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Les protagonistes de l'affaire Clearstream 2

Un ex-Premier ministre face au président de la République, deux directeurs des services de renseignements à la barre... Retour sur les principaux protagonistes d'une affaire qui a ébranlé les plus hautes sphères du pouvoir.

Les prévenus

Florian Bourges, le consultant

Il fait partie, en 2001, de l’équipe du cabinet de conseil Arthur Andersen chargée d’effectuer un audit au sein de la chambre de compensation luxembourgeoise Clearstream. Quelques mois plus tôt, l’établissement avait été épinglé par le journaliste Denis Robert dans son ouvrage "Révélation$".

Florian Bourges a, au cours de sa mission, obtenu des listings de comptes bancaire et les a remis au journaliste Denis Robert. Plus tard, il a également fourni un second listing comptable à Imad Lahoud. Il est poursuivi pour vol et abus de confiance.



Denis Robert, le journaliste

Alors que le journaliste enquête sur les pratiques de la chambre de compensation Clearstream, Florian Bourges lui remet une liste de comptes de l’organisme, qu’il remet à son tour à Imad Lahoud, employé à EADS et collaborateur de la DGSE. Soupçonné d’avoir monnayé cette liste, Denis Robert est aujourd’hui poursuivi pour recel de vol et abus de confiance.



Imad Lahoud, l'informaticien

Il est accusé d’avoir falsifié les listes de comptes Clearstream en y ajoutant les noms de diverses personnalités, notamment politiques.

Employé du géant aéronautique franco-allemand EADS et collaborateur ponctuel de la direction générale de surveillance du territoire (DGSE), il se serait fait passer pour un agent enquêtant sur des comptes d’organisations terroristes, dont al-Qaïda, pour obtenir de Denis Robert puis de Florian Bourges une copie des listes des comptes de Clearstream. Dans "Le Point" du 27 novembre 2008, Imad Lahoud admet avoir falsifié les documents. Il affirme avoir agit sur un ordre de Jean-Louis Gergorin et "sous la connaissance de Dominique de Villepin", puis déclare avoir truqué les listes dans le bureau du patron des renseignements généraux, Yves Bertrand.



Jean-Louis Gergorin, l'homme fort d'EADS

Alors vice-président du groupe EADS et proche de l’ex-Premier ministre Dominique de Villepin, il est suspecté d’être le corbeau à l’origine du volet politico-financier de l’affaire Clearstream. Il a avoué, dans un article du "Parisien" paru en mai 2008, être l’auteur des lettres et CD-ROM envoyés au juge Renaud Van Ruymbeke au printemps 2004. Ces plis contenaient les listings des comptes occultes sur lesquels apparaissaient les noms de diverses personnalités politiques, dont Nicolas Sarkozy. Après enquête, ces listes se sont avérées falsifiées. Jean-Louis Gergorin est poursuivi pour faux et dénonciation calomnieuse.



Dominique de Villepin, le protagoniste politique

Ministre de l’Intérieur au moment des faits et Premier ministre lorsque le scandale Clearstream éclate, il est suspecté d’avoir piloté la machination dans le but de mettre à mal les ambitions présidentielles de Nicolas Sarkozy. Les notes retrouvées dans les carnets et l’ordinateur du général Rondot et le témoignage d’Imad Lahoud l’accablent. Alors qu’il est une nouvelle fois entendu par les juges en octobre 2007, le ministre évoque une implication de l’ancien président Jacques Chirac et de l’ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin.

Dominique de Villepin s’apprête à comparaître pour complicité de dénonciation calomnieuse, complicité d'usage de faux, recel d'abus de confiance et de vol. Il risque jusqu’à cinq ans de prison.


 

Les témoins

Le général Philippe Rondot, l'homme de l'ombre

Au moment de l’affaire Clearstream, le militaire travaille au ministère de la Défense où il coordonne les services de renseignements français et supervise les opérations spéciales. Dans ce cadre, il est chargé en mai 2004 par Dominique de Villepin, alors ministre de l’Intérieur, de mener une enquête parallèle sur la série de personnalités politiques françaises dont les noms apparaissent sur le listing. Des carnets, sur lesquelles il consigne ses conversations, ses actions et ses réflexions, tombent en 2005 entre les mains de la Justice. Les notes mettent directement en cause Dominique de Villepin, locataire de Matignon depuis mai 2005, et Jacques Chirac.



