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William Taylor, le chargé d’affaires américain en Ukraine, et Marie Yovanovitch, l’ex-ambassadrice américaine à Kiev, sont les principaux témoins clefs appelés à comparaître lors des auditions publiques visant à mettre en accusation Donald Trump.
L’heure du grand show a sonné. La procédure de mise en accusation du président américain Donald Trump va passer à la télé. Les auditions publiques devant la Chambre des représentants ont débuté mercredi 13 novembre.
Les démocrates viennent de terminer une première phase de près de deux mois durant laquelle ils ont cherché à rassembler des éléments prouvant que Donald Trump mérite d’être destitué pour son coup de fil avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, en juillet dernier.
Ils espèrent maintenant que les millions d’Américains, qui vont suivre ces auditions en direct, entendent des acteurs de premier plan de l’administration américaine assurer que le président américain a conditionné l’envoi d’une aide financière de plus de 300 millions de dollars à l’Ukraine à l’ouverture d’enquêtes par le gouvernement de Zelensky pouvant nuire à Joe Biden, l’un des principaux rivaux démocrates de Donald Trump pour la présidentielle de 2020. C’est le fameux "quid pro quo" (un "donnant-donnant" en latin) au centre de la procédure de mise en accusation.
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Les démocrates n’ont pas réussi à faire comparaître plusieurs témoins clefs de l’affaire ukrainienne, comme Rudy Giuliani, l’avocat personnel du président, et John Bolton, l’ex-secrétaire d’État. Ils placent tous leurs espoirs dans deux diplomates de haut rang, directement impliqués dans l’application de la politique américaine en Ukraine : William Taylor, chargé d’affaires des États-Unis à Kiev, et Marie Yovanovitch, l’ex-ambassadrice américaine en Ukraine.
William Taylor, le poids des mots.
Il est l’homme qui fait peur au camp Trump. William Taylor, diplomate de carrière et ancien vétéran de la guerre du Vietnam qui a servi pour des présidents démocrates et républicains, sera le premier à comparaître devant la Chambre des représentants, mercredi.
En réalité, il apparaîtra devant les élus en compagnie d’un autre diplomate - George P. Kent -, mais c’est le témoignage de William Taylor qui est censé causer le plus de tort à Donald Trump. Lors des auditions à huis-clos à la Chambre des représentants, il a expliqué en détail avoir entendu à plusieurs reprises des proches de Donald Trump affirmer que l’aide financière serait transmise à l’Ukraine uniquement après ouverture d’une enquête contre le fils de Joe Biden.
Le poids de son témoignage tient au fait qu’il a fait partie du sérail. Nommé par Donald Trump en personne, il a été en contact avec certains des hommes du président directement chargés de faire pression sur le président ukrainien. Ce sont eux qui ont évoqué avec lui le "quid pro quo" à l’origine des soucis politiques de Donald Trump.
Cependant, William Taylor n’a jamais discuté en personne avec Donald Trump du dossier ukrainien. Les républicains ne vont pas manquer de souligner "qu’il n’apporte aucun témoignage de première main que le président a bel et bien fait pression sur Volodymyr Zelensky pour qu’il l’aide à discréditer un rival politique", souligne le Wall Street Journal. Qui plus est, le diplomate a souligné que l’un de ses interlocuteurs lui a affirmé que, malgré les apparences, Donald Trump avait soutenu qu’il n’y avait pas de "quid pro quo". Là encore, le camp pro-Trump ne devrait pas manquer de lui rappeler ce passage de son témoignage à huis-clos.
Marie Yovanovitch, le choc des émotions
Elle est la bête noire de Rudy Giuliani. L’ex-ambassadrice des États-Unis en Ukraine, Marie Yovanovitch, a été démise de ses fonctions en mai 2019 par la Maison Blanche sur demande insistante de l’avocat personnel de Donald Trump qui voyait en elle un obstacle à ses plans en Ukraine.
"Les démocrates vont tenter de dépeindre Marie Yovanovitch comme la victime de cette diplomatie de l’ombre, mise en place par Rudy Giuliani et qui a mené au scandale qui secoue actuellement la présidence", note le New York Times.
Marie Yovanovitch, qui doit comparaître le 15 novembre, représente le témoin "émotion" des démocrates, souligne le Wall Street Journal. Ils espèrent que le récit qu’elle fera de la pression exercée par l’entourage de Donald Trump pour la faire partir et la manière dont elle a perdu, petit à petit, tous ses soutiens à Washington fera forte impression sur le public américain. Il ne faut, en effet, pas oublier que l’impeachment est une procédure politique qui dépend beaucoup du soutien dans l’opinion publique. Plus Donald Trump apparaîtra comme le grand méchant de l’histoire, plus il y a des chances d’assister à des défections dans le camp conservateur lorsqu’il s’agira de voter en faveur de la destitution.
En outre, comme William Taylor, cette diplomate a une réputation de grande intégrité et peut difficilement être attaquée par les républicains sur sa personnalité.
Mais le témoignage de Marie Yovanovitch souffre d’un défaut majeur : "Elle n’a qu’une connaissance très indirecte de tout ce qui entoure le coup de fil entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky car elle n’était plus en poste lorsque les manœuvres pour faire pression sur le président ukrainien ont commencé", rappelle la chaîne CNN.
Les républicains risquent donc de remettre en cause la pertinence du témoignage de l’ex-ambassadrice dans le cadre de cette procédure, tout en suggérant que le président avait toute latitude pour la démettre de ses fonctions. Le chef de l’exécutif américain est, en effet, libre de nommer et mettre fin aux fonctions des diplomates sans avoir à se justifier.
Si les témoignages de William Taylor et Marie Yovanovitch ne suffisent pas à convaincre l’opinion, les démocrates pourront toujours tenter d’enfoncer encore davantage le clou la semaine prochaine. Ils ont en effet indiqué qu’ils comptaient encore faire comparaître huit autres témoins.