
Dans un rapport sévère, la commission d'enquête du Sénat reproche au gouvernement sa gestion de l'incendie de l'usine Lubrizol, survenu en septembre. Les sénateurs dénoncent aussi l'indulgence de l'État français vis-à-vis de l'industrie, au vu de la faiblesse des sanctions prononcées.
Suivi sanitaire "problématique", moyens insuffisants, la commission d'enquête du Sénat sur le spectaculaire incendie de Lubrizol dénonce "des angles morts inacceptables" dans la prévention des risques industriels en France. Les sénateurs épinglent au passage le gouvernement, et en particulier l'ex-ministre de la Santé Agnès Buzyn, dans un rapport publié jeudi 4 juin.
"À l'instar du suivi sanitaire proprement dit, l'identification du risque sanitaire telle que pratiquée par le ministère de la Santé, a été à la fois tardive et incomplète", écrivent les rapporteurs Christine Bonfanti-Dossat (LR) et Nicole Bonnefoy (PS) dans leurs conclusions sur cet "accident industriel majeur", sans victime "apparente".
L'incendie, survenu le 26 septembre sur le site Seveso seuil haut, avait provoqué un immense nuage de fumée noire de 22 km de long avec des retombées de suie jusque dans les Hauts-de-France. Près de 9 505 tonnes de produits chimiques avaient brûlé dans cette usine de lubrifiants automobiles et sur le site voisin de Normandie Logistique.
Une prévention impossible sans moyens humain et financier
Les auteures du rapport dénoncent en outre la décision du ministre de l'Agriculture "prise dans l'urgence le 11 octobre" de lever l'interdiction de vente du lait produit dans plus de 200 communes. Cette décision prise "trois jours avant la publication du premier avis de l'Anses [autorités sanitaires, NDLR], paraît prématurée : elle n'a pas pu tenir compte des fortes réserves émises (...) confirmées dans les avis subséquents", selon le rapport.
Le gouvernement a ensuite "fait fi du caractère incomplet de l'analyse des prélèvements d'air".
La ministre de la Transition écologique et solidaire n'est pas en reste. Son objectif affiché à la suite de la catastrophe "d'augmentation de 50 % des contrôles d'ici 2022 à effectifs constants" est "peu réaliste", selon le rapport. Car "depuis quinze ans (...) le nombre de contrôles" des sites industriels classés "a pratiquement été divisé par deux".
Pour les sénatrices Christine Bonfanti-Dossat et Nicole Bonnefoy, il faut "renforcer les moyens humains et financiers consacrés" à la prévention.
L'indulgence envers les industries pointée du doigt
Le gouvernement n'est ainsi pas le seul épinglé dans ce rapport. "La politique de prévention des risques industriels déployée depuis 40 ans en France laisse apparaître des angles morts importants et inacceptables", écrivent les rapporteurs.
"Les crédits budgétaires alloués par l'État à la prévention des risques technologiques diminuent tendanciellement depuis plusieurs années", ajoutent les sénatrices.
Les élues de la Haute Assemblée pointent en outre "le nombre réduit de sanctions prononcées, leur faiblesse et le taux de classement sans suite plus élevé pour les infractions environnementales que pour la moyenne". Cela est "perçu par certains observateurs comme le signe d'une forme d'indulgence des pouvoirs publics vis-à-vis des industries", poursuivent-elles.
Par ailleurs, "il est urgent de revoir la doctrine de communication de crise de l'État. Vouloir rassurer à tout prix fait perdre de vue l'objectif principal : informer le plus clairement possible et en temps réel".
Avec AFP