de peu en ces temps de vaches maigres économiques. Mais "cet indicateur illustre mieux la santé économique d'un pays que le taux de croissance, car il est plus fin et intègre davantage de variables", souligne Pascal de Lima, économiste en chef au cabinet de conseil financier Harwell Management, contacté par France 24.

Pour lui, ce grand bond en avant de l'indice PMI reflète avant tout le retour du consommateur sur le devant de la scène économique. "On constate que près de 60 % de l'épargne accumulée pendant le confinement – qui a dépassé 50 milliards d'euros – a été dépensée depuis la fin du confinement", note Pascal de Lima. Accessoirement, "cela prouve aussi que les politiques publiques ont atteint leur but immédiat, c'est-à-dire éviter la multiplication des faillites", précise l'économiste.

Mais la plupart des autres pays ont également commencé à sortir du confinement tout en dépensant sans compter pour éviter le pire... sans, pour autant, connaître le même succès. En Allemagne, par exemple, l'indice PMI n'est revenu qu'à 45,8. C'est une belle remontée, mais Berlin reste dans le rouge, tout comme le Royaume-Uni. 

Si le déconfinement sied si bien à la France, c'est parce que "l'économie hexagonale est très sensible aux services qui ont, eux-mêmes, été particulièrement affectés par la période de restriction à l'activité et aux déplacements", souligne Frédéric Rollin, conseiller en stratégie d'investissement au cabinet de gestion d'actifs Pictet AM, contacté par France 24. En d'autres termes, la chance de la France est que le retour à la normale profite d'abord à la restauration, au tourisme et à tous les services de proximité dans lesquels les Français dépensent traditionnellement plus que les Allemands.

Une bonne nouvelle insuffisante

La multiplication des nouveaux foyers de contamination au Covid-19 de l'autre côté du Rhin ces dernières semaines peut également avoir joué un rôle. "Il y a aussi peut-être moins d'incertitude en France qu'en Allemagne par rapport à la situation sanitaire. Cette sérénité est un facteur psychologique important dans le comportement des consommateurs", précise Pascal de Lima. 

Mais il ne faut pas surestimer, non plus, la confiance retrouvée des consommateurs. "In fine, elle dépend surtout de la situation de l'emploi", assure Frédéric Rollin. Le vrai test interviendra à l'automne, lorsque les mesures publiques de soutien aux entreprises seront progressivement arrêtées et que les employeurs se retrouveront seuls face au trou dans leur trésorerie.

À cet égard, le rebond de l'indice PMI constitue un signe encourageant. "Il souligne que la reprise d'activité a été plus rapide que prévue par la plupart des économistes et suggère que les entreprises ont été moins durement touchées et pourraient ainsi se montrer moins sévères dans les licenciements", résume l'analyste financier. Se dessine alors le scénario rêvé de sortie de crise : un déconfinement accompagné par une forte hausse de la consommation qui donne un coup de fouet à l'activité dans le secteur privé, entraînant des coupes moins drastiques dans les effectifs. Cela aurait pour effet d'améliorer encore le moral des consommateurs, les incitant à dépenser davantage.

Mais si "la bonne tenue de l'indice PMI est clairement une bonne nouvelle, ce n'est pas suffisant", tempère Frédéric Rollin. Pour l'heure, la France reste isolée dans sa bonne dynamique et "comme l'activité dans le reste du monde est toujours en berne, cette reprise est fragile", explique l'analyste français. Dans une économie mondialisée, si les autres nations ne suivent pas le même chemin, et si le commerce international ne repart pas, le rebond hexagonal risque de rester comme un heureux accident de parcours.

Et les dernières estimations du FMI, qui a tablé, mercredi 24 juin, sur une récession mondiale encore plus profonde qu'anticipée ne sont pas de bonne augure. Sans compter que le risque d'une deuxième vague de l'épidémie, entraînant de nouveaux confinements économiquement douloureux, est loin d'avoir disparu.