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Coronavirus : au Maroc, "les stocks des produits de consommation sont suffisants"

Au Maroc, comme dans beaucoup d’autres pays, les citoyens se sont rués dans les commerces de proximité et les grandes surfaces pour faire des stocks. Le gouvernement a d’ailleurs annoncé que toute "tentative de spéculation sera sévèrement punie". Le ministre de l’Industrie, du commerce et de l’économie verte et numérique, Moulay Hafid Elalamy a répondu à nos questions à propos des répercussions de cette crise sanitaire sur le commerce et sur l’industrie au Maroc et comment le pays y fait face.

France 24: Les citoyens semblent beaucoup s’inquiéter pour l’approvisionnement en produits de base, que pouvez-vous nous dire de l’état des stocks et des risques de spéculation ?

Moulay Hafid Elalamy, ministre de l’Industrie, du commerce et de l’économie verte et numérique du Maroc : L’ensemble des produits de consommation sont disponibles avec des quantités largement suffisantes. Les stocks sont à des niveaux très confortables et peuvent couvrir les besoins de consommation des ménages durant cette période particulière. Nous sommes rassurés de l'approvisionnement du marché. Enfin, en application des directives royales, un suivi permanent et régulier est assuré, en coordination avec les ministères de l’Intérieur et de l’Agriculture, pour préserver cette situation et lutter contre toute forme de spéculation et de hausse des prix.

Les grands marchés marocains du commerce de gros, comme Derb Omar ou Derb Ghallef, sont très impactés par la pandémie. Comment seront-ils aidés ?

Les commerçants ont fait preuve d’un civisme et d’une solidarité exemplaires, en exprimant leur adhésion et soutien inconditionnels aux mesures prises par l’État, en vue d’assurer un approvisionnement normal du marché en produits de grande consommation et limiter les risques de propagation de la pandémie.

Le ministère est en contact quotidien avec les associations professionnelles représentant les marchés de gros en vue du suivi de l’activité commerciale, l’approvisionnement et la situation des emplois directs et indirects.

Les opérateurs des trois grands pôles de commerce de gros, à savoir Korea, Garage Allal et Derb Omar sont répartis en deux grandes catégories : 

- les commerçants des produits alimentaires qui sont toujours en activité avec une application stricte des mesures d’hygiène et de sécurité sanitaire (désinfestation de leurs points de vente, maintien des distances recommandées entre les commerçants et leurs clients, maintien de leurs activités, etc).

- les commerçants des produits non-alimentaires qui ont procédé, à leur initiative, à la fermeture de leurs points de vente, comme mesure préventive contre la propagation du virus. 

Une série d’actions de solidarité envers les employés ont été lancées en vue de leur permettre de subvenir à leurs besoins en produits de première nécessite : congés payés, avances sur salaires, aides à fonds perdus aux emplois précaires…

Une initiative est prévue pour octroyer des paniers de denrées alimentaires aux employés les plus démunis qui ont été, par ailleurs, sommés de rester chez eux et éviter le voyage vers leurs villes natales, pour éviter le risque de propagation du virus.

Le Groupe Renault Maroc a décidé d’arrêter à partir de jeudi 19 mars et ce jusqu’à nouvel ordre, l’activité de ses deux sites de production de Tanger et de Casablanca. Il s’agit de 11 000 collaborateurs sur les deux sites. Comment réagissez-vous à cette annonce ? 

Nous sommes en étroite collaboration avec Renault et étions bien évidemment au fait de la décision de la pause provisoire des opérations du groupe au Maroc. 

L’industrie automobile est l’industrie du flux tendu par excellence : l’arrêt temporaire des usines Renault au Maroc fait suite aux arrêts successifs des sites fournisseurs européens. 

L’épicentre de la pandémie s’étant déplacé de la Chine vers l’Europe, nos supply chains automobile étant étroitement imbriquées, nous avions anticipé la décision du groupe de mettre la production sur pause une fois leurs stocks de pièces consommés. 

Dans un monde interdépendant, l’inverse n’est pas tenable : si Renault Maroc poursuivait sa production, le groupe aurait eu à stocker des véhicules incomplets, sans moteurs, pour lesquels il aurait fallu payer de l’espace de stockage et des coûts de maintenance. 

L’enjeu est ensuite d’amorcer le redémarrage des opérations de manière à synchroniser Casablanca et Tanger avec la reprise de la production automobile européenne. Les contrats de fourniture de pièces sont en cours, tout comme les contrats de fourniture de véhicules. Pour éviter une situation inverse, c'est-à-dire des volumes de pièces importées trop importants qui viendraient saturer les stocks de Renault Maroc, il faudra bien préparer la reprise.

Les secteurs du textile et de l’automobile sont les deux secteurs exportateurs les plus exposés. Ils font face à un double problème : le sourcing (matière première venant de Chine) et le manque de visibilité sur les commandes. Qu’est-il prévu pour les aider ? Et est-ce le moment de reposer cette dépendance vis-à-vis de la Chine et d’encourager la production locale ?

Ces deux secteurs cumulent plus de 114 milliards de dirhams à l’export en 2019, dont 77 milliards de dirhams pour l’automobile qui est notre 1er secteur exportateur depuis 2014. L’impact emploi est tout aussi important. 

Entre le lancement du Plan d’accélération industrielle (PAI) et fin 2019, l’automobile a permis la création de plus de 142 000 emplois et le textile approche les 100 000 emplois créés. Ces deux secteurs sont donc névralgiques pour le Royaume qui a placé l’emploi et l’export à la tête de ses objectifs stratégiques. 

Il s’agit aujourd’hui de préserver nos acquis. Nous serons tout aussi engagés dans la défense de nos secteurs que nous l’avons été dans leur développement ces dernières années. 

Nous vivons une crise économique mondiale sans précédent où l’offre et la demande se contractent quasi-simultanément. Avec toutefois certaines nuances en fonction des secteurs : 

Pour le textile, c’est d’abord la demande qui se contracte. Avec la reprise des fournisseurs chinois, il y a relativement moins de pression sur les opérations. 

Pour l’automobile, la production se contracte avant la demande pour préserver l’équilibre des flux de supply chain. 

Enfin, nous n’avons pas attendu le coronavirus pour encourager la production locale. L’intégration locale est un chantier majeur du PAI : le développement des chainons manquants dans nos filières ou la connexion des écosystèmes amont-aval concourent à cet objectif. Passer à d’un véhicule 60 % à 80 % marocain suppose nécessairement de travailler sur une production locale de matières premières. 

Il est vrai néanmoins que nous anticipons un monde "post-Covid-19" où toutes les économies feront le constat de leur niveau de dépendance aux productions chinoises. Le Maroc est un candidat sérieux pour la relocalisation d’activités de production qui devront quitter la Chine pour mieux répartir le risque industriel.