Renaud Van Ruymbeke, le juge manipulé

En 2001, le juge d’instruction supervise l’enquête sur des commissions versées par la France lors de la vente de frégates à Taïwan. L’affaire prend la tournure d’un scandale politico-financier quand, en 2004, le magistrat reçoit plusieurs lettres anonymes et un CR-ROM contenant des listings de comptes secrets de Clearstream. Ils suggèrent que diverses personnalités politiques, dont Nicolas Sarkozy, ont perçu des pots-de-vin lors de la vente des frégates. Après plusieurs mois d’investigation, le juge réalise qu’il a été manipulé : le listing a été falsifié. La chasse au "corbeau" est alors lancée, Jean-Louis Gergorin devient le principal suspect. En mai 2006, le "Canard enchaîné" dévoile que Jean-Louis Gergorin a secrètement rencontré Renaud Van Ruymbeke en avril 2004, avant que n’éclate l’affaire. Au cours de cet entretien, le juge se serait entendu avec le numéro 2 d’EADS pour qu’il lui fasse parvenir anonymement les listings. Malgré le tollé provoqué par la nouvelle, Renaud Van Ruymbeke n’écope finalement que d’une réprimande du Conseil supérieur de la magistrature.



Yves Bertrand, le preneur de notes

L’ancien patron des renseignements généraux est suspecté par les proches de l’actuel président d’avoir fait partie du "cabinet noir" mis en place par Chirac pour enrayer les ambitions présidentielles de Nicolas Sarkozy. On l’accuse d’avoir fourni les faux listings et Imad Lahoud affirme les avoir truqués dans le bureau même d’Yves Bertrand. L’ancien haut fonctionnaire s’en est toujours défendu. Des perquisitions effectuées à son domicile n’ont pas permis de prouver son implication. Plusieurs carnets de notes personnelles ont néanmoins été saisis. Ils contiennent des rumeurs et indiscrétions concernant tout un panel de figures politiques et haut fonctionnaires … Ce que "Le Point" appelle alors un "voyage sous les jupes de la République". Yves Bertrand est démis de ses fonctions après la publication de ces carnets dans la presse.

 

Les parties civiles

Quelque 41 personnes se sont constituées partie civile pour le procès du volet politico-financier de l’affaire Clearstream. En plus de l’actuel président de la République, considéré comme la cible principale de la machination, Jean-Pierre Chevènement, Laurent Fabius, Alain Madelin, Dominique Strauss-Kahn ou encore Patrick Ollier, dont les noms figurent sur les listings truqués, ont également porté plainte.



Nicolas Sarkozy, la cible

Il est, au moment des premiers éléments de l’affaire Clearstream 2, ministre de l’Économie et s’apprête à prendre la tête de l’UMP (Union pour un mouvement populaire). Son nom apparaît sur les listings des faux comptes Clearstream, le mettant en cause dans l’affaire des frégates de Taïwan.

Son rival politique, Dominique de Villepin, est soupçonné d’avoir supervisé la machination pour le déstabiliser politiquement en vue de la présidentielle de 2007. Cette thèse est notamment étayée par Imad Lahoud qui, lors d’une audition avec les juges en septembre 2009, révèle une "cabale anti-Sarkozy" orchestrée par Dominique de Villepin et Jacques Chirac.

Nicolas Sarkozy se porte partie civile en 2006. Pour beaucoup, il aurait été au courant de la manipulation dès l’été 2004… et ne serait pas intervenu pour, plus tard, profiter politiquement de la situation. Imad Lahoud affirme notamment l’avoir rencontré à deux reprises en 2004, ce qu’a toujours nié Sarkozy. Et le juge Van Ruymbeke s’est étonné que l’avocat de Sarkozy, Thierry Herzog, ne vienne pas le voir pour démentir l’existence de comptes de son client à l’étranger, à l’instar des avocats des autres personnalités mises en causes par le faux listing.